Carmel de Saint-Maur P. Maurice Boisson
Si vous vous êtes levés ce
matin en n’ayant pas trop le moral, je ne sais pas si vous avez bien fait de
venir à la messe. A première vue - à première audition - pourrions-nous dire,
la Parole de Dieu de ce dimanche pourrait nous démoraliser !
« Vanité des vanités, tout est vanité ! » (Ecclésiaste 1,2)
Ca commence bien ! Les
premiers mots de la première lecture, qui continue : « Quel profit l’homme retire-t-il de toute la peine qu’il se donne
sous le soleil ? » (Ecclésiaste 1,3)
« A quoi bon se fatiguer
- en plus sous le soleil - à quoi bon se casser la tête ? On est si peu de
chose. On se donne de la peine, des soucis, même qu’ils nous empêchent parfois
de dormir, mais pourquoi, Seigneur ? Pour rien ; c’est un
scandale ! » Même Georges Marchais avait repris cette phrase.
« Tout ce qu’on fait est
vanité - c’est-à-dire vain, qui ne vaut rien. Finalement, pourquoi on se donne
tant de peine ? » Avouez que ce monsieur qui a écrit la première
lecture découragerait un régiment, ou même un monastère.
Le Psaume reprend cette même
chanson : « Mille ans sont
comme hier, c’est un jour qui s’en va, une heure dans la nuit. » (Psaume
89,4) – « L’homme ! Ses jours
sont comme l’herbe ; comme la fleur des champs, il fleurit : dès que
souffle le vent, il n’est plus, même la place où il était l’ignore. »
- dit le Psaume 103 (v. 15-16).
On connaît bien ces moments
de passage en creux, de « blues », où on peut être fatigué, blessé,
découragé, prêt à baisser les bras…
Ce n’est pas fini. L’Evangile
remet une couche. Une affaire d’héritage. On sait bien que ces affaires de
partage peuvent empoisonner la vie, les relations dans les familles, être
causes de disputes et de brouilles. « Dis
à mon frère de partager avec moi notre héritage » (Luc 12,13). Jésus
ne fait pas le notaire. Il nous renvoie à nos responsabilités. Et là encore on
pourrait penser qu’il nous sape le moral. « A quoi bon entreprendre, à
quoi bon faire fructifier, à quoi bon développer son affaire, s’agrandir,
construire un Carmel, ou tout simplement travailler ? A quoi
bon ? » - « Cette nuit
même, on te redemande ta vie. Et ce que tu auras mis de côté, qui
l’aura ? » (Luc 12,20)
Ce n’est pas un encouragement
à la paresse, à l’inconscience, à baisser les bras ou au laisser-aller.
En fait, c’est comme sur un
rond-point. Si on ne sait pas où on va, on tourne et on tourne dans notre
soupe ! Il nous faut une direction, des indications, un sens à la vie.
Celui que nous donne la Parole de Dieu de ce dimanche. Elle nous évite de
tourner, de nous empêtrer dans la satisfaction de l’avoir et des biens. La
Parole de Dieu donne la direction où il serait bon d’aller pour ne pas nous
trouver devant un panneau « sans issue », mais sur une route qui
ouvre un espace de bonheur, de paix intérieurs et de relations heureuses.
Quelques clignotants
indicateurs peuvent nous éviter de nous perdre. « Gardez-vous bien de toute âpreté au gain » - dit Jésus
(Luc 12,15). Il dit : « La vie
d’un homme, fût-il dans l’abondance, ne répond pas de ses richesses » (Luc
12,15). Tout homme répond de ce qu’il est.
Où sont les vrais
biens ? Hier, quelqu’un me disait : « On ne me demandera
pas : ‘Qu’est-ce que tu avais ? – mais : ‘Qu’est-ce que tu
étais ? »
Quand on pense en termes
d’avoir, de possession - c’est ce que dit Jésus dans cet Evangile – et l’avoir
et la possession ne concernent pas seulement les biens matériels, on peut
vouloir ou croire posséder la vérité, le pouvoir, la renommée, la première
place. Sur ce terrain germe l’envie, la jalousie, la tristesse - au fond - de
ne pas avoir, et la méchanceté pour avoir.
Il n’y a pas besoin de
beaucoup avoir pour que ça germe. Mais quand se dégonfle ces boursoufflures,
ces baudruches, c’est le désespoir qui pousse, et on rejoint notre ami de la
première lecture : « Tout est
vanité. »
« Recherchez donc les réalités d’en haut » (Colossiens 3,1). Voilà un deuxième clignotant, c’est
la deuxième lecture. Les choses d’en haut : pas les choses en altitude,
dans les nuages, qui planent à 15 000 mètre de haut. Le haut, c’est le très
bas, le fond du cœur, de l’être, les trésors intérieurs, les qualités de l’être
de chacun au-delà des façades. C’est la prière du Psaume : « Apprends-nous la vraie mesure de nos
jours » (Psaume 89,12).
Quelle est la vraie mesure de
notre vie ? Dans nos sociétés on est préoccupés par le savoir – c’est
bien, par le savoir-faire – c’est bien, mais est-ce qu’on l’est autant par le
savoir Etre ?
Finalement, on a bien fait de
venir l’écouter, cette Parole de Dieu qui nous aide à vivre.
« Apprends-nous la vraie mesure de nos
jours »
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