Homélie Assomption 2013
Carmel de Saint-Maur P. Maurice Boisson
Jésus, en visite au Paradis,
constate qu’il y a beaucoup de monde et en fait la remarque à Pierre. Quelque
temps après, il repasse : toujours autant de monde. « Il faut que tu
vérifies les entrées » – lui dit Jésus. Quelque temps après, Jésus
revient : rien de changé. Jésus se fâche et demande à Pierre de fermer les
portes du Paradis le temps de mettre un peu d’ordre. Il revient à
nouveau : toujours pareil. « Tu ne m’as pas obéi – dit Jésus à Pierre
– je vais te licencier. » Pierre, tout penaud, lui répond : « Je
t’assure que j’ai fermé les portes du Paradis pour les vérifications, mais,
Jésus, tu devrais demander à ta Mère de ne pas ouvrir les
fenêtres ! »
Cette petite histoire
gentille nous dit un peu ce qu’est l’Assomption. Marie est entrée dans la
maison de Dieu, en son cœur, avec tout son être, toute sa personne. Elle a
connu la mort, comme tous les humains – comme Jésus – mais nous croyons qu’elle
a eu accès totalement au monde nouveau de Dieu déjà inauguré par la
résurrection du Christ.
L’Assomption ne veut pas dire
que Marie est montée comme une fusée dans les nuages. Assomption veut dire : « prendre avec soi ».
Jésus, le premier ressuscité,
vainqueur de la mort – c’est la deuxième lecture – a pris avec lui sa Mère pour
la conduire dans tout son être en la vie et le cœur de Dieu. A fond, elle l’a
bien mérité : il lui devait bien ça, ce Fils, ce bébé qu’elle a posé dans
une mangeoire, cet enfant à qui elle a appris les premiers gestes de tendresse
et les premiers mots de la prière, cet ado fugueur qu’elle a ramené à la
maison, celui à qui elle a murmuré à l’oreille de dépanner des mariés à Cana,
cet homme pendu qu’elle a reçu dans ses bras au pied de la crois, avant de
réaliser, avec les amis, qu’il est bien là – vivant - un matin de Pentecôte. Il
lui devait bien ça.
Si elle ouvre les fenêtres du
Paradis, c’est qu’elle est chez elle, avec une longueur d’avance sur
nous : ce que Jésus a fait pour sa Mère, il le fera pour nous, pour ses
frères et sœurs. Marie réalise la promesse de ce que nous serons : nous
aurons, nous et aussi tous les morts dans le Christ – c’est encore la deuxième
lecture – notre Assomption.
Le dragon, la bête horrible -
affreux symbole du mal décrite dans la première lecture, image de toute la
méchanceté, du mal, de la laideur – ce dragon est vaincu pour laisser la place
à une Femme « ayant le soleil pour
manteau, la lune sous ses pieds, et sur la tête une couronne de douze
étoiles » (Apocalypse 12,1).
La création, nos vies, sont
promises à être « assomptées » - prises avec l’amour de Dieu.
Le chemin est désormais
ouvert.
Un poète a écrit - un
chanteur a chanté : « La femme est l’avenir de l’homme ».
Apparemment incroyants tous les deux, ils ne croyaient pas si bien dire :
Marie - nouvelle Eve - dans son Assomption, est notre avenir, l’avenir de
l’humanité. Ni une déesse, ni une star : une jeune fille de notre race, de
chez nous, nous indique la direction et le terme.
Pourquoi cette fête, au cœur
de l’été – la « Pâque » de l’été - est-elle si populaire ?
Pendant 15 ans, dans le sanctuaire marial du Mont Roland, j’ai été témoin de
cette ferveur simple, belle, vraie, discrète, inconnue parfois - de tous ces
gens venant déposer leur sac aux pieds de Notre-Dame : des merci, des questions, des cris, des
souffrances, des joies, des révoltes, des recherches.
Pourquoi ? Pourquoi, en
ce jour, sur un lit de malade, dans une cellule de prison, au volant d’une
voiture, au pied d’un statue à la croisée d’un chemin de campagne ou de
montagne, dans le secret d’un cœur - pourquoi reviennent quelques mots enfouis
dans la mémoire : « Je vous salue Marie » - « Prie pour
nous, maintenant ». Nos maintenant,
ils sont parfois lourds.
Il y a, au fond, ce
sentiment, ce pressentiment, cette intuition, ce rêve peut-être, qu’une
espérance est possible, quelles que soient nos situations – un chemin est
ouvert. Quelqu’un de chez nous peut ouvrir les fenêtres de chez Dieu.
Nos vies, notre monde, ne
fonctionnent pas en boucle comme un CD. Marie est déjà ce que nous serons. Sur
chacune de nos routes, même si parfois elles semblent être des impasses, une
étoile tourne nos regards - nos cœurs surtout, du côté du jour qui vient.
« Le nom de la jeune fille était Marie » (Luc 1,28) – ce qui signifie « étoile de la mer ».
La jeune Marie et la vieille Elisabeth attendaient toutes deux les enfants de
l’impossible – c’est l’Evangile. Marie a rendu possible ce qui paraissait
impossible.
Nous fêtons aujourd’hui la
réussite possible de nos vies, de la vie, de la vie de ceux à qui nous pensons
plus particulièrement. On aime bien savoir - ou du moins pressentir, espérer -
qu’il y a quelque part une source en nos déserts, une lueur dans nos nuits, une
fenêtre ouverte. Même si Pierre a fermé les portes du Paradis ! C’est
l’invisible présence de la grâce dans le cœur de chacun, la grâce du 15 août.
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