Homélie 20e
dimanche C
Carmel de Saint-Maur P. Maurice Boisson
Vous avez déjà remarqué
comment une petite étincelle, un mot de travers, un geste mal compris,
suffisent à mettre la brouille, à attiser des colères, à provoquer des
conflits.
« Je suis venu apporter un feu sur la terre. (…)
Pensez-vous que je sois venu mettre la paix dans le monde ? Non, je vous
le dis, mais plutôt la division. »
(Luc 12,49.51)
Jésus serait-il un pyromane
qui allume des incendies et un semeur de divisions dans les relations, même
familiales ?
Avouez que c’est un peu
déroutant ; on croirait se tromper de livre et entendre un manifeste
provocateur et incendiaire, d’autant plus que ces paroles sont de Celui qui est
appelé Prince de la Paix, qui dira tout à l’heure : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix », qui a
proclamé bienheureux les doux et les artisans de paix et qui a passé son temps
à faire le bien, à réconcilier, à guérir.
Ces propos peuvent nous
choquer parce qu’on vit notre foi assez au calme, disons. On n’est pas dans la
situation de Jérémie, dans la première lecture, jeté dans une citerne ; on
n’est pas non plus en Syrie, en Egypte ou ailleurs, là où les chrétiens ont du
mal à vivre leur foi.
C’est vrai que c’est pas
facile - dans les familles, dans nos relations - de vivre en paix avec
l’apparente ou la vraie non croyance et non pratique des enfants et petits
enfants - ou grands jeunes. C’est source d’incompréhension, parfois de rupture,
de rejets, quand ce n’est pas de culpabilité.
C’est vrai aussi que pour les
jeunes qui choisissent d’avancer dans la foi au Christ, ce n’est pas la paix de
se faire moquer, rejeter - des copains et copines. C’est vrai que si on veut
essayer de vivre l’Evangile dans notre société, il faut souvent penser et agir
à contre-courant. On le voit bien à propos des grandes questions
d’aujourd’hui : la vie – au début et à la fin, la famille, l’argent, la
vie ensemble, le respect des femmes ; si on se positionne comme chrétien
on est à contre-courant.
Mais être dans le vent, c’est
l’ambition des feuilles mortes. Ce sont les poissons morts qui ne remontent pas
le courant ! L’Evangile, l’adhésion au Christ, n’est pas forcément
compatible avec « tout le monde il est beau, tout le monde il est
gentil ».
« Je ne suis pas venu
apporter la paix » - dit Jésus. C’est un constat, et pas une volonté de
mettre la division. C’est ce qu’il a vécu lui-même : « signe de contradiction » - avait prédit le vieux Syméon
(Luc 2,34).
Quand Saint Luc rapporte ces
paroles de Jésus, les premiers chrétiens vivaient des moments difficiles :
les familles se déchiraient quand quelqu’un se convertissait, on livrait le
nouveau converti aux tribunaux. La tension était grande entre ceux qui tenaient
à grader la pratique de la religion juive et ceux qui adhéraient avec enthousiasme
à la nouveauté du message libérateur du Christ.
On connaît encore un peu ça.
C’est dans cette ambiance que
Jésus dit : « Je suis une cause de division mais c’est bien la paix
que je veux apporter. »
Ce feu que jésus est venu
apporter n’est ni un incendie, ni un feu de paille, ni un tas de cendres
brûlées et passé. C’est un feu qui « claire » - comme on dit chez
nous - qui éclaire les soirs de nos soucis et de nos peines, qui nous rassemble
pour la fête ; il réchauffe nos frilosités et nos arthroses intérieures,
il purifie « ce qui nous
alourdit » – c’est la deuxième lecture (Hébreux 12,1). Il est cette
présence intérieure qui rend nos cœurs tout brûlants sur nos chemins d’Emmaüs.
La Paix et le feu du Christ
ne sont pas un aérosol d’eau de rose que l’on vaporiserait ici ou là. Etre doux
et pacifique – bon - demandent une grande force intérieure. La paix du Christ
demande de mûrir, de s’enraciner, de grandir, parce qu’elle recouvre l’épreuve
et la souffrance.
Rien ne mûrit dans la
facilité, sans combat intérieur.
C’est à la fois admirable et
étonnant de voir la facilité chaleureuse avec laquelle on se donne la paix
avant la Communion. C’est bien - c’est le signe d’un accord intérieur, d’une
volonté de paix.
La Paix et le feu du Christ,
c’est – dit la deuxième lecture – comme une course d’endurance (cf. Hébreux
12,1-4) qui suppose énergie, combat et vitalité intérieure, entraînement.
Les yeux fixés sur Jésus –
Jésus venu mettre le feu et la division afin que la Paix approche - finalement,
on est à la bonne page, dans le bon livre. Tout à l’heure, on pourra accueillir
en vérité le don que le Christ nous fait de la Paix : « C’est la paix que je vous laisse, c’est ma paix que je vous
donne. » (Jean 14,27) – et nous pourrons aussi - en vérité - nous la
partager et nous aider à en vivre.
« La Paix du
Christ. »
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