Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson
C’est la grande fête de la
famille et des amis du Carmel. Une fête, ça se fête ! La fête est inscrite
dans les gènes de l’humanité, dans tout cœur humain et dans ceux du peuple de
Dieu. La fête ravive, dans la joie et l’action de grâce, la mémoire
d’événements, de personnages, qui ont créé une histoire, une âme commune, un
avenir commun, dans une nation, un village, une famille, l’Eglise… La fête
donne l’occasion, non pas de s’enfermer dans un passé, mais, appuyés sur nos racines, de vivre un
présent et d’ensemencer un avenir.
Aujourd’hui, nous fêtons, par
la Vierge Marie et le prophète Elie, l’origine, l’histoire et le présent de la
grande et belle aventure de l’Ordre du Carmel, que Sainte Thérèse définit comme
l’Ordre de Notre Dame, et dont les
premiers ermites du Mont Carmel se sont inspirés du prophète Elie. Une histoire
aussi faite de tant de témoins – bien sûr les grands et grandes saints et
saintes connus – mais, en plus grand nombre, les inconnus, discrets, ignorés,
dont vous, mes Sœurs, et nous, les amis, à notre manière, nous sommes : maillons
de cette chaîne conduisant à d’autres maillons…
Aussi, la Parole de Dieu de
ce soir nous invite à raviver l’une des institutions – je crois qu’on dit
« charisme » - qui font de la spiritualité du Carmel une contribution
très précieuse à la recherche du monde d’aujourd’hui : une recherche de
Dieu qui s’exprime de bien des manières et qui traduit un profond désir du cœur
humain.
L’expérience du prophète Elie
et de la Vierge Marie, cités dans les lectures, nous parle d’un Dieu
proche : de nous, de l’humanité, de tous ceux qui le cherchent avec
droiture. La fréquentation de cette proximité de Dieu nous façonne
intérieurement, nous fait exister d’un certain style de vie. Cette présence de
Dieu proche, parfois discrète, parfois dans la nuit, correspond à cette
recherche très forte sur le sens de l’existence, de la vie, des événements, des
relations, de l’amour, de la vie, de la mort – à ce désir d’aller à une source.
Une des vraies questions
d’aujourd’hui est celle de l’intériorité, de la solidité intérieure, qui
peuvent permettre un repérage, des balises, une direction, et surtout un but,
dans un tourbillon qui ne comble pas les désirs du cœur humain.
En approchant de la proximité
offerte de notre Dieu tout Autre et tout proche - tout près - nous nous
retrouvons nous-mêmes : c’est en nous retrouvant nous-mêmes que nous
retrouvons, en vérité, les autres, et l’Autre avec un grand A (en vérité).
Le prophète Elie, qui,
pensait-on, habitait les grottes du Mont Carmel avec ses disciples, cet homme
au cœur de feu, a fait l’expérience de la rencontre toute proche du Dieu vivant
– non pas dans le bruit des éclairs, la tempête ou encore moins dans le vent,
mais dans le murmure d’un fin silence (cf. 1Rois 19,9-18). Alors, il a pu avoir
du nez, le nez de Dieu, pour flairer et anticiper les événements – c’est la
première lecture : « Ne vois-tu pas ce petit nuage, gros comme le
poing ? » (cf. 1 Rois 18,42b-45a). Il annonce la pluie bienfaisante
dans la sécheresse.
Il y a, dans le cœur de
chacun, ce désir d’apercevoir ce petit nuage : un petit signe, gros comme
la main, annonçant un mieux, un meilleur, un peu de bienfait, de fraîcheur, de
bonté, dans ce qui arrive, invitant à tourner les yeux là où la nuit est moins
épaisse et où apparaît une lueur d’aube.
Saint Jean de la Croix
exprime bien cette soif intérieure de trouver ce que notre cœur désire. C’est
une intuition du Carmel, je le pense, et aussi d’autres familles spirituelles,
d’être signe, indicateur, accompagnateur sur ce chemin de désir, cette voie –
une « petite voie » - qui conduit à la fréquentation de Dieu tout
proche. Ce chemin passe par la prière, l’oraison, bien sûr, que Sainte Thérèse
d’Avila définit par « écouter, commencer, entrer en relation » -
« Un échange d’amitié avec Celui dont nous savons qu’il nous aime »
(Vie 8,5). S’il nous aime, c’est qu’il est proche, au point de faire de nous
ses fils et ses filles bien-aimés – c’est l’Evangile (Luc 11,28) et la seconde
lecture (Galates 4,4-7) : « Voici
ta mère, (…) voici ton fils » (Luc 11,26.27) - « Fils, vous
l’êtes, et pas esclaves »- dit Paul (cf. Galates 4,7).
Quelle proximité plus grande
que celle du lien, du sang, de l’amour, et, dira Jésus, de ceux qui vivent de
la Parole de Dieu ? C’est pourquoi cette proximité de Dieu peut se trouver
aussi au milieu des marmites – dit encore Sainte Thérèse – ou dans le plus
quotidien de nos vies, et il y a des marmites pas rien que dans une cuisine !
Sœurs et frères, réunis, pour
l’action de grâce, dans cette Eucharistie qui fait mémoire d’un passé, qui rend
présent, tout près, tout proche, le don de l’amour, en Christ - qui nous ouvre
l’avenir -, puisons l’énergie, la grâce et la joie de contribuer à indiquer à
notre monde le chemin de l’essentiel, de l’intériorité, la petite voie étroite
de la solidité intérieure, qui conduit à approcher et combler ce que notre cœur
désire : « Celui – dit Saint Augustin – qui est plus intime à
moi-même que moi-même. » Celui que nous ne recherchions pas, dit encore
Saint Augustin, si nous ne l’avions déjà trouvé.
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