Homélie du 18ème Dimanche année B
Carmel de Saint-Maur —Père Maurice Boisson
De récents
sondages révèlent que les Français non seulement aiment bien manger mais qu’ils
aiment bien parler de ce qu’ils ont mangé ! On fait peut-être plus attention
aujourd’hui à la nourriture, par souci de santé… ou de sa ligne !
Dimanche
dernier, l’Evangile nous montrait Jésus nourrissant une foule avec un petit
pique-nique qu’un jeune garçon avait emporté dans son sac à dos. 3 fois rien.
Tout le monde a mangé et il en est resté. Quand on partage, non seulement le
pain, ça se multiplie. Quand on garde, ça moisit.
Tous ces gens
rassasiés courent après Jésus. C’est la suite ce matin.
Jésus n’est pas
dupe : « Vous me cherchez parce que vous avez bien mangé. Mais il n’y a pas que le pain
matériel qui compte. Il y a un autre pain, pour nourrir tout ce que vous êtes
et ce que vous devenez. Je suis le pain de vie. Celui qui me mange n’aura
jamais faim. »
« Seigneur,
donne-nous toujours de ce pain-là ! » Cela nous rappelle la rencontre avec
la Samaritaine au bord du puits, un certain midi, en plein soleil :
« Donne-moi à boire ! Celui qui boira de l’eau que je lui donnerai
n’aura plus jamais soif. Cette eau deviendra en lui source de vie. »
« Seigneur, donne-moi de cette eau vive ! » Cela nous parle en ces
jours de forte chaleur.
Nous avons
raison de nourrir sainement notre corps. Mais nous ne sommes pas seulement de
la chair et du sang. Nous sommes de la pensée, de l’esprit, de la volonté, de
l’amour, des sentiments, du coeur. Nous sommes des êtres de relation. Nous
faisons des choix, nous donnons du sens et de l’orientation à nos vies. Il y a
en nous une dimension d’intériorité qui nous ouvre à plus que nous-mêmes, à
l’autre, aux autres, à l’Autre, à des valeurs, des convictions, à une certaine
manière de mener notre vie. Cette
part de nous-mêmes, ce que nous sommes et devenons , ce meilleur de nous-mêmes
crie parfois famine, comme notre estomac à l’heure de midi ! On a besoin d’une
nourriture qui nourrisse tout notre être (corps et âme). Au risque de nous
anémier, de végéter, humainement et spirituellement dans notre capacité d’être
en relation, de vivre ensemble, de partager, de chercher, de prier, d’exister
vraiment. C’est l’expérience
que nous rapporte la première lecture : le peuple de Dieu, marchant dans le
désert vers la Terre Promise, dans nos déserts d’aujourd’hui, regrette les
marmites de viande et le pain à satiété de l’esclavage d’Egypte. Il est prêt à
adorer des veaux d’or. Et Dieu lui fait comprendre qu’il y a aussi une autre
faim que celle du « pain et des jeux » que réclamaient les Romains.
Un matin, ces
Hébreux voient une fine croûte recouvrir le sol. « Mann hou ? » se
demandent-ils « Qu’est-ce que c’est ? » qui a donné le mot manne.
« C’est le pain que le Seigneur vous donne à manger. » On ne sait pas
toujours nommer cette manne que le Seigneur nous donne pour marcher vers une
terre de liberté et d’amour, pour faire et refaire nos forces intérieures.
« Mann hou ? Quelle est cette manne ? » Si, dans nos pays, nos
tables à manger ne sont pas en manque, ce n’est hélas pas vrai pour tout le
monde.
Sommes-nous
pour autant rassasiés du pain de la fraternité et de l’amour mutuel ?
Serions-nous repus de paix ? De douceur ? D’attention aux autres ? D’écoute ?
Serions-nous gavés de justice, de bonté, de bien commun ? De quelle manne
avons-nous faim aujourd’hui ? Un ami me confiait hier : « La plus grande
pauvreté, c’est quand personne n’a besoin de toi, de ton amitié, de ta
présence. »
Cette manne qui
nourrit l’humain et les relations humaines, elle vient de Dieu et non pas de
nos égoïsmes.
J’aime bien une
devise des Petits Frères des Pauvres, ils ont l’expérience en la matière :
« Des fleurs avant
le pain. »
Le pain, oui
bien sûr, mais l’accueil, la bonté, la fraternité, la beauté. C’est ce que
signifient les fleurs. Toutes ces valeurs, ces attitudes, ces gestes sans
lesquels le pain n’a guère de goût. « Des fleurs avant le pain ».
Avant le pain, inséparable du partage, des fleurs nous attendent à la table où
nous invite le Christ.
Son Amour nous
attend pour nous nourrir du pain de Vie. « Vous ferez cela en mémoire de
moi. »
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