Homélie du 20ème Dimanche année B
Carmel de Saint-Maur —Père Maurice Boisson
Cet Evangile
nous rappelle un air déjà entendu ! C’est le 4ème dimanche que Jésus nous
explique le sens de la multiplication des pains : Il est venu nous apporter une
autre nourriture. Et cette nourriture, c’est Lui.
Ceux qui font
des homélies ces dimanches se disent : « Qu’est-ce qu’on va bien pouvoir
dire ! » Ce matin, ça se complique encore : comment cet homme, Jésus,
peut-il donner sa chair à manger et son sang à boire ? Cela a fait bondir ceux
qui écoutaient ses paroles : on n’est pas revenu au temps des cannibales !
Pourtant, on
est bien au coeur de notre existence chrétienne et humaine : Dieu nous invite à
nous nourrir de Lui, à nous nourrir d’Amour, de ce qu’Il est.
Tout le monde
était content d’avoir mangé à sa faim ce jour-là. Il est resté du pain. Mais on
ne vit pas seulement du pain matériel. « Vous avez besoin d’une autre
nourriture, je vous l’apporte, de la part de Dieu » disait Jésus. C’était
difficile à entendre.
Comme ces gens
rassasiés, on se contente souvent des biens matériels, de ce qui satisfait nos
faims d’estomac, de tranquillité, d’individualisme, d’avoir. On a du mal à
accueillir une autre nourriture : celle qui nous fait être, vivre dans toutes les
dimensions de notre personne, être en relation.
Ce dimanche,
Jésus va au bout de son message. « Quelle est donc cette nourriture que je
vous apporte ? C’est moi. C’est ma chair donnée, mon sang versé. Celui qui
s’en nourrit a la vie pour toujours.» « Comment peut-il nous donner sa
chair et son sang en nourriture ? » grognent ceux qui l’écoutent. On est
souvent égaré par les mots lorsqu’on les prend au pied de la lettre : la chair
et le sang signifient ce que nous sommes, tout entiers : corps, esprit, coeur,
raison, notre manière de vivre, d’être, de penser, d’être en relation avec les
autres. D’ailleurs, c’est aussi notre langage : « Il boit ses
paroles » : il se nourrit des paroles de l’autre, et les paroles ne sont
pas seulement des mots, c’est ce qui sort de notre coeur, de ce que l’on est.
« Je te mangerais ! » : j’ai envie d’être toi. « Cet homme,
c’est un homme mangé » : il est nourriture pour les autres, en se donnant
à eux, à une cause.
Manger la chair
et boire le sang du Christ, c’est nous nourrir de son être tout entier, nous
nourrir de Dieu, nous nourrir de l’Amour. Dieu est Amour. C’est l’Eucharistie.
« Ce pain, c’est mon corps, ce vin, c’est mon sang. Ce pain et ce vin, c’est moi. Ma vie donnée dans
l’Amour » dit Jésus. On est piégé aussi par le mot « amour » qui
fait qu’on aime le chocolat, le cinéma, qu’on aime ses proches, et les autres
et qu’on peut donner sa vie. La nourriture que je vous donne, c’est moi, c’est
Dieu, c’est l’Amour donné, dit Jésus. Ce n’est pas seulement une hostie, c’est
ma manière d’être de vivre, de penser, d’agir, d’aimer. Pour que vous soyez, à
votre tour, cette nourriture humaine et divine qui fait vivre au-delà de la
nourriture matérielle. « Il est grand le mystère de la foi ! »
L’Amour donné en nourriture pour nous donner nous-mêmes. Et si, c’était de ce
pain et de ce vin dont nous manquions, qui manquent à notre monde, nos lieux de
vie tout proches. Et si c’était de cette sagesse, c’est-à-dire de l’amour du
Christ dont nous parlent les deux premières lectures, dont nous avons besoin,
de cet art de vivre, de savoir vivre ensemble, surtout de savoir être, nourris
de l’Etre même de Dieu Amour.
Le pain qui
n’est pas partagé et mangé se rassit et moisit. Le vin tiré qui n’est pas versé
devient vinaigre. L’amour qui n’est pas donné est sclérosé. La communion au
corps et au sang du Christ qui reste enfermés dans notre petit confort
spirituel n’est plus source de fraternité, ni ferment pour un monde agréable.
« Celui
qui me mange vivra ».
Devenons ce que
nous recevons : le corps et le sang du Christ et nous répondrons «
Amen », ainsi soit-il !
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