dimanche 17 février 2019

Homélie du 6ème dimanche T.O.C. 2019


Homélie du 6ème dimanche T.O.C. 2019
Dimanche 17 février 2019
Carmel de Saint-Maur – Père Maurice BOISSON

Jr 17, 5-8 ; 1Co 15,12.16-20 ; Lc 6,17. 20-26


             Qui oserait dire à des pauvres, à des gens qui ont faim ou qui pleurent, « Heureux êtes-vous !».
            Et à des riches : « Malheur pour vous ! »
            Jésus lui-même ne peut pas le dire, si on prend ses paroles au pied de la lettre. Jésus, le premier, est pris aux entrailles devant des infirmes, des sourds-muets, des lépreux, devant la veuve qui menait son fils mort au cimetière, devant ceux qui ont faim.  « J’ai pitié d’eux » dit Jésus. Il nourrit, guérit et réconforte. Il ne reste pas indifférent.
            Ces paroles peuvent nous choquer et donner une mauvaise image de la foi au Christ. Celle-ci nous endormirait - dit-on - et nous empêcherait de réagir aux situations d’injustice et de pauvreté.

            Dans la Bible, un ministre de la reine d’Ethiopie, sur son char, lisait les Ecritures, et ne les comprenait pas. « Explique-moi », demande-t-il à Philippe qui l’avait rejoint (Livre des Actes des Apôtres 8, 26-40). On a besoin de comprendre la Parole de Dieu.

           
            Cet Evangile est un enseignement de Jésus adressé à tous : à un grand nombre de disciples et à une multitude de gens. Il leur annonce que le Royaume de Dieu – le monde selon Dieu – s’est rapproché par Lui, Jésus.

            Quatre fois, dans ces quelques lignes, revient le mot maintenant. Maintenant c’est le présent, l’aujourd’hui. Les choses ne sont pas figées. L’espérance est possible. Jésus n’enferme pas le pauvre dans sa misère, l’affamé dans sa faim, le souffrant dans sa douleur, ni d’ailleurs, le riche dans ses biens. Il ne nie pas ces situations, mais il invite à changer de regard et de cœur, à ne pas s’enfermer sur le maintenant mais à s’ouvrir à la confiance active en Dieu qui nous aime, nous accompagne et nous invite à aller de l’avant. D’ailleurs « en avant » est une traduction possible de « bienheureux ». La volonté de Dieu est tout le contraire du fatalisme, de l’inaction ou de la paresse dans lesquels on peut se réfugier. Elle nous invite à prendre à bras le corps cet aujourd’hui difficile, avec l’aide de Dieu.
            Un jésuite hongrois, du 16ème siècle, exprime bien cette attitude spirituelle. Je cite : « Telle est la 1ère règle de ceux qui agissent : Crois en Dieu, comme si tout le cours des choses dépendait de toi et rien de Dieu. Cependant mets tout en œuvre en elles, comme si rien ne devait être fait par toi, et tout de Dieu seul... ».
            En agissant ainsi, heureux sommes-nous, malgré nos misères, car nous regardons nos situations, avec une confiance active, sans naïveté, ni rêveries, ni mensonges... Nous devenons un peu plus ce que nous sommes, et ce à quoi nous sommes appelés : « Enfant de Dieu » (1 Jn 3,1-3). On sait bien aussi par expérience, que toute traversée de situations difficiles, vécue dans la foi et l’espérance, nous enrichit d’une paix intérieure plus forte.

            « Et alors, les riches, les repus, les rieurs ?... Quel malheur pour vous !... ».
            Jésus n’est-il pas de ces malheureux, lui qui passait aux yeux des pharisiens pour un glouton, un buveur, fréquentant « n’importe qui ». Quel est le sens de ces paroles ?
            Jésus nous met en garde contre l’avidité, le désir d’avoir toujours plus, la tentation de dominer les autres parce qu’on a « du bien ». Il nous alerte sur le danger de nous laisser prendre et parfois asservir par les biens matériels et la surconsommation à laquelle nous entraine la société moderne. Il ne s’agit pas de renoncer à ce que nous possédons, mais de renoncer  au fait que ce que nous possédons ne nous possède pas. Il ne s’agit pas forcément des biens matériels, ce peut être le pouvoir, le savoir et l’influence de relations qui nous enferment.
            Jésus ne condamne pas, il constate avec tristesse : c’est dommage que vous soyez malheureux si vous oubliez l’essentiel : être heureux n’est pas forcément dans la puissance, la domination, l’accumulation, le paraître... Il n’est pas non plus dans la misère... Ce que nous avons n’est pas ce que nous sommes. Chez des gens vraiment heureux, tout simplement, on trouve toujours une forte intériorité.

            La question de ce dimanche c’est bien : « Qu’est ce qui me rend heureux, vraiment au plus profond de moi ? » et celle qui en est inséparable : « Comment je peux rendre les autres heureux autour de moi ? »

             Rendons grâce pour ce que nous possédons, en particulier ces trésors du cœur, qui rendent la vie plus heureuse.
            Pauvres ou riches, nous sommes tous enfants de Dieu. Jésus ne colle pas d’étiquettes. Il nous invite tous, quelles que soient nos situations, à changer nos cœurs, notre regard, et peut-être nos comportements, pour témoigner que nous sommes  aimés de Dieu. Un Amour à redonner. C’est cet Amour redonné ou refusé aux autres qui nous rendra heureux ou malheureux.

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