Homélie du 7ème
dimanche TOC 2019.
Carmel de St Maur –
Père Maurice BOISSON
1S 26, 2. 7-9. 12-13. 22-23 ; 1 Co
15,45-49 ; Lc 6, 27-38
Ce
serait intéressant de partager nos réactions ! : Jésus exagère,…
« Aimez vos ennemis. Tends l’autre
joue si on te gifle ! ». Si on me prend mon sac, je vais donner
mon numéro de carte bancaire !... Et les clefs de ma maison et de ma
voiture !... etc
Ce
n’est pas la première fois que les propos de Jésus nous prennent à contre-pieds,
à contre courant, des façons de faire et
de penser habituelles. Laissons de côté quelques minutes notre agacement,
peut-être notre désaccord, surtout notre indifférence à des paroles qui nous
paraissent tellement loin des réalités de la vie… Mais peut-être pas tant en
dehors de nos relations habituelles.
Jésus
nous propulse au-delà de ce monde de violence, de brutalité relationnelle et
sociale que l’on connaît.
« On n’est pas programmé pour cela » dit
Jésus. C’est pas notre état naturel, ni notre avenir. « Soyez miséricordieux comme votre Père est
miséricordieux ». Le défi que nous propose l’Evangile c’est d’être ce
que nous sommes et de vivre selon ce que nous sommes : « des enfants de Dieu ». Ce défi est
d’entrer dans la logique de Dieu en ce qui concerne nos relations. Entrer dans
une autre logique que celle de la violence, de rendre le mal qu’on me fait par
un enchaînement, un engrenage de la violence qui se développe comme un feu qui
se propage jusqu’à ce que toute relation soit détruite. Il faut toujours
combattre le mal, il faut se défendre mais en refusant de prendre les mêmes
moyens que ceux qui font le mal. A la Passion, un soldat gifle Jésus. Jésus ne
tend pas l’autre joue mais il lui demande : « Pourquoi fais-tu cela ? ».
« Aimez vos
ennemis ». Crois en cette capacité que lui et toi
vous pouvez devenir amis si est brisé un anneau de la chaîne, ou une dent de
l’engrenage de la violence, de la méchanceté : un avenir est possible.
C’est la belle aventure réalisée au ciel dernier par des chrétiens convaincus
qui ont réconcilié des peuples en guerre. C’est vrai de nos relations
personnelles et de la vie ensemble.
En
fait, ces paroles de Jésus peuvent nous paraître décalées et irréalistes, et
c’est normale. C’est preuve qu’elles ne glissent pas sur la toile cirée de nos
habitudes et de notre indifférence. Soyons poreux à ces réalités difficiles, à
ces paroles exigeantes, elles pénètrent nos cœurs, elles agissent comme un
levain, comme une petite veilleuse dans nos relations. L’Esprit que Jésus nous
partage, si nous voulons l’accueillir, suppose que nous baissions le ton de
notre orgueil pour entendre que le mal, la violence, la vengeance, la
méchanceté, ne peuvent jamais vaincre le mal, ni la vengeance, ni la méchanceté,
même si provisoirement « ça peut nous faire du bien », comme on dit.
Ils ne peuvent que détruire comme le vent alimente le feu. L’obscurité ne
chasse jamais la nuit, seule la lumière peut dissiper la nuit.
Loin
d’être faiblesse, naïveté, parole irréalisable, ces recommandations de Jésus font appel à une
immense énergie intérieure, une force plus forte que la violence. Cette énergie
intérieure ne vient pas seulement de nous, mais de la puissance d’aimer que
Dieu nous donne pour lui ressembler et aimer comme lui. C’est le psaume que
nous avons entendu : « Le
Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’Amour ».
« Aimez vos ennemis ». Notre premier
ennemi c’est nous même. « C’est de
notre cœur que sortent les méchancetés » dit Jésus. Notre premier
ennemi c’est nous-mêmes que nous avons à aimer, à désarmer, par un travail de
conversion. C’est un travail de déminage, lorsqu’une toute petite égratignure à
notre « moi, je » est capable d’allumer un incendie de violence
verbale. Alors, « présente l’autre
joue ». Jésus ne parle pas de la joue droite ou gauche : l’autre
joue, celle de ton cœur, de ta paix et de ta force intérieure, de ton regard
pacifié et pacifiant, peut-être de ton sourire désarmant. Celui et celle qui te
gifle moralement, aura peut-être le temps de désarmer sa propre violence et de
reprendre sa propre raison.
Pour
terminer ces paroles difficiles mais libératrices, écoutons des témoins qui ont
vécu dans leur chair ces paroles du Christ et en ont témoignées : frère
Luc de Tibhirine : « Commencer
à aimer quelqu’un qui ne nous aime pas est une véritable création ». Pour
l’un et pour l’autre.
Frère
Christophe : « Dans le climat
de violence où nous vivons, je suis renvoyé à ma propre agressivité et à mes
complicités. Jésus me tire de cet abîme et me conduit, à la mesure de ma
confiance en lui, vers une vérité qui peu à peu me recrée ».
Déroutante cette parole d’Evangile ?... Sans doute…
Combien
actuelle et nécessaire ?... Sûrement.
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