Avec l'Ordre du Carmel qui se prépare au V° centenaire de la naissance de Sainte Thérèse de Jésus (d'Avila), nous vous proposons une découverte du Livre des Demeures ou Château intérieur.
DEUXIÈMES DEMEURES
De la valeur de la persévérance, pour atteindre aux
dernières Demeures, du vif combat que livre le démon, et combien il est utile
de ne pas se tromper de chemin au début. D’un moyen dont elle a fait
l’expérience efficace.
1 Venons-en maintenant à parler des âmes qui pénètrent dans
les deuxièmes Demeures, et de ce qu’elles y font...
2 Il s’agit de ceux qui ont déjà commencé à faire oraison et
compris l’importances pour eux, de ne pas en rester aux premières
Demeures ; mais, souvent, ils ne sont pas encore assez déterminés à ne pas
y rester, ils ne s’éloignent pas encore des occasions, ce qui est fort
dangereux. Dieu leur fait une bien grande miséricorde lorsqu’ils cherchent par
instants à fuir les couleuvres et choses venimeuses, et comprennent qu’il est
bon de les fuir...ils se rapprochent du séjour de Sa Majesté, il est trés bon
voisin, et sa miséricorde et sa bonté sont si grandes que même au milieu de nos
passe-temps, de nos affaires, de nos plaisirs et des voleries du monde, même
lorsque nous tombons dans le péché, et nous en relevons, ce Seigneur, malgré tout, apprécie
tellement que nous l’aimions et recherchions sa compagnie qu’il ne manque pas,
un Jour ou l’autre, de nous appeler, pour nous inviter à nous approcher de
Lui ...
3 ... Sa Majesté sait bien attendre de longs jours, des
années, en particulier quand elle voit en nous de bons désirs et de la persévérance.
C’est ce qu’il y a de plus nécessaire ici ; avec la persévérance, on ne
manque jamais de beaucoup gagner. Mais la batterie que fomentent sous mille
formes les démons est terrible, et bien plus pénible à l’âme que dans la
demeure antérieure...
4 Ô Jésus ! quel train mènent ici les démons, quelle
affliction est celle de la pauvre âme qui ne sait si elle doit avancer ou
retourner à la première Demeure ! Car la raison, d’autre part, lui montre
qu’elle se leurre beaucoup si elle s’imagine que tout cela n’est rien, comparé
avec ce qu’elle recherche. La foi l’instruit de ce qui lui est réservé. La mémoire
lui représente à quoi aboutit tout cela, elle lui rappelle la mort de ceux qui
ont beaucoup joui de ces choses qu’elle a vues, dont quelques-uns, morts
subitement, sont bientôt oubliés de tous ; elle a vu fouler aux pieds ceux
quelle avait connus en pleine prospérité... La volonté est portée à aimer,
lorsqu’elle a vu tant de marques d’amour et de choses innombrables, elle
voudrait les payer de retour ; en particulier, il lui apparaît que ce
véritable amant ne la quitte jamais, il l’accompagne, il lui donne la vie et
l’être. Aussitôt, l’entendement accourt lui faire entendre qu’elle ne peut se
faire un meilleur ami, quand elle vivrait bien des années ; que le monde
entier est plein de fausseté ; et ses plaisirs (ceux que lui procure le
démon), pleins de peines, de soucis, et de contrariétés ; il lui dit
qu’elle est certaine de ne trouver ni sécurité, ni paix hors de ce
château ; qu’elle cesse donc d’aller dans des maisons étrangères puisque
la sienne regorge de biens, si elle veut en jouir ; qui donc pourrait
trouver comme elle tout ce dont elle a besoin dans sa maison, en particulier un
pareil hôte, si elle ne veut pas se perdre comme l’enfant prodigue, et manger
la nourriture des porcs...
6 ..Songez toujours à ne pas vous laisser vaincre, car si le
démon vous voit bien déterminé à perdre la vie, le repos, tout ce qu’il vous
offre, plutôt que de retourner à la première salle, il vous lâchera beaucoup
plus vite... et il n’est meilleures
armes que celles de la croix...
8 ... Quiconque débute dans l’oraison (n’oubliez pas cela,
c’est très important), doit avoir l’unique prétention de peiner, de se
déterminer, de se disposer, aussi diligemment que possible, à conformer sa
volonté à celle de Dieu ... Tâchons de faire ce qui dépend de nous, et
gardons-nous de cette vermine venimeuse ...
9 S’il vous arrive de tomber, ne vous découragez pas, ne
renoncez pas à vous efforcer d’avancer, Dieu tirera du bien de cette chute même...
Est-il plus grand malheur que de ne pas nous retrouver nous-même dans notre
propre maison ? Quel espoir de trouver le repos dans d’autres maisons, si
nous ne pouvons nous reposer chez nous ? Car nos grands, nos vrais amis et
parents, ceux avec lesquels, même malgré nous, nous devons vivre toujours,
c’est-à-dire nos puissances, semblent nous faire la guerre, comme si elles nous
gardaient rancune de celle que nos vices leur ont faite. La paix, la paix, mes
soeurs, a dit bien souvent le Seigneur, en admonestant ses disciples (Jn
10,21). Croyez-moi donc : si nous ne la possédons pas, si nous ne la recherchons
pas dans notre maison nous ne la trouverons pas chez des étrangers. Il faut
mettre fin à cette guerre ; par le sang qu’il a versé, je le demande à
ceux qui n’ont pas commencé à rentrer en eux-mêmes ...
10 ...il ne s’agit pas, quand on commence à se recueillir,
de s’y employer à la force du poignet, mais avec douceur, afin de s’y tenir
plus longuement...
11 ... la porte d’entrée dans ce château est l’oraison.
Songer que nous devons entrer dans ce château sans rentrer en nous-même, nous
connaître, considérer cette misère, ce que nous devons à Dieu, et sans lui
demander souvent miséricorde, c’est de la folie. Le Seigneur lui-même le
dit : " Nul ne parviendra à mon Père si ce n’est par moi (Jn 14,6)
" ... Donc, si nous ne le regardons jamais, si nous ne considérons pas
ce que nous lui devons et la mort qu’il a subie pour nous, je ne sais comment
nous pouvons le connaître, ni agir à son service. Car la foi sans les œuvres,
et sans que ces œuvres tirent leur valeur des mérite, de Jésus-Christ, notre
bien, quelle valeur peut-elle avoir ? Et qui nous excitera à aimer ce
Seigneur ? Plaise à Sa Majesté de nous faire comprendre tout ce que nous
lui coûtons, que le serviteur n’est pas plus que son Seigneurs (Mt 10,24), que
nous devons travailler pour jouir de sa gloire, et qu’il nous est nécessaire
pour cela de prier, afin de ne pas vivre toujours en tentations (Mt 26,40).
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