Homélie 4° dimanche de Pâques
Père Maurice Boisson - Carmel de Saint-Maur
On n’est pas des moutons !
On n’aime pas qu’on nous prenne pour des moutons qui
« suivent », qui bêlent, qui se font tondre ! Quoique… on est
encore bien des suiveurs ... On fait encore bien comme tout le monde. On suit
la mode, pas seulement dans l’habillement : dans la consommation,
l’opinion, les comportements, la pub. On n’aime pas trop passer pour original, au bon sens du mot,
c’est-à-dire pas forcément être un mouton qui suit les autres.
Mais revenons à nos moutons, à nos brebis de
l’Evangile !
Pour parler de Dieu, pour essayer de nous le faire connaître
dans une relation intérieure qui dise qui il est, Jésus se sert de mots,
d’images, de comparaisons que tout le monde comprenait dans son pays et dans
son temps : semer du grain, tailler la vigne, faire du pain, s’occuper des
moutons. Ca faisait partie de l’environnement, de la vie des gens. Aujourd’hui,
il dirait peut-être : « C’est comme des voitures qui circulent, des textos ou des sms qu’on s’envoie, des portables ou des télévisions. » C’est
important de trouver le langage qui peut dire quelque chose de Dieu,
aujourd’hui, comme dans toutes les époques.
Mais revenons à nos moutons de l’Evangile !
Le soir, chaque berger rentrait ses brebis, ses moutons,
dans un enclos fermé par une porte et gardé par un portier. Quand le berger
venait rechercher ses brebis, le matin, celles-ci - les siennes - accouraient
vers lui, au son de sa voix. J’en ai fait l’expérience forte ces quinze
dernières années à Mont Roland, où on avait une quinzaine de moutons et brebis.
« Mes brebis
écoutent ma voix », dit Jésus (Jean 10,27).
Le Bon Pasteur, le vrai berger, c’est lui : le Christ,
le berger venu de Dieu. Acceptons, soyons heureux – dans ce cas-là, avec un tel
Berger - d’être comparés à des brebis, à des moutons. Il vient nous chercher
dans nos enclos fermés. On n’est pas des moutons anonymes ni des moutons de
Panurge. Pour lui, chacune, chacun de nous est unique, original au vrai sens du mot, c’est-à-dire qui ne peut pas être une
photocopie d’une ou d’un autre. « Je te connais - dit Jésus - tu as
du prix à mes yeux, tu comptes pour moi. » A tel point que si on s’égare,
si on se perd, si on se blesse, le Bon Berger fera tout pour nous retrouver,
nous soigner, et ce sera la joie de retrouver les brebis perdues.
« Mes brebis
écoutent ma voix. »
Ca vous est sûrement arrivé de reconnaître la voix de
quelqu’un au téléphone, ou d’être reconnu par quelqu’un que vous appelez. Ca
fait toujours quelque chose ! « Ah, vous m’avez
reconnu ? Je t’ai reconnu à ta voix – et parfois : T’as pas la
même voix que d’habitude, mais je t’ai reconnu quand même. » Etre reconnu,
dans un appareil, ne plus être anonyme. Reconnaître la voix de quelqu’un, c’est
l’avoir déjà entendu.
Sur des prés d’herbe fraîche,
il me fait reposer.
Il me conduit près des eaux tranquilles
par des bons sentiers.
Sa présence me rassure.
Pour moi il dresse une table…
« Mes brebis
écoutent ma voix. »
Est-ce qu’on prend le temps, est-ce qu’on a le cœur, de
connaître la voix du Seigneur, le son de sa voix ? Pour le re-connaître,
l’écouter, le suivre, se faire reconnaître ? Sinon, on peut suivre
n’importe quoi, n’importe qui, n’importe quelle voix, si on ne reconnaît pas
celle de Jésus, de l’Evangile, pour sortir de l’enclos, un enclos dans lequel
notre monde est enfermé.
« Je suis le
chemin, la vérité, la vie » (Jean 14,6) – la voix, la voie.
C’est le dimanche du Bon Pasteur. Nous prions pour les
vocations. Notre prière suppose que nous acceptions, au plus profond de
nous-mêmes, d’écouter la voix du Seigneur, de la reconnaître, parmi les voix de
tous les bergers : elle nous invite à être, comme lui, le Bon Berger, de
bons, de vrais bergers les uns pour les autres, qui libèrent de tous les
enclos, dont la voix de douceur, de tendresse, l’appel de reconnaissance invite
à la Vie.
« Elles me
suivent. je leur donne la vie éternelle. » (Jean 10,27-28).
Ne soyons pas des moutons selon ce monde, mais soyons
heureux d’être comme des brebis soignées, reconnues, par l’Amour du Père.
Pour notre prière, notre journée, gardons cet air dans notre
tête :
Le Seigneur est mon
berger,
je ne manque de rien.Sur des prés d’herbe fraîche,
il me fait reposer.
Il me conduit près des eaux tranquilles
par des bons sentiers.
Si je traverse les
ravins,
je ne crains aucun
mal.Sa présence me rassure.
Pour moi il dresse une table…
(Psaume 22, 1-5a)
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