Homélie 5° dimanche de Pâques C
Carmel de Saint-Maur -
Père Maurice Boisson
C’est assez courant de porter un signe distinctif
d’appartenance à un groupe : un T-shirt aux couleurs d’un club de foot, un
pin’s représentant un logo au revers de la veste, un autocollant sur la
voiture, un habit religieux, le portrait d’un chanteur sur la casquette… On
pourrait allonger la liste des signes qui indiquent une appartenance à tel ou
tel groupe. On a besoin d’un signe qui rassemble, qui permet d’être reconnu
parmi des gens qui partagent les mêmes intérêts, les mêmes convictions, la même
adhésion à une cause, à une religion, un pays. On en est. Tu en es. On
est connu et on se reconnaît à ce signe, à ce logo, à cet habillement, à ce
langage.
A quel signe reconnaît-on les chrétiens, ceux qui adhèrent
au Christ et à son message ? Spontanément, on dirait : à une croix, à
des rites, à une doctrine…
« Ce qui montrera
à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c’est l’amour que vous aurez les
uns pour les autres. » (Jean 13,35)
Voilà le signe de
reconnaissance, nous dit Jésus dans cet Evangile : la qualité de nos
relations. Jésus prononce ces paroles quelques heures avant de mourir, c’est
dire leur importance : un Testament, alors que Jésus est pris d’un profond
cafard de quitter ses amis, de pressentir l’abandon de Pierre et des autres, et
de voir Judas sortir dans la nuit. Paroles pleines de gravité et de
tendresse : mes petits enfants,
voici l’ultime recommandation : vous aimer les uns les autres. Souvent
on s’arrête là, sans dire la suite. Alors c’est vraiment banal, « aimez-vous », un peu
gnangnan : Tout le monde il est
beau, tout le monde il est gentil, Alléluia !
On sait bien que la réalité est toute autre, qu’il faut se
coltiner le caractère, les défauts, les manies de ses proches et
réciproquement, qu’il faut s’affronter aux idées, aux comportements différents.
Le signe distinctif que nous propose Jésus n’est pas « seulement »
« aimez-vous », mais « comme
je vous ai aimés » (Jean 13,34). C’est le comme qui fait signe.
S’aimer comme Dieu nous aime :
dans la gratuité du don de l'amour donné et reçu comme le Christ l’a vécu.
Aimez-vous comme je
t’aime, Pierre, toi qui vas me renier tout à l’heure.
Comme je t’ai aimé,
Matthieu, toi le percepteur sans scrupule.
Comme je t’ai aimé,
Judas, dans un dernier geste de tendresse avant que tu ne t’enfonces dans la
nuit…
Comme j’ai aimé la
Samaritaine en lui proposant l’eau vive de l’amour vrai, Marie Madeleine à qui
j’ai ouvert la porte du pardon de Dieu, le lépreux, le sourd-muet et les
autres.
Comme je vous aime,
vous tous, mes amis, dans le don de ma vie, pour qu’à votre tour vous soyez
donnants de l’amour dont vous êtes aimés. Ce sera le signe distinctif que vous
êtes mes disciples, si vous vous aimez « à la chrétienne ». C’est
« ce qui montrera à tous que vous êtes mes disciples. »
Cette ultime recommandation de Jésus est un chemin : on
n’est pas arrivé! « Qu’il est difficile d’aimer » dit la chanson.
L’important, c’est de prendre le chemin, de puiser la force d’Aimer à la source.
L’Abbé Pierre, qui s’y connaissait dans ce domaine, a voulu
que soit écrit sur sa tombe : « Il a essayé d’aimer. » A un
journaliste de la télévision qui lui demandait : « C’est quoi, la
vie ? », ce même Abbé Pierre répondit : « La vie, c’est le
temps que Dieu nous donne pour apprendre à aimer. »
Prendre ce chemin, c’est participer à faire advenir, ici et
maintenant, ce « ciel nouveau »
et cette « terre nouvelle »
dont parle Saint Jean dans la deuxième lecture (Apocalypse 21,1). C’est faire
disparaître du quotidien le premier ciel, la première terre ; c’est-à-dire
tout ce qui peut nuire aux relations fraternelles, enrayer le vivre ensemble et
ainsi rendre peu crédible notre annonce de l’Evangile.
On nous reconnaîtra à quoi ? A « l’amour que vous aurez les uns pour les autres ».
Pourquoi ? Ubi caritas et amor, Deus
ibi est (où sont amour et charité, Dieu est là).
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