Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson
Heureusement qu’il y a eu
Thomas, notre jumeau. Il a douté, il n’a pas fait confiance à ses amis. Il nous
a laissé la plus belle profession de foi de l’Evangile : « Mon Seigneur et mon Dieu. »
(Jean 20,28)
Heureusement qu’il y a eu
Pierre. Il a renié son maître et ami devant une jeune serveuse. Ce fut le
premier Pape. Ses successeurs récents, Jean XXIII et Jean Paul II sont
aujourd’hui déclarés officiellement des saints.
Heureusement qu’il y a eu
Marie Madeleine, proche amie de Jésus. Il lui avait chassé sept démons. Elle a
été la première à qui Jésus ressuscité s’est montré vivant, et la première qui
a annoncé la nouvelle aux apôtres.
Heureusement qu’il y a eu
Paul, Augustin, François d’Assise, Charles de Foucauld et les autres. Une part
de leur vie n’a pas été exemplaire. Ils ont permis à l’Eglise de tenir le cap
de l’Evangile.
Thomas, les autres,
nous-mêmes, sommes touchés par la Miséricorde de Dieu.
A nous aujourd’hui, Jésus
ressuscité continue de dire : « Mets ton doigt dans ma plaie, dans
mes mains, mon côté. » (cf. Jean 20,27) – « Pas sur mes cicatrices,
mais dans mes plaies encore ouvertes. C’est bien moi. »
Oui, on se retrouve bien dans
notre jumeau Thomas. On lui ressemble comme deux gouttes d’eau, et notre monde
aussi : « Je ne crois qu’à ce que je vois ! Il me faut des
preuves. » Il faut tout vérifier, s’assurer de tout, sans laisser de place
à l’inconnu.
En même temps, on n’a jamais
été autant balloté par toutes sortes d’opinions, non vérifiées. On gobe
aisément ce qui se dit, ce qui traîne, les rumeurs et les « on dit » :
« Mais c’est vrai, on l’a vu à la
télé et dans le journal !
« Si je ne vois pas (…), je ne croirai
pas ! » - dit Thomas (Jean
20,25). Ce Thomas, il n’avait pas cru les autres, il avait manqué le premier
rendez-vous au soir du premier dimanche. Il a dû attendre le dimanche suivant
pour en avoir le cœur net, pour que son cœur et son esprit, encore plus
verrouillés que les portes du lieu où ils étaient, s’ouvrent à une présence –
une présence qui déverrouille parce qu’elle n’a pas besoin de se prouver. La présence
se suffit : parce qu’elle est faite d’attention et d’amour, sans reproche,
à Thomas, elle le déverrouille.
Un amour dont on exige toutes
les preuves n’en est plus un : c’est un contrat intéressé, qui met des
verrous.
Croire, c’est faire
confiance, et pas d’abord lire les
notices qui veulent expliquer et prouver.
Thomas était dans la
méfiance : « Si je ne vois pas
(…), je ne croirai pas ! »
La rencontre et la reconnaissance de la présence bien réelle
de celui avec qui il avait, avec les autres, bourlingué sur les routes de
Galilée pendant trois ans, cette rencontre a fait tomber toutes les
revendications de preuves.
Le récit ne dit pas que Thomas ait touché les plaies de
Jésus… La présence a suffi, le regard d’amour du premier appel a suffi pour
re-donner (re-faire) confiance et laisser jaillir du cœur de notre ami Thomas
la plus belle expression de foi : « Mon Seigneur et mon Dieu. » Thomas,
qui voulait toucher pour croire, c’est lui qui a été touché.
Au cœur de nos incrédulités, laissons-nous toucher par la
Présence qui redonne confiance.
Cette rencontre de Thomas, avec Jésus ressuscité, qui est
aussi notre expérience, est une belle rencontre de miséricorde. Et ça tombe
bien, en ce dimanche de la Miséricorde, qui est le dimanche de Thomas, comme
l’appellent nos frères d’Orient.
En s’approchant de Thomas, qui lui demanda de toucher ses
plaies, Jésus l’invite à déposer ses propres blessures, ses doutes, son
orgueil, dans les plaies ouvertes que le ressuscité lui tend.
Le cœur de Thomas, et ses propres plaies intérieures, s’en
trouvent ressuscités ; il est réconcilié avec lui-même, avec ses
questions, avec la confiance, avec les autres qu’il n’a pas cru, avec son ami
Jésus, de qui il a douté.
En ce dimanche de la Miséricorde, n’hésitons pas à déposer
dans les plaies du Crucifié – Ressuscité nos propres plaies intérieures, nos
blessures, nos méfiances, nos fragilités, comme celles de Pierre, de Marie
Madeleine et des autres. Ressuscitées par l’Amour du Christ, elles nous
permettent d’être perméables à la grâce, d’être miséricordieux, parce que
poreux aux blessures et aux plaies des autres, et de pouvoir dire ou redire
notre foi et notre confiance : « Mon Seigneur et mon Dieu. »
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