Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson
Qui n’a pas marché sur un
chemin où tout semblait perdu ? alors que le jour baisse, quand la nuit
vient encore alourdir les événements et les sentiments, quand les portes et les
cœurs se ferment ?
Qui n’a jamais dit sur ce
chemin : « Explique-nous ce qui se passe, pourquoi nous ressassons
tout ce que nous sommes en train de discuter » ?
Qui, sur ce chemin, n’a pas
eu chaud au cœur, par une présence inconnue qui ouvre les yeux et le cœur ?
« Il marchait avec eux. » (Luc 24,15) Ils ne le reconnaissaient pas (cf. Luc
24,16).
« Reste avec nous, c’est déjà tard. » (cf. Luc 24,29)
Voici qu’au bout du chemin, à
l’auberge, autour de la table basse, près de la cheminée, l’inconnu prend le
pain posé sur la table. Il casse la miche en morceaux et il les donne à
chacun : « Tiens ! »
Il refait le même geste qu’il
a fait il y a trois jours, avec ses amis, avant de mourir.
Leurs yeux et leurs cœurs
s’ouvrirent (cf. Luc 24,31), les nôtres : « Jésus, le crucifié, le
Nazaréen, Jésus, c’est lui. Vite, retournons, reprenons le chemin inverse
auquel nous tournions le dos par dépit ; pour dire aux
amis : « C’est vrai, c’est lui, il est ressuscité. »
Emmaüs, c’est chez nous, en
nous. Le chemin qui y conduit, c’est celui de notre foi, de nos vies marquées
par la déception, le découragement, la tentation de tourner le dos. C’est alors
que quelqu’un nous rejoint, d’abord sans se faire connaître ; il écoute ce
qui tourne dans notre tête, il nous explique des choses, venant du cœur de
Dieu. On sent qu’il se passe quelque chose dans notre cœur, qui redonne
courage. On a envie qu’il reste avec nous, quand on a peur de la nuit.
Et là, il se fait reconnaître
au geste du don, de l’amour, du partage du pain. Dieu se fait toujours
reconnaître par son identité : l’Amour.
Au bout de ce chemin, à
l’auberge, à l’Eucharistie, il nous fait ressusciter nous-mêmes. Nos yeux
s’ouvrent. Ce don de l’Amour prend corps en nous.
« Tu
viens sur notre route, marcher à nos côtés.
Quelle
est cette espérance qu’aujourd’hui tu nous rends ? » (Claude Duchesneau)
Comme les deux compagnons,
nous sommes en chemin de nos vies.
Si regarder en arrière nous
cause du chagrin, si regarder devant nous nous inspire de la peur, regardons à
côté de nous. Il est là : Dieu se fait marcheur à nos côtés. Il nous dit
le sens de ce qui arrive. Il nous indique la direction à prendre, le chemin au
bout de la route, vers Emmaüs. Il nous donne la force de faire le chemin.
« Deux disciples faisaient route vers un
village. » (Luc 24,13)
L’un d’eux, nommé
Cléophas ; et le deuxième, quel est son nom ? Luc ne le dit
pas ; mais s’il s’appelait Michel, Christophe, Bernard, Anne, Odile,
Maurice, et chacune et chacun de nous, faisons ce bout de chemin vers Emmaüs,
là où nous reconnaîtrons celui qui marche à nos côtés, quand il refait le geste
familier du don, de l’amour, du partage.
Emmaüs est lié à l’Abbé
Pierre, qui a donné ce nom à son Œuvre. La tristesse, la souffrance, retrouvent
joie et réconfort, à Emmaüs.
Je vous fais partager une
prière de l’Abbé Pierre, composée un jour de Pâques, pour un groupe
d’étudiants, à Grenoble :
« Seigneur Jésus,
souviens-toi de cette petite maison, là-bas, à Emmaüs, et du bout de chemin qui
y conduit, quand on vient de la grand-route.
Souviens-toi de ceux qu’un
soir, tu abordas là-bas ; souviens-toi de leurs cœurs abattus,
souviens-toi de tes paroles qui les brûlèrent. (…)
Regarde-nous, nous sommes
tous pèlerins d’Emmaüs, nous sommes tous des hommes (et des femmes) qui peinent
dans l’obscurité du soir, las de doutes après des journées méchantes. (…)
Viens sur notre chemin.
Brûle-nous le cœur à nous aussi (…), et qu’à notre tour, nous nous relevions
pour bondir, révéler la joie à tout homme au monde, en l’Amour. »
« Notre cœur n’était-il pas tout brûlant, tandis
qu’il nous parlait sur la route ? » (Luc 24,32)
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