Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson
Ezéchiel 34,11…17 ; Psaume 22 ; 1
Corinthiens 15,20…28 ; Matthieu 25,31-46
« Le châtiment éternel », « le feu
éternel », « le jugement », « la séparation des bénis et
des maudits », « la vie éternelle » - ces paroles que nous venons d’entendre nous font
peut-être peur ! ou au moins nous posent question. C’est vrai que nous
aurons des comptes à rendre. La façon dont nous nous serons comportés avec les
autres sera déterminante pour un toujours. Ces paroles sont dures à entendre.
Sans vouloir leur ôter de leur vigueur, c’est important de bien comprendre.
Jésus parle le langage de son
temps et de son pays, dans un style imagé, absolu, exagéré parfois selon
l’importance du message. On a beaucoup d’exemples dans l’Evangile.
Ce Roi qui juge, qui sépare,
qui condamne, inflige des châtiments lourds ou donne des titres d’entrée au
ciel, serait-il ce bon berger dont nous parle la première lecture, ce beau
portrait de Dieu, qui veille sur ses brebis pour que pas une ne se perde, qui
en prend soin, qui va chercher celle qui s’égare dans le brouillard ou dans la
nuit, qui rend des forces à celle qui est faible… mais aussi qui nous demande
de faire pour les autres comme il fait pour nous ?
Si Jésus s’exprime avec tant
de vigueur, c’est que l’enjeu est important : il en va de notre
destination finale. Par la manière dont nous vivons avec les autres, en
particulier ceux qui sont dans le besoin réel, dans des situations difficiles,
nous faisons notre avenir pour toujours.
Dans le monde d’Amour, de
Dieu, ou séparé de lui et le regrettant. C’est peut-être ça, l’enfer : le
châtiment éternel, l’enfer, c’est pas les autres – comme disait Sartre – c’est
justement le contraire : ne pas voir les autres, ne pas faire attention à
eux, dit l’Evangile.
Alors c’est pas Dieu qui nous
sépare de lui et qui juge, c’est nous-mêmes qui nous mettons dans une situation
incompatible avec l’Amour - Dieu est Amour – en refusant aux autres cet amour.
Les paroles de Jésus dans cet
Evangile sont à prendre au sérieux, car il s’identifie lui-même à celles et
ceux qui ont le plus besoin de notre proximité, de notre présence, de notre
attention.
« Ce que tu as fait (ce
que tu n’as pas fait) à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que
tu l’as fait (ou pas fait » (cf. Matthieu 25,40).
Dieu s’est fait l’un de nous,
il a pris chair en notre humanité, « nous
sommes nés de Dieu », dit Saint Jean. Tout être humain est marqué de
Dieu, et il peut aussi se laisser prendre par le mauvais, le mal. La frontière
ne sépare pas d’un côté les bons, de l’autre les méchants ; la frontière
entre le bien et le mal passe à l’intérieur de nous-mêmes. Nous pouvons faire
du bien et faire du mal sans savoir que nous le faisons au Christ.
« Quand c’est qu’on t’a
vu comme ça, qu’on t’a aidé, ou qu’on n’a rien fait ? – C’est à moi
que tu l’as fait ou pas fait » (cf. Matthieu 25,37-40).
Les situations évoquées ici
par Jésus sont celles qu’il observe autour de lui : des gens qui ont faim,
on pouvait être prisonnier pour peu…, des étrangers – ceux qui n’étaient pas
Juifs étaient des étrangers. Ça nous dit qu’il y a aujourd’hui, autour de nous
ou plus loin, bien des manières d’être proches de ceux qui ont faim, soif - pas
forcément de nourriture matérielle ou d’habits, mais d’autre chose :
d’écoute, de présence, de bienveillance, de soutien, d’accueil, de visite.
Cet Evangile nous rappelle
l’essentiel, que nous dit Saint Jean : « Celui
qui n’aime pas son frère qu’il voit, ne peut pas aimer Dieu qu’il ne voit pas. »
Cette cohérence entre être
chrétien, pratiquer – la messe, et
pratiquer – la charité : indissociable, dit Jésus.
Dans ce haut lieu, laissons
le mot de la fin, c’est le cas de le dire, à un grand maître du Carmel, Saint
Jean de la Croix :
« Au soir de ta vie, tu
seras jugé sur l’amour. »
Un Roi sans armée et sans
palais, dont la seule puissance est celle d’aimer ; une crèche est son
berceau, un ânon son carrosse, sa couronne est d’épines, son sceptre, sa main
qui guérit, qui donne vie.
Son peuple : sans frontière.
Un Royaume où les plus
blessés de la vie sont au premier rang.
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