Père Maurice Boisson
Apocalypse 7,2…14 ; Psaume 23 ; 1 Jean
3,1-3 ; Matthieu 5,1-12a
Il y a deux mois, en plein
été, Emile, le Mimile, les avait quittés après une courte maladie. Ce jeudi
avant la Toussaint, quelques membres de sa famille se sont retrouvés sur sa
tombe, chacun apportant des fleurs. Seule émergeait une simple croix en chêne
verni.
Ils étaient là en silence.
Personne n’ose dire : « Le Mimile, c’est un saint ! » -
mais tous le pensaient. Un saint, ça doit être un peu comme le Mimile. Il y a
ceux du calendrier, mais il doit y en avoir bien d’autres : je suis sûr
que parlant d’un tel ou d’une telle, vous avez dit une fois ou l’autre :
« C’est un saint ! C’est une sainte ! »
Il y a comme une intuition
très forte en nous, comme un instinct, nous disant que ce qu’il y a vraiment de
beau, de grand, de vrai, et qui reste, dans la vie ou dans la mort, c’est
d’aimer.
La Toussaint fait un peu
toucher du doigt, ou plutôt du cœur, qu’aimer, apporter une amitié, un service,
un sourire, un pardon, une présence, un soutien, une aide, tout cela ne meurt
pas, parce que c’est de Dieu, de lui, ça lui ressemble.
« Heureux !... » on vient de l’entendre… Pourquoi ? Parce que,
par ce que vous êtes, ce que vous faites, vous essayez de ressembler à Dieu ;
on est fait pour ça !
Qui sont-ils, tous ces
saints, cette foule immense dont nous parle Saint Jean, bien plus nombreux que
les jours du calendrier ?
Ils ne sont pas allongés dans
la terre ! Ils se tiennent debout, vêtus de blanc, en présence de Dieu.
On peut repérer quelques
connaissances parmi eux. Je suis sûr que vous, et moi aussi, nous apercevons
des visages connus. N’ayons pas peur de les laisser venir à notre
mémoire ! ces visages qui ont laissé dans nos vies, et dans la vie du
monde, des traces, des germes, de la lumière, de bonté, de services, de paix,
de « plus ». Leur existence nous a parlé et nous parle encore.
« La sainteté des gens
ordinaires » – dit Madeleine Delbrêl. C’est leur jour, c’est leur fête.
La Toussaint n’est pas comme
une voiture balai qui récupérerait toutes celles et tous ceux qui ne sont pas
dans la liste officielle. A part entière, ils font partie de cette foule
immense de saints. Bien sûr, comme le Mimile, il n’était pas parfait. En
parlant de lui, à la maison, quelques sourires et souvenirs évoquaient ses
petits travers.
C’est pas pareil : être
parfait et être saint. Parfois d’ailleurs, ça ne va pas ensemble. On connaît bien
que des grands saints officiels, même récents, n’ont pas été parfaits.
Devenir saint, c’est laisser
enrichir son être, son cœur, des richesses de l’être, du cœur de Dieu, dans ce
qui fait notre vie d’homme, de femme, tels que nous sommes, avec notre
histoire, notre caractère, nos faiblesses, nos travers et nos générosités.
Devenir saint, c’est partager
à notre tour ces richesses reçues de Dieu : les Béatitudes. Devenir saint,
c’est marcher sur un sentier qui nous rapproche du pays de Dieu, et finalement
nous y conduit à l’arrivée !
Tous ces visages que nous
reconnaissons dans cette foule immense, ces saints ordinaires, visages burinés
par le travail, tirés par la maladie, les soucis, les épreuves, éclairés par
des traits de joie et de bonheur, souvent discret, secret, intérieur…
Visages où les rides ne sont
plus des signes de déclin qu’on voudrait tant cacher, mais qui sont comme les
craquelures d’une chrysalide s’ouvrant à une éternelle beauté, celle du cœur de
Dieu. C’est les Béatitudes. C’est la toussaint, c’est notre avenir, c’est la
Communion des saints : la proximité et la présence invisible, mais réelle,
d’être avec, ensemble, unis, dans la seule condition qui peut nous
réunir : celle d’aimer, et d’être aimé de Dieu.
La mort, la vraie, ce n’est
pas cesser de vivre, mais cesser d’aimer. C’est quitter la route des Béatitudes
qui nous conduit à avoir à cœur la peine des autres, à désamorcer la violence
en nous-mêmes, « les doux »,
à être poreux - pas des toiles cirées – aux morsures de la vie, « ceux qui pleurent ».
Autour d’un gâteau, d’un café
et d’un verre, cette fois dans la maison du Mimile, le plus jeune a dit :
« C’est pas évident, mais en fait c’est quand même une belle vie. »
Sa sœur a ajouté : « Il y avait un plus chez lui, ça va nous aider. »
Rejoignons ce peuple immense
de ceux qui cherchent Dieu, sans le savoir souvent, innombrables, ils nous
indiquent la route.
« Heureux
amour aux cent visages… immense fresque de joie » et d’espérance.
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