Thérèse d’Avila, Vie 7, extraits
Avec l'Ordre du Carmel qui se prépare au V° centenaire de la naissance de Sainte Thérèse de Jésus (d'Avila), nous vous proposons une découverte pas à pas de son autobiographie
Bientôt, de passe-temps en passe-temps, de vanité en vanité, d'occasion en occasion, je me laissai entraîner à de si grands dangers et à une telle dissipation, que j’avais honte d’user avec Dieu de la familière amitié de l’oraison…
Je tombai alors dans le plus terrible piège que le démon pouvait me tendre: me voyant si infidèle, je commençai, sous prétexte d'humilité, à craindre de faire oraison… il valait mieux suivre le plus grand nombre et me contenter des prières vocales auxquelles j'étais obligée; digne de partager la société des démons, je ne devais plus prétendre à cet entretien céleste et à un commerce si intime, avec Dieu…
Ce qui me fit beaucoup de tort, à mon avis, ce fut de n'être pas dans un monastère cloîtré. Les autres religieuses, qui étaient d'une vertu éprouvée, pouvaient user innocemment de la liberté dont elles jouissaient…
Qu'on se garde bien d'appliquer ceci au monastère où j'habitais. Florissant par la régularité, il ne comptait pas parmi ceux dont l'accès était le plus facile. Il renfermait un grand nombre de religieuses sincèrement ferventes et d'une vie exemplaire…
Pourquoi donc s'étonner de voir de si grands maux dans l'Église, lorsque ceux qui devraient être pour les autres des modèles de vertu, ont si tristement dégénéré de cette ferveur, que les saints, leurs devanciers, laissèrent, au prix de tant de travaux, dans les ordres religieux? Plaise à la divine Majesté d'apporter à ces maux le remède qui doit les guérir! Amen!
Je commençai donc à m'engager dans ces conversations avec les personnes qui venaient nous visiter. Suivant en cela un usage établi, j'étais loin de penser qu'il dût en résulter pour mon âme autant de dommage et de distraction. Mes yeux ne se sont dessillés que plus tard...
Comme je m'entretenais un jour avec une personne dont je venais de faire la connaissance, Notre-Seigneur daigna m'éclairer dans mon aveuglement: par un avis et un rayon intérieur de lumière, il me fit comprendre que de telles amitiés ne me convenaient pas. Ce divin Maître m'apparut avec un visage très sévère, me témoignant par là combien ces sortes d'entretiens lui causaient de déplaisir. Je le vis des yeux de l'âme, beaucoup plus clairement que je n'eusse pu le voir des yeux du corps. Son image se grava si profondément dans mon esprit, qu'après plus de vingt-six ans je la vois encore peinte devant mes yeux. L'effroi et le trouble me saisirent, je ne voulais plus voir cette personne.
Un grand mal pour moi, dans cette circonstance, fut d'ignorer que l'âme pût voir sans l'intermédiaire des yeux du corps… Je n'osai m'en ouvrir à qui que ce fût…
A différentes époques je m'engageai dans d'autres conversations; je pris ce passe-temps empoisonné plusieurs années durant, sans le croire aussi nuisible qu’il l'était…
A différentes époques je m'engageai dans d'autres conversations; je pris ce passe-temps empoisonné plusieurs années durant, sans le croire aussi nuisible qu’il l'était…
Comme je chérissais tendrement mon père, je lui souhaitais le bien que j'avais trouvé dans l'oraison; on n'en pouvait, à mon sens, posséder de plus grand en cette vie. Ainsi, par des détours et avec toute l'adresse dont j'étais capable, je lui persuadai de s'adonner à cet exercice. Je lui procurai des livres à cette fin. Comme il était très vertueux, il s'y appliqua avec une constante ardeur, et en cinq ou six ans, il y fit d'admirables progrès. Je ne me lassais pas d'en bénir Dieu, et j'en étais remplie de joie. Il eut de cruelles traverses à souffrir; sa résignation fut parfaite. Il venait me voir souvent, et trouvait de la consolation à s'entretenir de Dieu avec moi…
Mon père, dans sa bonté, pensait que je traitais avec Dieu comme auparavant. Il m'en coûtait de le voir dans une pareille erreur. Aussi je lui avouai que je ne faisais plus oraison, mais je ne lui en dis pas la véritable cause. Je me contentai de lui alléguer mes infirmités pour prétexte…
Mon père, dans sa bonté, pensait que je traitais avec Dieu comme auparavant. Il m'en coûtait de le voir dans une pareille erreur. Aussi je lui avouai que je ne faisais plus oraison, mais je ne lui en dis pas la véritable cause. Je me contentai de lui alléguer mes infirmités pour prétexte…
Mais cela ne me justifiait nullement. La maladie n'est pas une cause légitime d'interrompre un exercice où, à défaut de forces corporelles, l'amour et l'habitude suffisent…Pour l'âme qui aime, la véritable oraison, durant la maladie et au milieu des obstacles, consiste à offrir à Dieu ce qu'elle souffre, à se souvenir de lui, à se conformer à sa volonté sainte, et dans mille actes de ce genre qui se présentent; voilà l'exercice de son amour…
En ce temps-là mon père fut attaqué de la maladie dont il mourut, et qui ne dura que quelques jours … Son confesseur, religieux dominicain d'une éminente doctrine, disait qu'il ne doutait point que mon père ne fût allé droit au ciel…
En ce temps-là mon père fut attaqué de la maladie dont il mourut, et qui ne dura que quelques jours … Son confesseur, religieux dominicain d'une éminente doctrine, disait qu'il ne doutait point que mon père ne fût allé droit au ciel…
Ce père, de l'ordre de Saint Dominique, homme de grande vertu et rempli de la crainte du Seigneur, me fut très utile. Je me confessai à lui. Il prit à cœur mon avancement spirituel, m'ouvrit les yeux sur le danger que je courais, et me fit communier tous les quinze jours… Je repris donc l’oraison, et depuis je ne l'ai plus quittée; mais je ne m'éloignai pas pour cela des occasions.
La vie que je menais était très pénible, parce qu'à la lumière de l'oraison je voyais mieux mes fautes. D'un côté Dieu m'appelait, et de l'autre je suivais le monde…
C'est un grand malheur pour une âme de se trouver seule au milieu de tant de périls…
Je suis, il est vrai, la plus faible et la plus imparfaite de toutes les créatures qui aient jamais vu le jour; je pense cependant que même une âme forte ne perdra rien à ne pas se croire telle, et à s'en rapporter humblement sur ce point au jugement de l'expérience.
La vie que je menais était très pénible, parce qu'à la lumière de l'oraison je voyais mieux mes fautes. D'un côté Dieu m'appelait, et de l'autre je suivais le monde…
C'est un grand malheur pour une âme de se trouver seule au milieu de tant de périls…
Je suis, il est vrai, la plus faible et la plus imparfaite de toutes les créatures qui aient jamais vu le jour; je pense cependant que même une âme forte ne perdra rien à ne pas se croire telle, et à s'en rapporter humblement sur ce point au jugement de l'expérience.
Pour moi, je puis le dire: si le Seigneur ne m'eût découvert cette vérité, et s'il ne m'eût donné des relations habituelles avec des personnes d'oraison, je crois qu'avec cette alternative continuelle de fautes et de repentir, j'aurais fini par tomber la tête la première dans l'enfer. Pour m'aider à faire des chutes, je n'avais que trop d'amis; mais pour me relever, je me trouvais dans une effrayante solitude. Je m'étonne maintenant que je ne sois pas restée dans l'abîme. Louange à la miséricorde de Dieu, car lui seul me tendait la main! Qu'il en soit béni à jamais! Amen.
Vous pouvez lire le texte intégral de ce chapitre 6 de sa Vie en cliquant ici
Vous pouvez aussi poster les remarques, réflexions, prières etc... que ce texte suscite en vous, en cliquant sur "commentaires" ci-dessous.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire