Homélie 14° dimanche C
Carmel de Saint-Maur
P. Maurice Boisson
« Y’a d’la joie ! » - chantait Charles
Trénet. Le refrain de notre époque est différent : « C’est pas la
joie ! ». Que ce soit pour parler du mauvais temps (passé), des
difficultés économiques, des soucis, du poids de la vie, de la fatigue qui nous
atteint : « C’est pas la joie ! ». Quand des événements,
des personnes, des situations, viennent contrarier un certain bien-être
intérieur qui rend un petit peu heureux et donc un peu joyeux.
C’est encore un autre refrain que celui de la Parole de Dieu
de ce dimanche - une invitation à la joie : « Réjouissez-vous ! » (Luc 10,20) - « Votre cœur se réjouira. »
(Isaïe 66,14)
« Donne à tes fidèles une joie sainte. » (Prière
d’ouverture)
Plus de dix fois – vous vérifierez – la liturgie de cette
Eucharistie nous invite à la joie.
Alors ? Ce message serait-il décalé, à côté des
réalités de la vie, une fois de plus ?
Une fois, dans une homélie, j’avais parlé de la joie de
Pâques. J’en avais sans doute mal parlé. En sortant de la messe, quelqu’un qui
ne se gênait pas avec moi me dit : « T’as bonne mine ! T’es
quand même un peu gonflé de parler de la joie, quand on voit ce qui se passe,
quand on vit ce qu’on vit ! »
Eh oui ! Etre joyeux, si ce n’est pas faire une tête de
cent pieds de long, ce n’est pas non plus d’abord les éclats de rire bruyants,
l’exubérance, la manifestation extérieure que peuvent susciter les bons côtés
de la vie ou de la réussite matérielle. Etre joyeux, c’est une qualité
intérieure qui transparaît d’une manière ou de l’autre, qui cohabite souvent
avec l’épreuve.
C’est la deuxième lecture, qui nous parle de la Croix,
passage vers une création nouvelle.
La joie intérieure est liée - c’est naturel - à sa sœur
jumelle : l’espérance. Si la tristesse est souvent le fruit d’un certain
fatalisme, la joie profonde est enracinée dans une promesse d’Amour et de
victoire sur le mal dans toutes ses implications.
C’est la première lecture : « Vous serez comme des nourrissons que l’on porte sur son bras,
que l’on caresse sur ses genoux. De même qu’une mère console son enfant,
moi-même je vous consolerai… Vous le verrez, et votre cœur se réjouira ;
vos membres, comme l’herbe nouvelle, seront rajeunis. » (Isaïe 66,12-14)
On en a bien besoin ! Une façon de nous dire que le jour de la vraie vie –
on l’aura – est quand même plus agréable que le jour de la mort et de ce qui
fait du mal ; en tout. On le sait par expérience du malheur et de la
mort : « Ils passèrent le
fleuve à pied sec. De là, cette joie qu’il nous donne » - c’est le Psaume
(65,6).
Et c’est l’Evangile : « Les soixante douze disciples revinrent tout joyeux »
(Luc 10,17). Pensez donc, ils avaient eu le dessus sur les esprits du
mal ! « Enfin, on l’a eu ce Satan, qui tombait comme l’éclair (cf.
Luc 10,18) ! Les chevilles enflaient !
Jésus nous ramène à l’essentiel : ce n’est pas d’abord
ça, la cause de notre joie, mais « Réjouissez-vous
parce que vos noms sont inscrits dans les cieux » (Luc 10,20). Non pas
sur un cahier de notes, de présence ou de bonne conduite.
« Vos noms sont écrits pour toujours dans le cœur de Dieu »
- a traduit Didier Rimaud.
« Vous êtes aimés, c’est la source de votre
joie. » Y a-t-il une joie plus profonde que celle d’être aimé, et d’abord
par Dieu ? Sans nous protéger des difficultés et des épreuves – au cœur de
celles-ci.
Un secret intérieur nous fait goûter – déjà maintenant – une
victoire à venir. La lumière de Pâques est inscrite au plus profond de
nous-mêmes, comme nos noms dans le cœur de Dieu. Cette lumière est source de
joie, qui peut s’appeler aussi paix intérieure, espace de bien-être intérieur.
On reconnaît cette joie à ce qu’elle comble le cœur des plus
humbles, parce qu’elle se communique dans la douceur, comme elle l’est
elle-même.
C’est le Magnificat, bien sûr. En parlant de la Vierge
Marie, le Pape François – dans l’Encyclique parue avant-hier : « La lumière de la foi » -
écrit (n°58) : « En la mère de Jésus, en effet, la foi a porté tout
son fruit, et quand notre vie spirituelle donne du fruit, nous sommes remplis
de joie, ce qui est le signe le plus clair de la grandeur de la foi. »
Cette vraie joie est d’abord un secret intérieur. Saint
Thérèse, la petite, disait que la joie intérieure réside au plus intime de
nous-mêmes. Parce qu’elle est un don à accueillir, qui nous communique à notre
tour cette joie.
« Qu’ils aient en
eux ma joie et qu’ils en soient comblés », demande Jésus pour
nous (Jean 17,13).
Au début de cette Eucharistie, nous avons prié ainsi par
l’oraison : « Seigneur, donne à tes fidèles une joie sainte ».
C’est la grâce que nous pouvons demander ce dimanche.
« Que notre joie demeure. »
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