Homélie 15e
dimanche C
Carmel de Saint-Maur P. Maurice Boisson
Mais rien de tout ça. Je suis bien arrivé. Ce n’était pas le
cas au temps et au pays de Jésus, sur cette route de Jérusalem à Jéricho, où un
homme s’est fait attaquer, laisser à moitié mort, et qu’un étranger - un
Samaritain – a secouru.
Un bon Samaritain ! C’est passé dans le langage courant
pour parler de quelqu’un qui rend service, prêt à dépanner, à aider.
Et aujourd’hui, si – hélas - il y a encore des gens qui se
font attaquer, agresser physiquement, combien sont blessés, abîmés par les
morsures de la vie, par la méchanceté ou la bêtise humaine – et à moitié morts
moralement.
Jésus raconte cette histoire qu’on vient d’entendre pour
répondre à la question d’un professeur de religion, qui voulait le coincer. A
sa question, ou ses idées, sa théorie, Jésus répond en montrant quelqu’un qui
pose des actes, qui agit.
Le commandement de Dieu demande d’aimer son prochain. « Mais
c’est qui, mon prochain ? »
« Le prochain - répond Jésus – c’est celui de qui tu te
fais proche, celui dont tu t’approche. »
Le prêtre et le servant d’autel qui sont passés, qui ont vu
cet homme, à moitié mort, ils se sont éloignés de lui. Ils sont passés, de
l’autre côté de la route. Ils avaient sans doute de bonnes raisons de ne pas
s’approcher : l’heure de la prière - peut-être - l’interdit de toucher un
mort - si c’était le cas. Mais, à Jéricho, on préviendrait la police !
Ouf ! La conscience est rassurée, pour une bonne
cause ! Que de consciences rassurées pour de bonnes raisons, même au nom
de la religion !
Saint Vincent de Paul, qui s’y connaissait dans ce genre de
situation, disait à ses proches de se méfier des bons sentiments :
« C’est à quoi nous devons prendre garde – disait-il – aux bons
sentiments. - Il continue :
Plusieurs, quand ils se trouvent dans des situations d’agir, demeurent courts.
Ils se contentent de doux entretiens avec Dieu, ils en parlent même comme des
anges. Mais au sortir de là, est-il question d’agir, hélas, il n’y a plus
personne. »
Un Samaritain, un étranger qu’on regarde avec mépris, un
païen… De voir cet homme blessé, il « fut
saisi de pitié » dit le texte (Luc 10,33) ; pris aux entrailles.
Il voit cet homme avec le regard du cœur. « Il
s’approcha, dit Luc le médecin (Luc 10,34), pensa ses plaies en y versant de l’huile et du vin ; puis il le
chargea sur sa propre monture, le conduisit dans une auberge et pris soin de
lui. » Il règle la note et les frais à venir. Surtout, il recommande
au patron : « Prends soin de
lui » (Luc 10,35). Ce sont des mots de Dieu.
La seule question qui était dans le cœur de ce Samaritain, la
seule qui devrait être dans notre cœur : « Quelle est ta
souffrance ? » Pas : « Quelle est ta race, ta religion, ton
passé ». « Quelle est ta souffrance ? Ton caractère ? Ta
situation ? »
« Je suis proche de toi. Tu es mon prochain si je
m’approche de toi au lieu de passer sur le talus d’en face. Je vais essayer de
faire ce que je peux pour qu’on prenne soin de toi. »
Lundi dernier, le Pape François, sur une île italienne où
débarquent des réfugiés, disait : « Nous sommes tombés dans
l’attitude hypocrite du prêtre et du servant d’autel dont parle Jésus dans la
parabole du bon Samaritain ; la culture du bien-être nous amène à penser à
nous-mêmes, elle nous fait vivre dans des bulles de savon qui sont belles, mais
qui ne sont rien. Elle nous conduit à l’indifférence des autres, à une mondialisation
de l’indifférence ! - qui peut nous contaminer dans nos relations les plus
proches, dans nos situations quotidiennes. »
« Et qui donc est
mon prochain ? » – demande le théoricien de la religion (Luc
10,29).
« Quelle est ta souffrance ? » - s’émeut le
Samaritain qui voit, s’approche, soigne.
Le quel a été le prochain de ce blessé ?
« Va, et toi
aussi fais de même » - dit Jésus à nous tous (Luc 10,37).
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