Père Maurice Boisson. Carmel de St Maur le 9 mars 2014,
Quelqu’un
qui en avait pas mal « bavé », comme on dit, me disait cette
semaine : « Mais pourquoi
faut-il toujours se battre ? ». C’est vrai que l’existence ne se
déroule pas habituellement dans un fauteuil relaxe ou dans un hamac ; Même
s’il y a, heureusement, des moments de bonheur et de joie ! L’épreuve est
au cœur de nos vies, le combat aussi : lutter contre la maladie, se battre
pour trouver du travail, pour assurer la vie de son entreprise, de sa famille,
pour surmonter des difficultés familiales, pour garder le cap de la vie
religieuse… Que sais-je… Chacune ou chacun de nous sait sur quoi et comment il
est amené à se battre, à guérir, à se défendre contre les morsures quotidiennes
de la vie et des évènements. Personne n’y échappe.
Le combat
le plus dur est celui que nous avons à mener contre nous-mêmes, à l’intérieur
de nous-mêmes. Là où nous sommes écartelés, divisés, attirés et empêchés, entre
des choix, comme St Paul en a fait l’expérience : du bien qu’il voudrait
et qu’il ne fait pas, et du mal qu’il ne voudrait pas et qu’il fait. C’est
l’évocation du récit imagé de la création, dans la première lecture. Le choix
entre le désir qui nous tente, sous une apparence agréable, et le bien
fondamental voulu par Dieu pour nous et pour l’humanité. « Si vous mangez du fruit de cet arbre –
il n’est pas dit que c’était un pommier - vous
serez comme des dieux, comme Dieu… c’est tentant et toujours tentant…
Jésus a connu
cette expérience du combat intérieur. Alors qu’il vient d’être officiellement
rempli de l’Amour de Dieu, faisant pour lui, son fils, une reconnaissance de
paternité à son baptême, il passe par l’épreuve. Le don de l’Amour est
confronté au « Contre Amour ». Le don est affronté au repli. C’est
l’expérience de ce récit des tentations, du combat intérieur, au désert. Jésus
lui aussi a dû se battre et affronter les résistances intérieures à cette
réponse à l’appel de donner à ses frères en humanité : Bien - Amour – Paix
– Bonheur. Ce n’était pas du goût du tentateur. Le Bien, le Bon, le Beau,
l’Amour, ce n’est pas sa tasse de thé ! Il ne voit pas non plu d’un bon
oeil lorsque nous choisissons de vivre le don de Dieu qu’est l’Amour. Il nous
le fait savoir par des appels à prendre d’autres chemins,
« agréables » dit la Genèse, comme aux premiers matins du monde.
Le nom
d’origine donné au tentateur, qu’on peut appeler démon, satan, « force du
mal » est diable,
« celui qui divise », diabolos,
par opposition au symbolos :
« qui unit ». L’action du tentateur est de diviser, d’écarteler notre
cœur, c’est-à-dire notre conscience, nos désirs, notre intelligence… Alors
qu’on est fait pour être unifié, pacifié. Le tentateur agit en lâche, lorsque
nous sommes plus vulnérables. Jésus était épuisé par la faim, la soif, quand le
tentateur vient à lui dans le désert. Il s’approche de nos ancêtres, selon le
récit imagé de la création, dans la fragilité de leur insouciance et de leur
inconscience du bien être et de la belle vie des débuts « au Paradis
terrestre ».
La parole de Dieu de ce 1er
dimanche de Carême nous rappelle la fragilité qui est la nôtre et celle de
l’humanité, de donner prise au mal, au tentateur. Mais aussi, et c’est là
l’espérance, la Parole de Dieu nous rappelle que nous portons en nous la
possibilité et la liberté de ne pas laisser le dernier mot à l’épreuve, au mal,
grâce au Christ. C’est le message de la deuxième lecture. Si le mal est entré dans notre cœur et dans l’humanité, dit Paul, combien plus la grâce de Dieu nous a-t-elle
comblés. Par le don de l’Amour plus fort que la tentation. Combien plus, le
don de Dieu nous permet de retrouver les voies de la liberté intérieure,
« mais il faut toujours se battre » comme disait notre ami. Ce combat
intérieur nous permet de retrouver « qui nous sommes en vérité et ce pour
quoi et pour qui nous sommes faits » : le besoin d’autre chose que
l’absolu des biens matériels, le besoin de la vérité et de la beauté au delà
des apparences et du superficiel, le besoin de nous rappeler que nous sommes
avec des frères et sœurs non pas à écraser mais à aimer. Ces trois tentations
de Jésus résument toutes les autres. Elles sont toujours là.
Dans le « Notre Père »,
nous pourrons bientôt dire, et déjà maintenant : « ne nous laisse pas entrer en tentation ».
Ne laisse pas les ténèbres me parler et me tenter. Combien plus le don de
l’Amour est plus fort que les attraits du tentateur.
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