Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson
Les puits, les lavoirs, la
fontaine du village, le chalet où on portait le lait, ça nous dit quelque
chose : ces lieux de rencontre où on n’allait pas seulement pour chercher
de l’eau, ou du lait, mais où on cause, on se rencontre, on sait qu’on
retrouvera un tel une telle.
Dans certains pays, le puits
est un lieu central de rencontre, là où on va puiser l’eau, nécessaire à la
vie.
Dans la Bible, c’est au bord
d’un puits que les grandes histoires d’amour ont commencé.
Voilà que près d’un puits
renommé, celui de Jacob, il se passe une rencontre étonnante dont on vient
d’entendre le récit. Une des plus belles rencontre, forte, dense, où le plus
profond de l’humain rencontre le plus profond du divin, où c’est en profondeur
que les mots se raccourcissent pour atteindre le cœur même de chaque personne.
Jésus retourne de Judée en
Galilée, où il résidait. Il doit traverser une région dangereuse : la
Samarie (« Les Juifs ne veulent rien
avoir en commun avec les Samaritains » -, nous dit Saint Jean (4,9).
Il s’y aventure. Fatigué par le chemin et la chaleur, il s’arrête et s’assoit
sur la margelle du puits, pendant que ses amis vont faire quelques courses pour
manger. Il a soif, mais rien pour puiser l’eau.
Arrive une femme de cette
région de Samarie, avec sa cruche, en plein midi, l’heure la plus chaude du
jour, alors que les femmes venaient en groupe, le matin à la fraîche, faire la
provision d’eau.
Par-delà les barrières des
rivalités, de la religion, de la situation, des convenances… c’était un
scandale de parler à une femme, et en plus qui en était à son sixième homme –
s’engage un dialogue où se confrontent et se rejoignent la situation humaine de
cette femme et le don de Dieu, la soif, le désir de vérité, d’eau vive de cette
femme, et le désir de Jésus de se faire connaître, de donner cette eau vive,
d’apaiser cette soif.
« Donne-moi à boire » – dit Jésus (Jean 4,7).
« Tu oses me demander à
boire à moi, une femme étrangère, si tu me connaissais… »
« Si tu savais le don de
Dieu, c’est toi qui m’aurais demandé à boire. »
« Celui qui boira de l’eau que je lui donnerai
n’aura plus jamais soif ; et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui
source jaillissante pour la vie éternelle. » (Jean 4,14)
« Donne-la-moi, cette eau. » (Jean 4, 15)
Le don rejoint le désir. Le
puits de pierre où Jésus est assis et où cette femme a posé sa cruche devient
pour elle le puits, grand ouvert, de se vie compliquée, de ses situations
vécues, de sa soif d’eau vive, de vrai, de beau, de bien.
Ce puits devient pour Jésus
une source, don de Dieu, pour fertiliser et réhydrater la terre desséchée de
nos vies, de nos cœurs.
Cette eau vive, c’est le
Christ, le don de l’Amour.
« Moi qui te parle, je
suis cette eau vive. »
« Alors, donne-moi la,
cette eau. »
En plein midi : en
pleine clarté, à l’heure où il n’y a pas d’ombre, Jésus rejoint cette étrangère
pécheresse, dans la profondeur de son existence, pour panser les plaies de son
cœur avec l’eau vive de la miséricorde de Dieu.
« Amour et vérité se rencontrent. » (Psaume 84,11)
Ainsi en est-il pour nous, au
bord de nos puits, avec nos cruches, dans nos zones dangereuses.
Une source est cachée au plus
profond de chacun(e), parfois tarie, parfois oubliée, parfois polluée, parfois
obstruée, qu’il faut sans cesse désensabler pour qu’elle donne l’eau vive, le
don de Dieu, le plaisir que Dieu prend à faire grâce.
« Ce qui est à
comprendre – écrivait Frère Christophe de Tibhirine – l’unique chose à
connaître, c’est le don. »
Si nous savions le don de
Dieu…
« Donne-nous-la cette
eau. »
C’est notre prière et c’est
le don de l’Eucharistie que nous célébrons.
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