Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson
Exode 16,2-4.12-15 ; Psaume 77 ; Ephésiens
4,17.20-24 ; Jean 6,24-35
On
dit que les français aiment bien manger, et surtout qu’ils aiment bien parler
de ce qu’ils mangent ! C’est vrai qu’on fait peut-être plus attention à la
nourriture, pour diverses raisons. C’est bien d’avoir soin de sa santé. Mais on
n’est pas seulement un corps à nourrir, à tenir en forme et en ligne !
On
pense, on est en relation avec les autres, on a des sentiments, on aime ou on
déteste, on peut orienter sa vie, affronter les événements, réagir aux épreuves
et aux joies ; on peut surtout honorer en nous cette dimension qu’on
appelle « spirituelle », intérieure, qui nous ouvre à plus qu’à nous-mêmes,
à l’Autre avec un grand A, à ses valeurs, à ses convictions.
Est-ce
que nous sommes autant attentifs à nourrir cette part de nous-mêmes, ce qu’il y
a de plus précieux en nous, attentifs à ne pas laisser ensabler cette source de
vie, de bon, de bien, de beau, de vrai ? Sinon, c’est comme notre corps
sans nourriture : notre esprit, notre pensée, notre cœur, peuvent
s’anémier, dépérir, ainsi que nos capacités d’être en relation et de vivre
ensemble.
Avons-nous
le souci de bien nourrir notre intérieur, notre âme, ce qui nous fait être, ce
souffle mis en nous par le créateur pour être des humains ?
C’est
le message de la Parole de Dieu de ce dimanche : tous ces gens qui
cherchent Jésus, ils ont été nourris avec les trois fois rien d’un jeune garçon – c’était dimanche dernier - et
ils en redemandent, bien sûr ! Jésus n’est pas dupe : « Vous me cherchez, leur dit-il (Jean
6,26), parce que vous avez mangé, et
à nouveau vous avez faim ! Mais ce pain que je vous ai partagé ne suffit
pas à vous satisfaire. Dieu nous donne une autre nourriture de vrai pain, qui
demeure toujours, parce qu’il donne la vraie vie ; si vous en mangez, vous
n’aurez plus jamais faim. Ce pain, qui est la vie, peut rassasier tout votre
être, toutes vos faims, toutes vos aspirations profondes, tous vos vrais
désirs, ceux qui peuvent vous rendre vraiment heureux. »
« Ce
pain, c’est moi, dit Jésus. Celui qui
vient à moi n’aura jamais faim » (Jean 6,35). Comme il l’avait dit à la
Samaritaine au bord du puit, cette femme avec sa faim et sa soif de vérité,
d’amour vrai : « Celui qui boit
de cette eau vive que je lui donnerai n’aura plus jamais soif » (Jean
4,14).
Le
risque de notre société, c’est de perdre le goût de ce pain qui fait vivre, et
le goût de cette eau vive qui tonifie.
L’écrivain
Julien Green écrit que le grand danger du monde, c’est de perdre le goût de
Dieu.
Perdre
le goût de ce pain, perdre l’appétit de Dieu, des vraies valeurs de la vie, de
l’humanité, de ce qui nourrit et donne une « âme ».
Perdre
le goût de Dieu, c’est perdre le goût de l’autre, des autres ; perdre le
goût de soi-même, le goût de la création, perdre le goût des vraies valeurs
humaines.
Quand
il n’y a plus de goût à rien, on risque, dit Paul dans la deuxième lecture,
« de nous laisser guider par le
néant de nos pensées » (cf. Ephésiens 4,17), au lieu de renouveler, de
nourrir notre pensée et notre esprit - c’est toujours la deuxième lecture
- par le bon goût du pain de vie et ce
bon banquet des terroirs du meilleur de nous-mêmes, partagé.
Ce
pain et ce vin, c’est la vie du Christ donnée dans l’Amour pour nous, c’est
l’Eucharistie.
Nous
sommes un peu comme les Hébreux dans le désert, dont parle la première
lecture : ils ont faim, mais Dieu ne nous laisse jamais sur notre faim.
Le
matin, en voyant une fine croûte sur le sol du désert, les Hébreux se
demandent : « Mann hou ?
Qu’est-ce que c’est ? C’est le pain que le Seigneur vous donne à
manger » (Exode 16,4). La manne. C’est de cette manne dont nous avons
besoin aussi, pour marcher vers les promesses de Dieu. Ce pain, comme l’eau
vive, ils ont un visage : « Moi,
je suis le pain de vie » (Jean 6,35). « Je suis l’eau
vive », dit Jésus.
On
dit couramment qu’on ne vit pas seulement d’amour et d’eau fraîche, on a besoin
de nourriture matérielle. N’oublions pas qu’on ne peut pas vivre seulement de
biens matériels, d’avoir. « L’homme
ne vit pas seulement de pain », répond Jésus au démon (Matthieu 4,4).
Ne
perdons pas le goût du pain de la vie, ni le bouquet du vin du Royaume éternel.
C’est l’Eucharistie.
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