Homélie du 3ème dimanche de l’Avent- Année B
Carmel de Saint-Maur — Père Maurice Boisson
Dix fois, au
moins, dans cette messe, il est question de la joie, d’être joyeux, de nous
réjouir ! Dès les premiers mots d’entrée : « Soyez dans la joie, toujours dans
la joie ! », suivis de la prière d’ouverture : « Dirige notre joie
vers la venue de ton Fils ». La première lecture et le chant du
Magnificat, qui en est l’écho, sont comme l’hymne à la joie de la présence et
de l’action de Dieu dans nos vies et dans l’histoire. Et Saint Paul ajoute dans
la 2ème lecture : « Frères et soeurs, soyez toujours dans la joie
! ».
Dans
l’Evangile, Jean-Baptiste est moins disert, il annonce la joie discrète d’une
présence : « Au milieu de nous se tient celui dont vous n’avez pas
idée. » Ce n’est pas tout : le chant de la Préface nous laisse déjà
entrevoir la joie de Noël et la bénédiction finale nous invitera à rendre
joyeuse notre espérance…
Eh oui, c’est
comme la chanson de Charles Trenet : « Y’a d’la joie ! », au moins dans
la liturgie de ce dimanche. Elle est d’ailleurs traduite par le rose de la
chasuble que je porte aujourd’hui. Il ne s’agit pas d’un caprice du célébrant
mais d’une proposition liturgique que l’on retrouve également pendant le
Carême. Avent et Carême, des temps de pénitence et d’attente, au milieu
desquels, deux dimanches nous invitent à la joie (ce dimanche dit du « Gaudete »
(Réjouissez-vous !) et le 4éme dimanche de Carême dit du « Laetare »
(Réjouis-toi !)
Mais, c’est
facile à dire ou à chanter. Quand le coeur est lourd, quand l’épreuve s’abat et
abat, quand le moral en prend un coup, quand les volets de notre coeur se
ferment, on entend alors une autre chanson, comme un murmure, en mode mineur :
« C’est pas la joie… »
La Parole de
Dieu, nous invitant à être joyeux, ne fait pas pour autant de nous des naïfs
décalés de la vie, sur un petit nuage, planant au-dessus des difficultés et des
tristesses de nos frères et soeurs, de nos propres tristesses. Nous pensons,
bien sûr, aux familles et aux proches des jeunes victimes de l’accident de
Millas, comme à nos proches et nos amis, dans l’épreuve, à qui il serait pour
le moins déplacé de dire, la bouche en coeur : « Soyez dans la joie,
réjouissez-vous ! »
Pourtant, comme
le disait notre ami, le cher Père Daloz : « Si la Parole de Dieu n’a rien
à nous dire, parce qu’elle est trop difficile ou déconnectée de nos vies selon
nous, alors, arrachons la page ! » Mais il risque alors de ne plus rester
beaucoup de pages à l’Évangile !
Oui, soyons
dans la joie ! N’arrachons pas la page et ne nous contentons pas non plus de la
lire comme « une parole du dimanche » sans impact sur la vie réelle.
La joie est
comme une parcelle de Dieu au fond de nous-mêmes. Elle n’est pas une
démonstration bruyante - bien qu’elle puisse s’exprimer ainsi à certains
moments. Elle est plutôt comme un secret que l’on a dans le coeur, quelque
chose de précieux, dont on vit, qu’on laisse deviner. Quelque chose qui se
communique davantage qu’elle ne s’explique par des théories, fussent-elles
spirituelles. Il s’agit d’un regard, un geste, une parole, un silence, un
sourire … un parfum du coeur.
L’origine de ce
secret vient du Christ : « Je suis doux et humble de coeur » (Mt11,
29). Et on ne peut pas L’accuser de n’avoir pas fait l’expérience de la
souffrance et du mal. Le secret ? Il est à la fois simple et difficile : c’est
l’Amour, l’Amour qui aura raison du mal dans et après les traversées des
chemins de tristesse dont nous parle Jean-Baptiste.
« Que ma
joie soit en vous et que votre joie soit parfaite » dit Jésus (Jn15,11). Joie
profonde, intérieure, au-dedans même de toute blessure. Joie que personne ne
pourra nous ôter, car elle colle à notre peau, à notre être et qui nous
sauvera.
Ce don et cette
présence sont comme des caresses intérieures de Dieu, par le Christ, même dans
nos pires soucis. Ce souffle léger qui a le toupet de se glisser sous la porte
que notre tristesse vient de fermer. Ainsi peut être la joie intérieure,
secret, douceur et brise légère de Dieu, à demander et à accueillir dans les
brutalités qui peuvent semer les ténèbres et la tristesse en nos vies.
Seigneur, ne
nous laisse pas entrer dans la tentation de l’épreuve, de la non-confiance qui
conduit à la tristesse et au découragement. Donne-nous aujourd’hui cette part
de joie et de paix intérieures dont nous avons besoin.
Non, ne fermons
pas notre coeur au message de ce dimanche. N’arrachons pas ces pages de la
Parole de Dieu qui nous invitent à accueillir en nous ce don du Christ : une
joie et une paix au plus profond de nous-mêmes, don d’être aimés pour aimer à
notre tour.
Nous aurions
tant de raisons d’effacer ce message d’espérance, qui pourtant nous est
chevillé au coeur. « Personne ne pourra vous l’ôter ».
« Jésus, que ma joie
demeure ! »
Jésus, que notre joie
demeure !
Amen
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