Homélie de la fête de la Sainte Famille - Année B
Carmel de Saint-Maur — Père Maurice Boisson
Les fêtes de
Noël et du Nouvel An sont, pour les familles, l’occasion de se retrouver, de
prendre du temps ensemble, d’être à la joie de se revoir. C’est un peu le
« point rencontre » familial alors que l’éloignement, le travail, les
circonstances, les modes de vie nous éloignent les uns des autres. C’est vrai
aussi pour une communauté religieuse : ces fêtes permettent à vous aussi, mes
Sœurs, de changer quelque peu le rythme du temps, de vous parler un peu, de
fortifier les liens.
Ce n’est pas
étonnant que dans cette ambiance « famille », la liturgie nous invite
à célébrer la fête de la Sainte Famille : Marie, Joseph , Jésus. Ce qui est peut-être plus
étonnant c’est qu’on la dise « sainte » famille. Mais n’oublions pas
qu’être saint n’est pas être parfait !
La famille de
Jésus est une famille comme beaucoup : avec ses épreuves, son amour, ses
incompréhensions, ses joies, ses tensions, ses valeurs, qu’ensemble ils ont
essayé de vivre au mieux, dans la fidélité à leur conscience, à leur amour, à
leur désir de Dieu.
Et cette
« Sainte Famille » ne sera exempte de difficultés
: Dès le début, un
enfant arrive, dont l’origine met le foyer en péril. Joseph tient bon contre
les cancans et les bons principes. Il garde Marie, sa fiancée chez lui. La
naissance de l’enfant a lieu dans la précarité, loin de la maison. A peine né,
le bébé est menacé de mort par un roi qui tremble pour son pouvoir…devant un
bébé… Cette famille est immigrée en Egypte. Au plus fort de l’amour, surgit le
mal, la violence, la jalousie… c’est aujourd’hui !
Au retour, c’est le récit que nous venons d’entendre : la
bénédiction de l’enfant, selon la coutume. Puis, « Jésus
grandissait », comme tous les enfants, pas tout à fait sage comme une
image, mais de cette sagesse qui est une qualité intérieure de pensée. Parti en
pèlerinage avec ses parents, le jeune garçon disparut 3 jours, remontrances des
parents… à qui il donne une explication à laquelle ils ne comprennent pas grand
chose… Invité à un mariage à Cana, Jésus, devenu grand, se « prend la
tête » avec sa maman. Il se calme et finalement lui obéit. Jusqu’à 30 ans,
il travaille avec Joseph, qui lui apprend le métier, les relations, la bonté,
la vie… Au moment de reprendre l’atelier familial, Jésus range ses outils, met
une affiche pour les clients et part vivre au bord du lac de Galilée, où il
rassemble autour de lui quelques solides pêcheurs pour réaliser ce pourquoi il
est venu. Il n’est pas très bien accepté. Quelques-uns de sa famille, sa maman
en tête, viennent le chercher. « Ma famille, ce sont ceux qui font la
volonté de mon Père » leur dit-il… Deux ans plus tard, passés à faire le
bien, il est condamné à mort comme un bandit. La maman est là, les bras ouverts
pour recevoir le corps de son fils, dépendu de la croix. Une autre famille est
en train de naître, celle dont nous sommes aujourd’hui !
Alors Sainte
Famille ?!
Et pourtant,
sanctifiée par Dieu, au coeur même des épreuves, des soucis, des joies,
sanctifiée par l’Amour, la conscience et la confiance de réaliser quelque chose
qui les dépassait ! Dieu n’est pas venu chez nous habiter dans un écrin de
coton ni dans une bulle aseptisée, mais dans la réalité de nos vies et de nos
familles. C’est vrai aussi de nos familles religieuses : si on s’appelle, ma
Soeur, mes Frères, mon Père, ma Mère, ce n’est pas seulement un titre, ce sont
bien des relations à réaliser, il s’agit bien d’une famille.
La Sainte
Famille n’est ni exceptionnelle, ni parfaite. La sainteté se développe dans
l’ordinaire, par où se réalise le désir
de Dieu, dans l’amour et la confiance qui restent forts dans les situations
difficiles, grâce à l’écoute d’une voix, autre que celle de nos propres désirs.
La disponibilité à un avenir qui nous dépasse, dont nous ne
connaissons pas tout… « Comment cela va-t-il se faire ? »
Le respect de l’autre, de ses projets, de ce qu’il est , pour
que grandisse en lui ce qu’il y a de meilleur
et ce à quoi il est appelé.
Nous serions bien
naïfs d’idéaliser les familles, quelles qu’elles soient, nous serions bien
aveugles de ne pas reconnaître tous ces dons d’amour, de générosité, vécus
souvent dans le secret des coeurs. Nous serions bien téméraires de ne compter
que sur nous-mêmes pour vivre ces liens qui demandent le plus grand soin,
parfois la guérison de blessures et toujours la force d’aimer.
La famille est
toujours le lieu où l’on apprend à aimer. Cela a été l’essentiel de la vie et
de la mission de Jésus. Lui-même l’a appris dans sa famille humaine et dans sa
famille divine. Dieu lui-même est famille.
L’amour ne
s’apprend jamais seul.
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