Homélie du 14ème Dimanche année B
Carmel de Saint-Maur —Père Maurice Boisson
« En ce
temps-là », comme aujourd’hui : le début des vacances.
Jésus, lui
aussi, retourne passer quelques jours dans son pays d’origine, Nazareth, où il
a vécu dans son enfance, sa jeunesse, où il a travaillé à l’atelier avec
Joseph.
Le retour de
l’enfant du pays devenu célèbre jusque dans la capitale, Jérusalem. Ce retour
se passe plutôt mal, alors qu’on se serait attendu à une réception en mairie,
avec le verre de l’amitié… C’est l’échec. Le rejet.
Alors qu’on l’a
toujours vu avec ses outils, ses pièces de bois, discuter un devis avec les
clients, le voilà dans la chaire de la synagogue, à enseigner, à faire des
homélies… « Où a-t-il appris tout cela ? » « Pour qui se
prend-il ? On le connait, on sait d’où il vient ! » Etonnement. Méfiance.
A Nazareth, Jésus est trop connu, c’est pourquoi il est méconnu ! Il n’a pas
évangélisé Nazareth. Trop connu ? Telle est bien la question !
Peut-être notre
question : ne croit-on pas connaître Jésus ? On a quand même quelques souvenirs
de « caté », on a entendu des tas d’homélies, peut-être fait des
formations. On connaît. C’est souvent notre expérience aussi dans nos relations
et notre limite dans la rencontre de l’autre et l’approfondissement de notre
relation à Dieu et au Christ.
La tentation et
la limite, ce sont celles des gens de Nazareth : en rester aux apparences, à ce
que l’on voit, et parfois à ce que l’on entend dire. Quand on croit connaître,
le risque est de ne pas connaître !
« Qui
est-il donc ? » Cette question traverse tout l’Evangile de Saint Marc à
propos de Jésus. Elle est la même à propos de Dieu, exprimée dans un beau chant
: « Qui donc est Dieu ? » Et c’est encore la même question à propos
des uns et des autres. Qui est-il ? Qui est-elle ? « Qui dites-vous que je
suis ? » On n’a jamais fini de connaître quelqu’un.
Chaque personne
a une part de mystère, une « terre sacrée » qu’on ne peut approcher
qu’avec respect et accueil. On a un bel exemple dans la 2ème lecture : Paul, le
grand Paul, le grand apôtre ouvre son coeur aux chrétiens de Corinthe :
« Pour m’empêcher de me surestimer, j’ai reçu dans ma chair une écharde, un envoyé de
Satan qui est là pour me gifler, pour empêcher que je me surestime, pour
empêcher mon orgueil » écrit-il. On ne sait pas bien de quoi il s’agit
mais Paul prie le Seigneur de le débarrasser de cette écharde en lui. Et Paul
nous confie la réponse forte du Seigneur : « Ma grâce te suffit. Ma
puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse. » Et Paul de faire la
confidence : « Lorsque je suis faible, c’est alors que je suis
fort » parce qu’alors, je peux
compter sur la force, la grâce d’Un autre et pas sur mes propres forces. Le
secret intérieur de Paul ! Qui aurait pensé cela de lui ?
Convertir notre
regard, c’est le message de ce dimanche, c’est accommoder notre vision des
êtres et des choses à celle de Dieu. C’est le regard du coeur qui va plus loin
que les apparences et qui suppose la foi, la confiance en un invisible. La foi qui
purifie le regard en ôtant l’écorce qui parfois empêche de percevoir la beauté
(et aussi les faiblesses) ultime des êtres et des choses.
C’est
difficile. Il ne s’agit pas de porter en permanence des lunettes qui nous font
voir tout en rose ni de refuser la réalité. Cet Evangile nous met en garde sur
les « on connaît », « on sait », de ses compatriotes de
Nazareth. Il nous invite à aller vers une profondeur cachée, au delà du
visible, où souvent se rejoignent les générosités et les faiblesses de chacun ;
dans cette profondeur agit la grâce du Christ :
« Ma grâce te suffit
! »
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