Homélie 28e dimanche C
Carmel de Saint-Maur P. Maurice Boisson
C’est bien connu ! Quand
on est dans le besoin, on appelle des amis, des proches. Quand ça va bien, le temps
passe vite, comme on dit ; on n’a plus bien le temps de se voir. Quelqu’un
me disait hier : « Je n’ai même pas appelé les « untel »
pour les remercier de nous avoir dépannés. Ca fait trois semaines !
Pourtant, on était bien contents de les trouver ! »
C’est un peu pareil pour la
prière : quand on est dans le besoin, la difficulté, on sait trouver le
chemin de la prière, comme les lépreux criant : « Jésus, maître, prends pitié de nous ! » (Luc 17,13)
Quand tout va bien, notre démarche s’arrête, au milieu du parcours, comme les
neuf lépreux (cf. Luc 17,11-19).
Savoir être reconnaissant,
savoir remercier, ça ne va pas de soi. On apprend aux enfants à dire
« merci ». Ce n’est pas seulement une formule de savoir-vivre. C’est
apprendre à reconnaître que tout ne nous est pas dû. Un enfant - et sur ce
point beaucoup d’adultes sont encore des enfants - un enfant a tendance
naturellement à croire que tout lui est dû : l’affection, le soin de ses
parents, ce qu’il reçoit. « Si c’est un dû, un droit, ça n’appelle pas de
reconnaissance, ni de contrepartie. » C’est une tendance très actuelle de
notre temps. Savoir remercier ne va pas de soi.
Le message de la Parole de
Dieu de ce dimanche nous invite à accueillir les dons de Dieu et à en être
reconnaissants, comme ce général de l’armée syrienne, un étranger, Naaman, qui
reconnaît l’action de Dieu dans sa guérison, et, dans un mouvement de
reconnaissance, il veut faire un cadeau au prophète - l’homme de Dieu (cf. 2
Rois 5,14-17). Elisée refuse, et le Syrien emporte chez lui de la terre du lieu
où il fut guéri, comme signe de reconnaissance du don de Dieu. C’est un geste
très touchant, très humain de la part de cet étranger, qui nous est rapporté
dans la première lecture. C’est aussi ce lépreux de l’Evangile, qui fait la
route du retour pour remercier Jésus de l’avoir guéri, alors que les neuf
autres - guéris eux aussi - ont pensé, peut-être, que leur guérison était un
dû, que ça allait de soi, que c’était justice. Et leur histoire s’arrête là, à
mi-chemin de leur démarche.
Le dixième fait la route du
retour. Il est non seulement réintégré comme les autres dans son corps, dans la
société, il est aussi guéri au plus profond de son être, dans l’amour de Dieu.
Il entre dans une relation nouvelle avec celui qui l’a guéri : il le
rencontre réellement et non pas à distance - de loin, comme au début.
Il est aux pieds de Jésus. « Relève-toi et va : ta foi t’a
sauvé. » (Luc 17,19) C’était lui aussi un étranger. Il accueille
activement ce don de Jésus qui non seulement guéri sa peau, mais qui franchit
les distances, les exclusions, les isolements, les interdits de la Loi, les
murs de séparation, les lèpres de toutes sortes qui pourrissent la vie, la vie
ensemble, qui isolent.
Comme le dixième lépreux,
l’Evangile nous invite à revenir sur nos pas, non pas pour nous lamenter sur un
passé ou nous complaire dans les plaintes perpétuelles. Ca suffit - dit le Pape
François – il s’agir de soigner, d’ajuster notre manière d’être aux dons, aux
grâces que Dieu nous fait.
Souvent, les gens qui ont
connu une grave maladie, un grave accident, un danger mortel, voient la vie
autrement, non pas comme un dû, mais comme un don, qui permet d’accueillir
chaque jour nouveau comme un cadeau de Dieu provoquant la joie intérieure –
profonde - de la reconnaissance, de l’amour de la vie. Ne pas s’arrêter en
cours de route, à la guérison extérieure, comme les neuf lépreux, mais refaire
la route ou la poursuivre jusqu’à la source : « Ta foi t’a sauvé. »
Saint Ignace raconte que,
pris dans une tempête, il croyait mourir. Il n’avait pas peur du jugement, mais
peur de n’avoir pas bien employé les dons et les grâces que Dieu lui avait
faits. Il disait que l’ingratitude était un grand péché, cause de beaucoup de
mal, parce qu’elle est méconnaissance du don et des biens reçus ; et tout
don de Dieu nous rend donnant à notre tour.
Faisons la deuxième partie du
chemin, comme Naaman, comme le dixième lépreux, comme la Vierge Marie à qui
nous nous confions aujourd’hui. Elle ne s’est pas arrêtée à l’annonce de
l’ange, à ses doutes, à sa question, ni même à son « oui ». Le don
que Dieu lui fait, elle nous le redonne en amour. Elle nous invite aujourd’hui
à faire comme elle. « Il s’est
penché sur son humble servante, (…) il a fait pour moi des merveilles » (Luc 1,48-49).
« Relève-toi, ta foi t’a sauvé. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire