lundi 14 octobre 2013

Homélie 28e dimanche C



Homélie 28e dimanche C
Carmel de Saint-Maur  P. Maurice Boisson

C’est bien connu ! Quand on est dans le besoin, on appelle des amis, des proches. Quand ça va bien, le temps passe vite, comme on dit ; on n’a plus bien le temps de se voir. Quelqu’un me disait hier : « Je n’ai même pas appelé les « untel » pour les remercier de nous avoir dépannés. Ca fait trois semaines ! Pourtant, on était bien contents de les trouver ! »

C’est un peu pareil pour la prière : quand on est dans le besoin, la difficulté, on sait trouver le chemin de la prière, comme les lépreux criant : « Jésus, maître, prends pitié de nous ! » (Luc 17,13) Quand tout va bien, notre démarche s’arrête, au milieu du parcours, comme les neuf lépreux (cf. Luc 17,11-19).

Savoir être reconnaissant, savoir remercier, ça ne va pas de soi. On apprend aux enfants à dire « merci ». Ce n’est pas seulement une formule de savoir-vivre. C’est apprendre à reconnaître que tout ne nous est pas dû. Un enfant - et sur ce point beaucoup d’adultes sont encore des enfants - un enfant a tendance naturellement à croire que tout lui est dû : l’affection, le soin de ses parents, ce qu’il reçoit. « Si c’est un dû, un droit, ça n’appelle pas de reconnaissance, ni de contrepartie. » C’est une tendance très actuelle de notre temps. Savoir remercier ne va pas de soi.

Le message de la Parole de Dieu de ce dimanche nous invite à accueillir les dons de Dieu et à en être reconnaissants, comme ce général de l’armée syrienne, un étranger, Naaman, qui reconnaît l’action de Dieu dans sa guérison, et, dans un mouvement de reconnaissance, il veut faire un cadeau au prophète - l’homme de Dieu (cf. 2 Rois 5,14-17). Elisée refuse, et le Syrien emporte chez lui de la terre du lieu où il fut guéri, comme signe de reconnaissance du don de Dieu. C’est un geste très touchant, très humain de la part de cet étranger, qui nous est rapporté dans la première lecture. C’est aussi ce lépreux de l’Evangile, qui fait la route du retour pour remercier Jésus de l’avoir guéri, alors que les neuf autres - guéris eux aussi - ont pensé, peut-être, que leur guérison était un dû, que ça allait de soi, que c’était justice. Et leur histoire s’arrête là, à mi-chemin de leur démarche.

Le dixième fait la route du retour. Il est non seulement réintégré comme les autres dans son corps, dans la société, il est aussi guéri au plus profond de son être, dans l’amour de Dieu. Il entre dans une relation nouvelle avec celui qui l’a guéri : il le rencontre réellement et non pas à distance - de loin, comme au début.

Il est aux pieds de Jésus. « Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé. » (Luc 17,19) C’était lui aussi un étranger. Il accueille activement ce don de Jésus qui non seulement guéri sa peau, mais qui franchit les distances, les exclusions, les isolements, les interdits de la Loi, les murs de séparation, les lèpres de toutes sortes qui pourrissent la vie, la vie ensemble, qui isolent.

Comme le dixième lépreux, l’Evangile nous invite à revenir sur nos pas, non pas pour nous lamenter sur un passé ou nous complaire dans les plaintes perpétuelles. Ca suffit - dit le Pape François – il s’agir de soigner, d’ajuster notre manière d’être aux dons, aux grâces que Dieu nous fait.

Souvent, les gens qui ont connu une grave maladie, un grave accident, un danger mortel, voient la vie autrement, non pas comme un dû, mais comme un don, qui permet d’accueillir chaque jour nouveau comme un cadeau de Dieu provoquant la joie intérieure – profonde - de la reconnaissance, de l’amour de la vie. Ne pas s’arrêter en cours de route, à la guérison extérieure, comme les neuf lépreux, mais refaire la route ou la poursuivre jusqu’à la source : « Ta foi t’a sauvé. »

Saint Ignace raconte que, pris dans une tempête, il croyait mourir. Il n’avait pas peur du jugement, mais peur de n’avoir pas bien employé les dons et les grâces que Dieu lui avait faits. Il disait que l’ingratitude était un grand péché, cause de beaucoup de mal, parce qu’elle est méconnaissance du don et des biens reçus ; et tout don de Dieu nous rend donnant à notre tour.

Faisons la deuxième partie du chemin, comme Naaman, comme le dixième lépreux, comme la Vierge Marie à qui nous nous confions aujourd’hui. Elle ne s’est pas arrêtée à l’annonce de l’ange, à ses doutes, à sa question, ni même à son « oui ». Le don que Dieu lui fait, elle nous le redonne en amour. Elle nous invite aujourd’hui à faire comme elle. « Il s’est penché sur son humble servante, (…) il a fait pour moi des merveilles » (Luc 1,48-49).

« Relève-toi, ta foi t’a sauvé. »

 

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