CARMEL
DE SAINT MAUR - Père Farel Djembo
Frères et sœurs, peuple de Dieu,
j’ai toujours pensé que célébrer Sainte Thérèse de Lisieux au Carmel était un
paradoxe ! eh bien je vais vous le dire j’y ai pensé et pourquoi aussi je
me suis résolu à affirmer que il n’était pas ainsi. Je vais vous le dire en
m’inspirant des textes de la liturgie de ce jour et de la tradition de
l’Eglise.
Thérèse de l’Enfant-Jésus et de
la Sainte Face de Jésus, la petite Thérèse est la sainte de la petite voie,
celle de l’amour ; sa voix aussi est petite à comparer à celle des grands
de ce monde ou de son temps ou de son entourage immédiat du Carmel ; son
action est discrète ; son amour est silence et ne fait pas de bruit. Et
pourtant elle est une sainte du Carmel, celui dont parle la tradition de
l’Eglise et l’Ancien Testament.
Je ne vous apprends rien mes
sœurs surtout et mes frères sur le Carmel. Mais c’est toujours bien d’y revenir
en des circonstances comme celles-ci. Le mont du Carmel est un massif
montagneux qui prolonge les monts de Samarie et s’avance dans la Méditerranée.
C’est aussi la région riche et prospère d’Israël. Elle doit cette richesse
surtout à sa proximité avec la mer Méditerranée qui lui épargnait la
sécheresse. Aujourd’hui dans l’Israël moderne il est situé près de la ville
d’Haïfa. Si nous scrutons les Ecritures
le Carmel est le symbole de la beauté et de la prospérité. L’origine du mot
veut dire même « verger ». Dans l’Ancien Testament la célébrité de ce
lieu est rattachée au prophète Elie. Israël, le royaume du Nord dont la
capitale est Samarie a comme roi Achab qui se laisse dominer par la beauté et
la ruse de sa femme la reine Jézabel, fille du souverain de Tyr et adepte des
dieux Baals phéniciens. Elle réussit à faire tuer les prophètes de Dieu au
profit de ceux de Baals qui eux devraient assurer la fécondité de la terre et
la prospérité du royaume. Yahvé suscite, Elie un prophète resté fidèle et ayant
fui la répression de Jézabel il se mit à prophétiser la sécheresse d’abord, et ensuite
à annoncer les temps nouveaux disant que « le Dieu d’Israël est vivant, il
est le seul vrai Dieu ». Par une sorte de compétition Elie triomphe des
prophètes de Baals, tous sont tués et ainsi sauve le culte au « Vrai Dieu
d’Israël » . Ainsi eût lieu en
Israël l’une des plus fortes manifestations publiques, spectaculaires et fortes
de la puissance de Dieu de toute l’Ancienne Alliance.
Dès lors, dans la symbolique
biblique le mont Carmel devint un haut lieu spirituel, image de la fidélité et
de la providence de Dieu. Saint Brocart, ermite, au XIIIème siècle fit approuver par le pape une règle de
vie qui fut la pierre de base de l’ordre du Carmel. Elle reprend même la devise
d’Elie « Il est vivant le Dieu en présence duquel je me tiens »
Comment donc concilier Thérèse de
Lisieux et le Carmel ? Cela ne parait
pas évident à première vue ! Mais ne pas le faire voudrait dire que
l’Ancienne Alliance et la Nouvelle Alliance n’ont pas de lien ou que le Nouveau
Testament et l’Ancien Testament n’ont rien de commun ! Eh bien non !
Au contraire la petite voie de Thérèse conduit vers Dieu et le récit du Mont
Carmel apprend à retrouver Dieu quand on se laisse tout petit approcher de sa
Parole. L’Evangile rappelle la place des petits, des pauvres et des humbles aux
yeux de Dieu. Thérèse ne s’y soustrait pas. Dans le silence du Carmel, elle est
missionnaire défiant toute logique peu spirituelle. Combien encore sont
capables d’élever une prière pour les autres, de regarder plus loin
qu’eux-mêmes. Savons-nous vraiment que l’amour vient de Dieu ? Ce n’est
pas un vœu pieux, un exercice mental ou intellectuel. L’amour comme le redit la
seconde lecture extraite de la lette de Saint Jean est une
« rencontre », « une rencontre avec Jésus de Nazareth » qui
nous a rejoint dans notre histoire qui nous révèle la face du Père. L’amour
vient de Dieu. Ainsi la prophétie
d’Isaïe de la première lecture trouvera écho dans le cœur des hommes, dans le cœur
de l’Eglise notre mère.
Frères et sœurs, peuple de Dieu,
la voix de Thérèse n’était pas plus forte que celle des grands de son temps et
du monde et pourtant elle continue à résonner dans les coins et recoins du
monde changeant des vies, défiant les idéologies du moment et remettant les
pendules de l’histoire à l’heure de Dieu vers un amour qui n’a pas de frontière
et qui ne fait pas de bruit. Je termine par cette pensée du pape Emérite Benoit
XVI lors d’une homélie en 2005 qui pour moi rejoint la profondeur spirituelle
et théologique de Thérèse :
« Seulement là où on voit
Dieu commence véritablement la vie. Seulement lorsque nous rencontrons dans le
Christ le Dieu vivant, nous connaissons ce qu’est la vie. Nous ne sommes pas le
produit accidentel et dépourvu de sens de l’évolution. Chacun est le fruit
d’une pensée de Dieu. Chacun de nous est voulu, chacun est aimé, chacun est
nécessaire. Il n’y a rien de plus beau que d’être rejoints surpris par
l’Evangile, par le Christ. Il n’y a rien de plus beau que de communiquer aux
autres l’amitié avec lui » (Homélie du 24/04/2005) Amen !
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