Saint Maur, un saint local du
VIe siècle
Autant
les reliques de saint Hymetière ont fait parler d’elles au cours des siècles
laissant derrière elles une tradition constante et non remise en cause,
tradition que les découvertes de ces mois derniers n’ont fait que renforcer, autant
celles de saint Maur semblent avoir fait l’objet de controverses. Les analyses
scientifiques nous permettent-elles enfin d’y voir plus clair ?
Ce
qui est assuré, c’est que la construction d’une église dès le XI° siècle dans
ce village et la conservation des reliques à l’intérieur de cet édifice
manifestent l’importance donnée à ce personnage par les chrétiens des premiers
siècles. La tradition locale a toujours affirmé qu’il s’agissait là des
ossements de saint Maur. Mais qui était cet homme dont le village porte le
nom mais à qui l’église elle-même n’est pas dédiée, puisqu’elle est sous le
patronage de la Sainte Trinité ?
D’après
une légende qui n’a fait que s’amplifier, au XIX° siècle notamment, les
reliques contenues dans le reliquaire de ce village seraient les reliques du
disciple préféré de saint Benoît (480-547), le fondateur de l’ordre des
bénédictins qui a tant fait pour développer le monachisme en Occident. Vers la
fin de sa vie, Benoît aurait envoyé son ami Maur fonder en Gaule le monastère
de Glanfeuil sur la Loire où il mourut vers 584, âgé de plus de 72 ans. Ses
reliques seraient arrivées dans le Jura en 862 quand les moines de Glanfeuil
fuyant les normands seraient venus avec elles se réfugier à Baume les Messieurs
avant de recevoir un terrain pour les abriter à Saint-Maur des Buissons. Cette
histoire a beau s’appuyer sur une Vie de Saint Maur qui est un faux du IX°
siècle rédigé par un abbé de Glanfeuil,
d’autres lieux comme Saint-Maur des Fossés à Paris voir d’autres paroisses
siciliennes (Viagrande notamment) ont beau revendiquer aussi la possession des
reliques d’un saint Maur, on ne compte pas au XIXe siècle les articles et
opuscules rédigés pour défendre la thèse « de
l’authenticité des reliques de saint Maur disciple de Saint Benoît, qui
reposent dans l’église du village de son nom, près Lons-le-Saunier »
En 1447, on sait qu’une châsse avait été réalisée au
frais du curé du village, Nicolas AYMONIN pour y déposer les ossements « transférés quelques jours auparavant
d’une autre châsse plus petite et moins ornée ». Le document écrit le
plus ancien trouvé à l’intérieur du reliquaire lors de son ouverture en 2012
remonte en 1805 (fig. 4). Il s’agit de vérifier, après la révolution, le
contenu du reliquaire ayant bien six os
et un crâne enveloppés d’une soie verte. Ces reliques sont placées en 1840
dans une nouvelle châsse, avec le sceau de Mgr Antoine Jacques de CHAMON,
évêque de Saint-Claude (fig. 5). En octobre 1849, un des six os est prélevé sur
la demande de Dom Guéranger, le restaurateur de l’ordre bénédictin en France à
Solesmes où la relique est transportée. Une moitié d’os est aussi concédée à l’abbaye de Saint
Paul hors les murs à Rome. Pour eux, nul doute
qu’il s’agissait d’une relique de saint Maur, disciple de Saint Benoît. En
1873, les reliques étaient conservées dans
une châsse de bois et gothique, placée sous un ciborium, derrière le
maître-autel.
Mais en 1921, une « paroissienne du
pays » fait don d’un nouveau reliquaire, celui-là même qui vient
d‘être restauré en 2013.
Pourtant l’unanimité ne s’est jamais faite pour
considérer les reliques de ce reliquaire comme étant véritablement ceux du
disciple de St Benoît. Le P. Chifflet
soutenait déjà au XVIIe siècle qu’il s’agissait d’un homonyme fêté d’après le
martyrologe de Saint Oyend, le 25 octobre.
Le P. Pierre Lacroix au XXe siècle va dans le même sens : « Le nom de Maur, qui signifie un homme au
teint sombre, basané, était fréquent. Le personnage honoré dans notre village
jurassien ne serait-il pas un saint local.... ? L’obscurité de ce saint
local aura facilité l’ « adoption » de son illustre homonyme, à
la faveur de sa fausse Vie et du transfert en partie vrai. » (Lacroix
1981). Mais comment savoir ?
Des
fouilles au XIX° siècle ont attesté la présence en ces lieux d’une communauté
chrétienne aux VI° et VII ° siècles. Une plaque-boucle en bronze porte
même un nom : « ?Enatus deaconus » : (R)ené
Diacre ! Mais aucun sondage récent ne permet de donner plus d’éléments
pour connaître ce Maur et son environnement. On peut cependant supposer sous
les dalles de l’édifice actuel et aux alentours, la présence d’une église plus
précoce comme à Saint-Hymetière. Dans l’attente d’hypothétiques recherches
archéologiques futures, la restauration de la châsse, en 2013, à l’initiative locale
de l’Association pour la Protection du Patrimoine de Saint-Maur des Buissons, a donné
l’occasion de procéder à l’analyse scientifique des reliques présumées de saint
Maur. Les résultats sont concluants et permettent enfin de faire avancer le
débat sur l’identité du personnage.
En s’appuyant sur les seuls résultats des datations
radiocarbones, les ossements analysés ne permettent pas de trancher pour
connaître véritablement s’il s’agit du Saint Maur disciple de Saint Benoit ou
d’un homonyme vivant lui aussi au VIe siècle sur ce lieu jurassien. Par contre
le fait que ces ossements soient ceux d’un homme décédé avant 50 ans ne
coïncide plus avec ce que l’on sait de la vie du disciple de saint Benoît,
décédé, lui, à plus de 70 ans. Si Hymetière semble avoir été contemporain de
Romain et Lupicin, Maur, comme Lothain, fut contemporain de Saint Oyend, le
4ème abbé de Condat, mais tout semble indiquer désormais qu’il fut lui aussi un
saint local, fondateur d’une communauté chrétienne (monastique ?) en ce
lieu.
Armand ATHIAS, David
BILLOIN
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