vendredi 25 octobre 2013


 Saint Maur, un saint local du VIe siècle
 

 

Autant les reliques de saint Hymetière ont fait parler d’elles au cours des siècles laissant derrière elles une tradition constante et non remise en cause, tradition que les découvertes de ces mois derniers n’ont fait que renforcer, autant celles de saint Maur semblent avoir fait l’objet de controverses. Les analyses scientifiques nous permettent-elles enfin d’y voir plus clair ?

 

Ce qui est assuré, c’est que la construction d’une église dès le XI° siècle dans ce village et la conservation des reliques à l’intérieur de cet édifice manifestent l’importance donnée à ce personnage par les chrétiens des premiers siècles. La tradition locale a toujours affirmé qu’il s’agissait là des ossements de saint Maur. Mais qui était cet homme dont le village porte le nom mais à qui l’église elle-même n’est pas dédiée, puisqu’elle est sous le patronage de la Sainte Trinité ?

 

D’après une légende qui n’a fait que s’amplifier, au XIX° siècle notamment, les reliques contenues dans le reliquaire de ce village seraient les reliques du disciple préféré de saint Benoît (480-547), le fondateur de l’ordre des bénédictins qui a tant fait pour développer le monachisme en Occident. Vers la fin de sa vie, Benoît aurait envoyé son ami Maur fonder en Gaule le monastère de Glanfeuil sur la Loire où il mourut vers 584, âgé de plus de 72 ans. Ses reliques seraient arrivées dans le Jura en 862 quand les moines de Glanfeuil fuyant les normands seraient venus avec elles se réfugier à Baume les Messieurs avant de recevoir un terrain pour les abriter à Saint-Maur des Buissons. Cette histoire a beau s’appuyer sur une Vie de Saint Maur qui est un faux du IX° siècle rédigé par un abbé de Glanfeuil, d’autres lieux comme Saint-Maur des Fossés à Paris voir d’autres paroisses siciliennes (Viagrande notamment) ont beau revendiquer aussi la possession des reliques d’un saint Maur, on ne compte pas au XIXe siècle les articles et opuscules rédigés pour défendre la thèse « de l’authenticité des reliques de saint Maur disciple de Saint Benoît, qui reposent dans l’église du village de son nom, près Lons-le-Saunier »

 

En 1447, on sait qu’une châsse avait été réalisée au frais du curé du village, Nicolas AYMONIN pour y déposer les ossements « transférés quelques jours auparavant d’une autre châsse plus petite et moins ornée ». Le document écrit le plus ancien trouvé à l’intérieur du reliquaire lors de son ouverture en 2012 remonte en 1805 (fig. 4). Il s’agit de vérifier, après la révolution, le contenu du reliquaire ayant bien six os et un crâne enveloppés d’une soie verte. Ces reliques sont placées en 1840 dans une nouvelle châsse, avec le sceau de Mgr Antoine Jacques de CHAMON, évêque de Saint-Claude (fig. 5). En octobre 1849, un des six os est prélevé sur la demande de Dom Guéranger, le restaurateur de l’ordre bénédictin en France à Solesmes où la relique est transportée. Une moitié d’os est aussi concédée à l’abbaye de Saint Paul hors les murs à Rome. Pour eux, nul doute qu’il s’agissait d’une relique de saint Maur, disciple de Saint Benoît. En 1873, les reliques étaient conservées dans une châsse de bois et gothique, placée sous un ciborium, derrière le maître-autel. Mais en 1921, une « paroissienne du pays » fait don d’un nouveau reliquaire, celui-là même qui vient d‘être restauré en 2013.

 

Pourtant l’unanimité ne s’est jamais faite pour considérer les reliques de ce reliquaire comme étant véritablement ceux du disciple de St Benoît. Le P. Chifflet soutenait déjà au XVIIe siècle qu’il s’agissait d’un homonyme fêté d’après le martyrologe de Saint Oyend, le 25 octobre.  Le P. Pierre Lacroix au XXe siècle va dans le même sens : « Le nom de Maur, qui signifie un homme au teint sombre, basané, était fréquent. Le personnage honoré dans notre village jurassien ne serait-il pas un saint local.... ? L’obscurité de ce saint local aura facilité l’ « adoption » de son illustre homonyme, à la faveur de sa fausse Vie et du transfert en partie vrai. » (Lacroix 1981). Mais comment savoir ?

 

Des fouilles au XIX° siècle ont attesté la présence en ces lieux d’une communauté chrétienne aux VI° et VII ° siècles. Une plaque-boucle en bronze porte même un nom : « ?Enatus deaconus » : (R)ené Diacre ! Mais aucun sondage récent ne permet de donner plus d’éléments pour connaître ce Maur et son environnement. On peut cependant supposer sous les dalles de l’édifice actuel et aux alentours, la présence d’une église plus précoce comme à Saint-Hymetière. Dans l’attente d’hypothétiques recherches archéologiques futures, la restauration de la châsse, en 2013, à l’initiative locale de l’Association pour la Protection du Patrimoine de Saint-Maur des Buissons, a donné l’occasion de procéder à l’analyse scientifique des reliques présumées de saint Maur. Les résultats sont concluants et permettent enfin de faire avancer le débat sur l’identité du personnage.

 

En s’appuyant sur les seuls résultats des datations radiocarbones, les ossements analysés ne permettent pas de trancher pour connaître véritablement s’il s’agit du Saint Maur disciple de Saint Benoit ou d’un homonyme vivant lui aussi au VIe siècle sur ce lieu jurassien. Par contre le fait que ces ossements soient ceux d’un homme décédé avant 50 ans ne coïncide plus avec ce que l’on sait de la vie du disciple de saint Benoît, décédé, lui, à plus de 70 ans. Si Hymetière semble avoir été contemporain de Romain et Lupicin, Maur, comme Lothain, fut contemporain de Saint Oyend, le 4ème abbé de Condat, mais tout semble indiquer désormais qu’il fut lui aussi un saint local, fondateur d’une communauté chrétienne (monastique ?) en ce lieu.

 
 Armand ATHIAS, David BILLOIN

 



Aucun commentaire: