Homélie 29e
dimanche C
Carmel de Saint-Maur - Père
Maurice Boisson
« Personne ne
m’écoute ! »
Je ne dis pas ça pour vous,
mais qui n’a pas dit ou entendu ce reproche : « Vous ne m’écoutez
pas ! » - depuis le jeune qui quitte brusquement la table, le mari ou
l’épouse à son conjoint : « Tu pourrais m’écouter ! » -
l’employé à propos de son chef : « Il n’écoute pas » - et
peut-être aussi dans une communauté religieuse : « Elle n’écoute
rien ! »
C’est une expérience très
pénible d’avoir l’impression de ne pas être écouté ; on a le sentiment de
ne pas exister pour l’autre, d’être devant un mur, de ressentir de l’angoisse
et parfois de la colère.
Et si c’était vrai aussi pour
notre relation à Dieu dans la prière : « Je prie. Je n’ai pas
l’impression qu’il m’écoute, qu’il fait attention à moi. »
Le silence apparent de Dieu,
sa non-réponse ressentie à nos appels, sont aussi une expérience courante dans
les relations des croyants à Dieu. On dit facilement que Dieu parle ; on
peut dire aussi que Dieu se tait. Il n’est pas que parole, il est aussi
silence.
« Où est-il, leur Dieu ? » - demandaient déjà les païens aux croyants (Psaume
79,10 et Psaume 115,2). « Dieu est-il au milieu de nous, oui ou
non ? » - se demandait le croyant dans l’épreuve.
Jésus lui-même a fait l’expérience
de n’être apparemment pas écouté par son Père : « Pourquoi, mais
pourquoi m’as-tu abandonné ? » (cf. Matthieu 27,46 et Marc 15,34)
Le Samedi Saint est le jour
du grand silence de Dieu ; Dieu se tait. A quoi sert la prière si aucune
réponse, aucune consolation, ne font écho à nos appels ?
Malgré tout, « il faut toujours prier sans se
décourager » (Luc 18,1). Ce sont les premiers mots de cet Evangile –
« sans se lasser ».
C’est l’expérience de Moïse
et de Josué dans la première lecture : tandis que Josué se bat dans la
plaine, Moïse est en prière sur la colline, les mains levées (cf. Exode
17,8-13). Quand les mains restent levées, Josué a le dessus sur l’ennemi. Dès
que les mains retombent, c’est l’inverse.
Mais Moïse se fatigue, comme
ça nous arrive. Il n’a plus la force de prier, ses bras lui en tombent, il
baisse les bras. Alors Aaron et Hour le
font asseoir et tiennent ses bras levés en les soutenant avec les leurs
jusqu’au coucher du soleil. Et Josué remporte la victoire.
On a besoin des autres pour
ne pas baisser les bras ; d’autres nous soutiennent, nous portent dans la
prière, comme on dit. C’est le soutient réel qu’apportent nos Frères et Sœurs priant
comme sur cette colline, nos amis, ceux qui déjà ont rejoint la maison du Père.
Ca s’appelle la Communion des Saints, la solidarité priante.
Il faut « prier sans se décourager », dit Jésus. Dieu n’est pas
ce juge de l’Evangile (cf. Luc 18,1-8) qui fait de la tranquillité sa règle de
vie, et qui ouvre la porte à cette veuve - et reprend son dossier - parce
qu’elle lui casse la tête par son insistance.
Dieu n’a pas besoin qu’on le
fatigue, c’est déjà assez de fatiguer les autres !
« Non seulement vous
fatiguez les hommes – dit la Bible – mais vous fatiguez aussi votre
Dieu ! » (cf. Isaïe 7,13)
Les apparents silences de
Dieu ne sont pas de l’inattention à notre égard : ils nous permettent de
clarifier en nous nos demandes, de les ajuster au dessein de Dieu. Dieu sait de
quoi nous avons besoin.
Au début de cette messe, nous
avons prié en demandant : « Fais-nous toujours vouloir ce que tu veux. »
La patience infinie de Dieu - dans son attention pour nous - se heurte à notre
impatience, à nos mentalités avides de résultats tangibles, efficaces,
immédiats. Non pas : « qu’est-ce que ça produit ? » - mais :
« qu’est-ce que ça fait en nous, pour nous, pour les autres ? »
Notre relation à Dieu n’est
pas semblable à celle du juge et de la veuve, on n’extorque pas les dons de
Dieu en le fatiguant.
La prière est une préparation
pour accueillir les dons de Dieu.
Moïse lève les bras, priant
sur la colline - Josué combat dans la plaine. La victoire est le fruit des
deux : de la prière de Moïse, soutenu par d’autres, et de l’action de
Josué, rendue possible par la prière de Moïse. Les deux vont ensemble.
Nous sommes parfois aussi
démunis que cette pauvre veuve, et aussi fatigués que Moïse. Soyons aussi
confiants et persévérants qu’elle, et acceptons que d’autres nous aident à ne
pas baisser les bras.
« Seigneur, fais-nous
toujours vouloir ce que tu veux. »
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