Homélie 30e
dimanche C
Carmel de Saint-Maur - Père
Maurice Boisson
Quelqu’un qui avait pas mal
réussi matériellement dans la vie me racontait avec brio quelques-unes de ses
réalisations. Il me dit avec beaucoup de conviction et de certitude : «
Mais j’en parle pas. Moi, vous savez, mon Père, l’humilité, c’est mon
fort ! » Avec un sourire, je lui réponds : « Ah oui !
Je vois ! Vous êtes fort en humilité. Alors parlons-en un peu. »
Dans la mentalité actuelle,
parler de l’humilité, c’est risqué, ça paraît complètement décalé, quand tout
nous dit – et la pression est forte – qu’il faut être le meilleur, le gagnant,
le plus fort, le premier (et dès la maternelle !), le plus puissant - quitte
d’ailleurs à écraser les autres pour y arriver.
Pourtant, c’est le message de
l’Evangile d’aujourd’hui. Ne nous dérobons pas ! Parlons-en un peu !
« Qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse
sera élevé. » (Luc 18,14)
Voilà qui n’est pas très
« tendance » ; cependant, ce que nous dit Jésus aujourd’hui est
d’une grande actualité et d’un grand secours pour la qualité des relations, de
la vie ensemble, et de notre relation à Dieu.
On voit la scène d’ici :
dans le Temple, un homme est là, bien en évidence. Il prie « en lui-même » (Luc 18,11) - il ne prie pas Dieu - il se
propose à l’admiration de Dieu : « Seigneur, regarde comme je suis
bien, moi. Je ne suis pas comme les autres qui ceci, qui cela, et encore
ceci. »
Cet homme était quelqu’un
qui, en effet, non seulement observait scrupuleusement sa religion, mais qui en
rajoutait. Pour cela, il se croyait un ayant-droit de la considération de
Dieu : « Pas besoin de prier. Regarde-moi. »
Un autre homme était là
aussi, à distance. Un « collaborateur » qui, en période d’occupation,
travaille pour l’occupant, et, pire, en ramassant l’impôt. Quelqu’un de mal vu
- à juste titre - et considéré comme un pécheur public. Il n’ose même pas lever
les yeux. Mais il se propose humblement au pardon et à l’amour de Dieu : « Mon Dieu, prends pitié du pécheur que
je suis ! » (Luc 18,13)
C’est la clef de cette
histoire.
A qui s’adressent ces deux
petits portraits ? Pas à nous, sans doute ! Mais, dit la première
ligne de cet Evangile, c’était « pour
certains hommes qui étaient convaincus d’être justes et qui méprisaient tous
les autres » (Luc 18,9).
L’humilité, cette vertu,
cette énergie intérieure qui vient de Dieu, que nous propose Jésus, n’est pas
du gnangnan qui consisterait à se
dévaloriser - en n’en pensant pas un mot, d’ailleurs - et qui est une belle
forme déguisée d’orgueil, pour s’entendre dire : « Non t’es pas comme
ça, tu as toutes les capacités pour… »
« Trop d’humilité est
demi orgueil » – dit le proverbe.
Il s’agit d’être vrai sur
soi-même. Le Publicain avait des raisons, de baisser la tête. Il l’a
fait : l’amour de Dieu l’a relevé.
On n’en raconte pas à Dieu,
qui « sonde les reins et les
cœurs » (Jérémie 11,20). La lucidité sur nous-mêmes, sur nos
générosités et nos faiblesses, nous permet de ne pas tomber dans ce que Jésus
dénonce chez le Pharisien : « Je ne suis pas comme les autres, donc
je les méprise. On vaut plus qu’eux. »
C’est bien vrai qu’on n’est
pas tous pareils, heureusement. On n’est pas égaux sur beaucoup de points, on
n’est pas tous doués, éduqués pareil. Mais, qui que nous soyons, quelques
soient nos situations - les pires soient-elles - nous avons la même et égale
dignité humaine. C’est fondamental. C’est vrai aussi dans l’Eglise concernant
notre égale et même dignité de Baptisés.
« L’humilité est
l’aspect le plus radical de l’amour », dit un grand spirituel, le Père
Varillon.
Un regard qui dit :
« Je vaux plus que toi » - ne peut dire : « Je
t’aime ».
Le Pape François disait
récemment : « L’humilité ne signifie pas avancer sur les routes les
yeux baissés, mais répandre tout au long de cette route de l’humilité - la
seule que Christ ait choisie - toute la charité de Dieu. »
« Je suis doux et humble de cœur. » (Matthieu 11,29)
Le Publicain est sorti grandi
- grand de l’humble reconnaissance de ce qu’il était et de son humble
prière : « Prends pitié du
pécheur que je suis. »
« La prière du pauvre traverse les nuées » (Ben Sirac 35,17). C’est la première lecture.
L’autre, le Pharisien, non.
La puissance vient du
pouvoir, de l’avoir, de la suffisance, de l’extérieur. La grandeur vient du
cœur, de la qualité intérieure, de ce que nous sommes.
« La grâce des grâces –
dit Bernanos – est de s’aimer humblement soi-même, comme n’importe quel membre
souffrant du Christ. »
« Deux hommes montèrent au Temple pour
prier. » (Luc 18,10)
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