Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson
En parlant de son papy décédé
il y a quelques semaines, un petit garçon demandait à sa maman :
« Dis, Maman, le Papy, c’est quand qu’il aura fini d’être
mort ? »
Quelle lourde et grande question
cet enfant portait dans sa tête, et surtout dans son cœur !
En ces jours de novembre, non
seulement on pense plus particulièrement à ceux qui nous ont quitté d’une façon
visible, on prie pour eux, on en fait le souvenir - comme demain, onze
novembre.
Mais nous sommes renvoyés aux
questions de fond qui habitent tout homme, croyant ou non :
- la mort, et après ?
- y a-t-il un après ?
- et puis, après tout, peu
importe. Que vais-je devenir ?
- que deviendront toutes ces
relations, d’amour, d’affection, partagée ?
Un sondage révélait qu’un
pourcentage non négligeable de chrétiens pratiquants ne croyait pas à la
résurrection. Ce n’est pas nouveau ! C’est l’Evangile de ce dimanche.
Des Juifs, qui eux aussi
pratiquaient la religion, les Sadducéens, prétendaient qu’il n’y a pas de
résurrection. Et ils posent la question à Jésus, par une histoire aussi
ridicule qu’invraisemblable, pour montrer que la résurrection c’est pas
possible et que c’est absurde d’y croire. « Si
un homme a un frère marié mais qui meurt sans enfant, qu’il épouse la veuve
pour donner une descendance à son frère. » (Luc 20,28) C’était la Loi
de Moïse, dans une société où la descendance, c’était primordial.
Mais « il y avait sept frères… » (Luc 20,30) – et ils épousent
successivement la même femme devenue veuve à chaque fois. C’est subtil, faut
suivre ! Ils moururent successivement les sept sans laisser d’enfant, et
la femme, veuve sept fois, mourut elle aussi, bien sûr !
Alors la question est
simple : « Comme les sept l’ont eue pour femme, s’il y a une
résurrection, de qui sera-t-elle l’épouse ? Ca peut pas marcher. »
Jésus, calmement, prend le
temps de répondre. Dessous les apparences d’une histoire, il y a de vraies
questions, qui sont encore celles d’aujourd’hui.
Dieu « n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants » -
répond Jésus (Luc 20,38). « Ne vous perdez pas en imagination et en
phantasmes pour savoir comment ça sera. Si Dieu est le Dieu des vivants, nous
serons vivants, ils sont vivants – c’est déjà pas mal. »
Mais - dit Jésus, ce sera
différent. C’est pas parce que c’est différent que ça n’existe pas, ce sera
autrement, et on peut être vivant de bien des manières, tout en restant
nous-mêmes.
C’est un peu comme si je me
disais : « Bien sûr, je crois à la résurrection - sinon je ne serais
pas là – mais est-ce que je vais ressusciter et passer mon éternité, avec mes
pontages, avec mon arthrose, mon mauvais caractère, et en plus avec untel - ou
une-telle - qui va continuer de m’énerver pour l’éternité ? C’est long,
comme disait quelqu’un – surtout vers la fin ! »
On voit bien, dans nos
sourires, que, comme les Sadducéens avec leur histoire, on est dans le délire.
Ce sera toujours moi, vous –
autrement – comme Jésus ressuscité se présente à ses amis, lui Jésus,
puisqu’ils le reconnaissant ; mais il est autrement, il n’a pas besoin
d’ouvrir une porte pour être là.
La chenille ne peut pas
s’imaginer qu’elle sera un beau papillon… pourtant ! La belle tulipe qui
s’ouvre au printemps, elle n’a pas le même aspect que le bulbe mis dans la
terre en novembre… pourtant ! Ce bel épis de blé doré de juillet n’a pas
grand-chose à voir avec ce grain qui a pourri tout l’hiver… Pourtant !
C’est la même vie.
Ce sont des comparaisons,
bien sûr. « Dieu est le Dieu des
vivants » - c’est le message de ce dimanche.
Une femme chirurgienne avait
réussi à recoudre le bras arraché d’un jeune garçon. Elle-même avait cinq
enfants. Elle en avait perdu un brutalement à quelques mois. On lui
demandait : « Pourquoi dites-vous que vous avez cinq enfants ? –
Mais Martin (celui qu’elle avait perdu), il existe, il est vivant. »
On lui disait aussi de donner
ce prénom de Martin aux garçons nés après lui. « J’ai toujours refusé –
dit-elle – parce que Martin existe, il est vivant. »
C’est l’écho à ce beau
témoignage de la première lecture : « Nous serons vivants pour une
vie éternelle » (cf. 2 Martyrs d’Israël 7,9) – disent les sept jeunes
frères martyrs.
On demandait une fois à un
prêtre de chez nous : « Qu’est-ce que tu vas dire au Seigneur quand
tu le rencontreras ? » Dans un sourire malicieux :
« Ah ! Je m’en doutais ! »
C’est un bel écho à ce que
disait Sainte Thérèse de Lisieux : « Je ne meurs pas, j’entre dans la
vie. » (Lettre 245)
« Notre Dieu est le Dieu des vivants. »
« Choisis la vie. » (Deutéronome 30,19)
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