Homélie Toussaint 2013
Carmel de Saint-Maur - Père
Maurice Boisson
Dans un petit village du Jura,
il y a quatre ans, un homme est mort. Il vivait seul. Les gens du village le
chahutaient un peu, se moquaient, le prenant pour un « pas bien
malin » ; mais il avait un grand cœur, toujours prêt à rendre un
service, à donner un coup de main ; un homme sans histoire, avec les
autres, serviable, cordial, un grand cœur, quoi, sous des apparences de
« pauvre type » - entre guillemets.
A son enterrement, quelques
personnes l’avaient accompagné, avec ses deux neveux qui lui restaient comme
famille. Trois semaines après, sur sa tombe de terre, au pied d’une simple
croix de bois, une plaque, sur laquelle on peut encore lire : « A
toi, notre oncle, « Pauvre type », mais « riche gars ».
Pauvre type… mais riche gars. On est au cœur de cette fête de la Toussaint, de
toutes celles et ceux qui sont heureux – dit Jésus – parce qu’il ont été de
riches gars et de riches femmes.
Ce brave oncle ne figure pas
sur la liste dans le calendrier des saints - comme d’ailleurs celles et ceux à
qui nous pensons aujourd’hui. Certes, ils n’étaient pas parfaits ! Mais ce
n’est pas pareil - être saint et être parfait, – d’ailleurs, ça ne va pas
souvent ensemble ! Etre saint c’est se laisser enrichir le cœur de la
richesse du Cœur de Dieu - même sans le savoir, et cela au creux même des
pauvres types ou des pauvres femmes que nous sommes ; comme Saint
François, Augustin, et les autres.
« Les saints ont mal
commencé - disait le Curé d’Ars – mais ils ont bien fini. » On a encore
des chances !
Riches gars, riches femmes
par leur cœur, c’est cette foule immense dont parle Saint Jean dans la première
lecture : « Ils ont traversé la
grande épreuve » (Apocalypse 7,14) – la traversée de la vie, plus ou
moins longue, plus ou moins secouée par des tempêtes de toutes sortes. Ce sont
celles et ceux que nous fêtons aujourd’hui.
Ne craignons pas de laisser
retentir à notre mémoire - à notre cœur surtout - tous ces visages burinés par
le travail, les soucis, les épreuves, la maladie ; visages éclairés des
moments de joie, d’affection, dont les traits sont marqués d’un bonheur ou
d’une souffrance, discrète, secrète. Ces visages où les rides – dont nous avons
si peur – ne sont plus un signe de déclin mais comme des craquelures d’une
chrysalide qui s’entrouvre à la vie.
« J’ai vu une foule immense » (Apocalypse 7,9) – dit Saint Jean ; foule de
gens non pas allongés dans la terre, mais debout, vêtus de blanc - de lumière-
devant Dieu.
« Jésus vit toute la foule qui le suivait » (Matthieu 5,1) : la première ligne de l’Evangile.
Le regard de Jésus perce les apparences des pauvres types et de ce que nous
sommes, pour faire apparaître la richesse que chacun porte en soi. Cette
richesse du cœur, c’est des traits de ressemblance à Dieu.
Alors vous êtes heureux si vous êtes désemcombrés de
vous-même et de vos bricoles pour faire un peu de place aux autres, à
l’essentiel… les pauvres de cœur
(Matthieu 5,3).
Heureux…
- si vous avez le cœur gros
de la peine des autres – les miséricordieux,
Dieu est comme ça ;
- tous les raccommodeurs
d’existence déchirée par la méchanceté et la bêtise – les doux – les faiseurs de paix ;
- toi qui pleures parce que les morsures de la vie te donnent
quelques raisons, de pleurer, souvent en secret. Dieu essuie tes larmes ;
- heureux si tu restes
honnête et droit dans les injustices et la magouilles ;
- réjouissez-vous de toutes
ces richesses de votre cœur. Dieu est
comme ça. Vous êtes sur un chemin de bonheur, dès maintenant, même si on se
moque de vous et qu’on vous prend pour des pauvres types - comme l’oncle -
parce que vous n’êtes pas conformes à la pensée et au mode de vie unique. Vos
visages, vos cœurs, ont ces traits de Dieu.
« Ce n’est pas étonnant
– dit Saint Jean dans la deuxième lecture – nous sommes appelés enfants de Dieu – et nous le sommes dès maintenant »
(cf. 1 Jean 3,1).
La Toussaint n’évoque pas
forcément la grisaille, la tristesse - « un temps de Toussaint » -
mais plutôt un ciel étoilé. On ne peut pas compter les étoiles. Certaines brillent
plus que d’autres, elles ont même un nom : les saints officiels du
calendrier – mais toutes les étoiles envoient leur lumière. S’il n’y avait dans
ce ciel que des étoiles qui ont un nom, le ciel serait bien vide et
triste !
Ils envoient leur lumière,
les parents, les proches, les amis, le mari, l’épouse, l’enfant - l’oncle de
tout à l’heure. C’est l’Amour aux cent, aux mille visages, immense fresque de
richesses du cœur – on l’a chanté au début – ce meilleur du cœur de chacun qui
ne peut mourir parce que c’est aussi le meilleur de Dieu, si on peut dire. « Riche
gars, riche femme, je te reconnais, tu as des traits de moi… alors, heureux si vous essayez de me
ressembler, « votre récompense sera
grande dans les cieux » (Matthieu 5,12). Beau programme !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire