Père Maurice Boisson
Ce n’est pas toujours facile
de vivre ensemble. C’est peut-être encore moins facile de jouer à Robinson
Crusoé sur une île. Nul n’existe seul, pour soi seul, avec soi seul.
Dieu nous a créés à son image
et à sa ressemblance, en relation. Dieu est relation, famille, amour, et non
pas « le grand solitaire des mondes ».
Nous sommes faits pour être
en relation, même au-delà de la mort ; ça s’appelle la Communion des saints. Nous sommes faits
pour vivre ensemble.
Mais que d’obstacles sur ce
chemin ! Des obstacles dans nos propres cœurs, toujours tentés de
méchanceté, de jalousie, de vengeance, d’orgueil… des mêmes obstacles dans le
cœur des autres, des obstacles d’un environnement de pensées et de modes de vie
qui poussent à l’individualisme, à s’enfermer sur ses propres intérêts.
Dès l’origine, ce n’est pas
facile : déjà, Adam et Eve se rejettent la faute ; dès qu’il y a eu
deux frères, Caïn tue Abel… Jusqu’à aujourd’hui et sans doute jusqu’à la fin du
monde.
Si notre humanité, et nos
cœurs, recherchent et désirent le bien, la paix, l’amour, l’esprit mauvais est
toujours prêt à semer la zizanie, l’ivraie, dans le champ du monde.
D’où l’insistance du désir de
Dieu, exprimée dans la vie et le message du Christ : nous faire grandir
les uns les autres dans les relations fraternelles, faire grandir notre monde
dans l’entente et la paix, parce que c’est ce qui sera au final.
C’est l’insistance de
l’Evangile de ce dimanche (Matthieu 18,15-20) concernant les communautés d’Eglise
- des disciples du Christ qui se réunissent au nom de Jésus, qui prient le notre
Père, cette prière qui nous fait frères et sœurs, et qui ont reçu le
message de s’aimer les uns les autres comme Il nous a aimés.
Les paroles de Jésus dans cet
Evangile sont difficiles ; Saint Matthieu, qui les rapporte, s’adresse à
des communautés qui vivent les difficultés du vivre ensemble.
« Si ton frère ou ta
sœur, commet un péché – il ne s’agit pas d’une bricole, mais d’un acte sérieux
qui peut mettre en danger sa vie et atteindre la communauté – parle-lui seul à seul. Pas devant les
autres, pas en le dénonçant, pas en réglant des comptes, pas en le racontant à
tous, mais dans la discrétion et le respect. S’il t’écoute, tu auras gagné ton frère (Matthieu 18,15). »
Il ne dit pas : ‘tu
auras gagné sur ton frère’ ; il
n’y a pas de gagnant, mais un chemin s’ouvre dans la cœur de chacun.
La démarche peut être aussi
dans l’autre sens : « Si toi, tu viens à pécher, à t’égarer
sérieusement, accepte que l’autre te parle. » Un chemin possible dans la
patience, le soutien mutuel, peut-être avec d’autres, jamais dans le jugement
ou la condamnation, mais dans l’accueil de la miséricorde et du pardon, comme
le Publicain de Jésus qui est remis dans la relation et l’amour de Dieu.
On peut mal interpréter ces
paroles de Jésus ; elles ne sont pas un argument donné aux redresseurs de
torts en tous genres, toujours aux aguets de la moindre petite erreur ou de la
petite paille dans l’œil de l’autre.
C’est la présence du Christ
au milieu de nous qui est source de charité. « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au
milieu d’eux » (Matthieu 18,20).
Cette attitude dans nos
relations est bien exprimée par Saint Paul dans la deuxième lecture : « Ne gardez aucune dette envers personne, sauf la dette de l’amour
mutuel (qu’on doit toujours à l’autre)
– car celui qui aime les autres, dit Saint Paul, à parfaitement accompli la volonté et le désir de Dieu »
(Romains 13,8).
L’accomplissement parfait de
cette volonté est l’amour. Nous sommes confiés les uns aux autres pour nous
aider à grandir dans cet amour, et pas à nous casser ou nous abimer. C’est un
chemin de conversion mutuelle que nous sommes invités à ouvrir dans nos cœurs.
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