Père Maurice Boisson
Il ne nous viendrait pas à
l’idée de porter autour du cou une petite guillotine, une petite chaise
électrique ou tout autre instrument de mort et de souffrance. Pourtant, on aime
bien porter une croix, même si on n’est pas croyant ; on en met dans nos
maisons, on en rencontre le long des chemins, et, bien sûr, sur nos propres
chemins de vie ; et la croix est bien un instrument de mort et de
supplice, pour punir, au temps de Jésus, les esclaves, les brigands, les
résistants au pouvoir de l’occupant.
De plus, en ce dimanche, nous
faisons la fête à cette croix et nous l’appelons « glorieuse », signe
de gloire et d’admiration.
Comment un tel outil de
torture peut-il être louable ? Qu’est-ce que je pouvais dire récemment à
Chantal et à Bernard, pleurant de grande souffrance devant la mort de leur
petit, et disant : « Comment qu’on va pouvoir supporter cette
croix ? » Et j’entends aussi, il y a peu, Denis, la quarantaine,
venant de perdre son épouse après une maladie qui avait été un véritable chemin
de croix. Denis me disait : « C’est la foi, c’est l’espérance, qui
nous ont fait tenir. Nous passons par la croix, mais elle débouche sur la
résurrection et la vie. » Et il y a eu ce beau mot qui résume tout :
« C’est l’expérience de l’amour. »
On est au cœur de la fête de
ce dimanche et surtout au cœur de la réalité humaine qui nous atteint le
plus : la souffrance, la vie, l’amour, les croix, les résurrections…
Dans toutes ces expériences
de vie où on ne peut pas se payer de mots et de beaux discours, mais seulement
regarder la Croix du Christ, comme les Hébreux, dans la première lecture
(Nombres 21,4b-9), regardaient le serpent d’airain pour être guéris des
morsures du serpent – regarder d’un regard d’accueil la Croix du Christ, lui
montrant et lui présentant nos morsures de la vie.
On ne peut souvent
qu’accueillir et prêter l’oreille, au plus profond de nous-mêmes, à un murmure
d’une source, à un secret de tendresse bienfaisant. La Croix du Christ
instrument de souffrance devient cet arbre mort dans lequel la vie reprend et
sur lequel quelques pousses apparaissent, parfois timidement, mais sûrement ;
comme dans la peine, l’inquiétude, l’espérance, l’intuition et la rencontre de
Marie Madeleine un beau matin de dimanche après un vendredi de souffrance. Le
tombeau est vide. Il ne s’agit pas de nous complaire dans la souffrance, ni de
nous trouver bien sur nos croix, ni d’en rajouter, ni d’en chercher :
elles arrivent bien. Il s’agit de combattre toutes sortes de mal, de
souffrance.
Vous croyez, vous, en un Dieu
qui a créé ces humains, ces enfants, pour qu’ils soient malheureux, pour qu’ils
souffrent pour mériter, comme on dit, une place dans sa maison ? Dieu n’a
pas donné raison à la souffrance ni à la Croix, mais il a donné raison à
l’Amour, par la croix du Christ, cette croix que le don de la vie du Christ
rend glorieuse.
« Il n’y a pas de plus grand amour que de donner
sa vie pour ceux qu’on aime »
(Jean 15,13).
Il nous aime jusqu’au bout.
C’est en donnant raison et le dernier mot à l’amour que Dieu transforme la
Croix du Christ - nos croix - en instruments de victoire. Nos croix restent des
croix ; la vie germe à l’intérieur parce que le Christ a injecté en ce
bois la sève de l’amour et de la vie.
« Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son
Fils. Celui qui croit aura la vie. » C’est l’Evangile (Jean 3,13-17).
La Croix Glorieuse est le
témoin qu’il n’y a pas de Vendredi Saint sans que l’aube de Pâques ne se lève.
Pour rester dans l’esprit de
la fête du Carmel d’hier (nous avons fêté le 400e anniversaire de la
fondation de premier Carmel de Franche-Comté à Dole), laissons-nous habiter par
l’expérience de Saint Jean de la Croix : « J’ai vu ta Croix, ô
Christ, j’y ai lu le chant de ton amour. »
Que les croix que nous
portons sur nous ou qui ornent notre environnement, nous rappellent l’Absolu
Amour vers lequel nous devons tendre.
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