dimanche 5 octobre 2014

Homélie 27e dimanche A – 2014 -

Homélie 27e dimanche A – 2014 - Carmel de Saint-Maur -
Père Maurice Boisson

Depuis une semaine, les vendanges sont finies dans notre vignoble, mais pas celles de la vigne du Seigneur ; en ce dimanche, on y est toujours ! D’autre part, il semble que dans cette vigne du Seigneur, ça se passe mal, alors que les vendanges sont habituellement un moment joyeux et festif de convivialité.

Là, dans ce récit, les fermiers à qui le propriétaire de la vigne en a confié le soin, refusent de lui rendre la récolte. En plus, ils tuent les ouvriers qui viennent chercher la vendange, et, le comble, ils tuent le fils du maître du domaine : « Voici l’héritier, tuons-le, nous aurons l’héritage ! » (Matthieu 21,38)

Que s’est-il donc passé ? Comme scènes de vendanges, il y a mieux !

Cette histoire que Jésus raconte aux chefs religieux du peuple – les fermiers – évoque bien sûr la vigne du Seigneur : le peuple qu’il s’est choisi, dont il prend soin, qu’il a libéré de l’esclavage. C’est la première lecture : Dieu attendait de cette vigne, de son peuple, « de beaux raisins, mais elle en donna de mauvais » (Isaïe 5,2).

Ce peuple est infidèle, il s’est tourné vers les idoles, ingrat à l’amour de Dieu, ils ont tué les prophètes, envoyés de Dieu. Ils tueront son propre Fils, le Christ. Mais la vigne redonnera de beaux fruits chez tous les peuples, dans le monde.

Ce qui s’est passé : les fermiers à qui Dieu a confié la vigne pendant son absence, ils s’en sont accaparés, ils ont voulu en être propriétaires, jusqu’à tuer l’héritier. Le bien de Dieu devenait leur bien dont ils jouissaient à leur guise, sans référence au propriétaire.

L’Evangile est toujours actuel – on le disait hier : il n’y a pas à chaque page une date de péremption qui le rendrait périmé et inutilisable.

La vigne du Seigneur, c’est le monde, la vie, c’est nous, ce sont tous les éléments qui entrent dans la composition de l’existence, tous les biens que Dieu nous confie, confie aux hommes pour que ces biens donnent de belles et bonnes vendanges pour le bien de l’humanité.

Si nous agissons comme les fermiers, en voulant nous approprier cette vigne, en faire notre propriété, notre domaine pour en faire ce qu’on veut, si c’est à nous, alors allons-y, on va faire pousser des pommes de terre sur les pieds de vigne, si c’est plus rentable, pourquoi pas ?

Si nous cultivons le domaine sans référence au maître du domaine, qui l’a planté, qui sait ce qu’il y a mis et comment le travailler pour qu’il ne soit pas envahi de ronces et d’épines – c’est encore la première lecture (cf. Isaïe 5,6) -  si nous nous considérons comme propriétaires et non comme gérants des biens confiés, on risque la friche, car chacun cultivera selon son intérêt, son caprice, son désir, et pas selon l’idée du maître qui a souci des biens de tous.

Cet Evangile nous alerte sur la tentation de nous approprier la vigne de Dieu : de vouloir devenir propriétaire de la vérité, de la religion, de la vie, de l’amour, de ma mort, de la vie ensemble, de la création, des personnes. C’est un bien commun, qui est confié à tous et pour tous. Rien n’est notre propriété, pas même nous-mêmes. Ce qui nous appartient, c’est de faire produire du bien de ce qui nous est confié.

La vie, à quelque étape de l’existence, n’est pas notre propriété qui permettrait d’en faire ce qu’on veut. Ce n’est pas la propriété de la politique, ni de la finance, ni d’intérêts plus ou moins égoïstes.

Cette vigne ne peut se gérer à notre guise, sans d’autres références que celle de notre désir, de notre intérêt immédiat, de l’air du temps, mais nous avons à la travailler, cette vigne.

Celui qui nous la confie ne nous rend pas esclaves, il nous indique des balises de direction, quelques sens à emprunter et à éviter pour ne pas aller à la catastrophe ; au fond, c’est pour notre liberté, pour que nous soyons libres d’aller vers ce pour quoi et pour qui nous sommes faits.

Un jour, et c’est l’espérance active des amis du Christ, au cœur de notre monde, nous lui remettrons les belles et bonnes vendanges de l’humanité pour le vin du Royaume éternel.

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