Père Maurice Boisson
Depuis une semaine, les
vendanges sont finies dans notre vignoble, mais pas celles de la vigne du
Seigneur ; en ce dimanche, on y est toujours ! D’autre part, il
semble que dans cette vigne du Seigneur, ça se passe mal, alors que les
vendanges sont habituellement un moment joyeux et festif de convivialité.
Là, dans ce récit, les
fermiers à qui le propriétaire de la vigne en a confié le soin, refusent de lui
rendre la récolte. En plus, ils tuent les ouvriers qui viennent chercher la
vendange, et, le comble, ils tuent le fils du maître du domaine : « Voici l’héritier, tuons-le, nous
aurons l’héritage ! » (Matthieu 21,38)
Que s’est-il donc
passé ? Comme scènes de vendanges, il y a mieux !
Cette histoire que Jésus
raconte aux chefs religieux du peuple – les fermiers
– évoque bien sûr la vigne du Seigneur : le peuple qu’il s’est choisi,
dont il prend soin, qu’il a libéré de l’esclavage. C’est la première
lecture : Dieu attendait de cette vigne, de son peuple, « de beaux raisins, mais elle en donna
de mauvais » (Isaïe 5,2).
Ce peuple est infidèle, il
s’est tourné vers les idoles, ingrat à l’amour de Dieu, ils ont tué les prophètes,
envoyés de Dieu. Ils tueront son propre Fils, le Christ. Mais la vigne
redonnera de beaux fruits chez tous les peuples, dans le monde.
Ce qui s’est passé : les
fermiers à qui Dieu a confié la vigne pendant son absence, ils s’en sont
accaparés, ils ont voulu en être propriétaires, jusqu’à tuer l’héritier. Le
bien de Dieu devenait leur bien dont ils jouissaient à leur guise, sans
référence au propriétaire.
L’Evangile est toujours
actuel – on le disait hier : il n’y a pas à chaque page une date de péremption
qui le rendrait périmé et inutilisable.
La vigne du Seigneur, c’est
le monde, la vie, c’est nous, ce sont tous les éléments qui entrent dans la
composition de l’existence, tous les biens que Dieu nous confie, confie aux
hommes pour que ces biens donnent de belles et bonnes vendanges pour le bien de
l’humanité.
Si nous agissons comme les
fermiers, en voulant nous approprier cette vigne, en faire notre propriété,
notre domaine pour en faire ce qu’on veut, si c’est à nous, alors allons-y, on
va faire pousser des pommes de terre sur les pieds de vigne, si c’est plus
rentable, pourquoi pas ?
Si nous cultivons le domaine
sans référence au maître du domaine, qui l’a planté, qui sait ce qu’il y a mis
et comment le travailler pour qu’il ne soit pas envahi de ronces et d’épines –
c’est encore la première lecture (cf. Isaïe 5,6) - si nous nous considérons comme propriétaires
et non comme gérants des biens confiés, on risque la friche, car chacun
cultivera selon son intérêt, son caprice, son désir, et pas selon l’idée du
maître qui a souci des biens de tous.
Cet Evangile nous alerte sur
la tentation de nous approprier la vigne de Dieu : de vouloir devenir
propriétaire de la vérité, de la religion, de la vie, de l’amour, de ma mort,
de la vie ensemble, de la création, des personnes. C’est un bien commun, qui
est confié à tous et pour tous. Rien n’est notre propriété, pas même
nous-mêmes. Ce qui nous appartient, c’est de faire produire du bien de ce qui
nous est confié.
La vie, à quelque étape de
l’existence, n’est pas notre propriété qui permettrait d’en faire ce qu’on
veut. Ce n’est pas la propriété de la politique, ni de la finance, ni
d’intérêts plus ou moins égoïstes.
Cette vigne ne peut se gérer
à notre guise, sans d’autres références que celle de notre désir, de notre
intérêt immédiat, de l’air du temps, mais nous avons à la travailler, cette
vigne.
Celui qui nous la confie ne
nous rend pas esclaves, il nous indique des balises de direction, quelques sens
à emprunter et à éviter pour ne pas aller à la catastrophe ; au fond,
c’est pour notre liberté, pour que nous soyons libres d’aller vers ce pour quoi
et pour qui nous sommes faits.
Un jour, et c’est l’espérance
active des amis du Christ, au cœur de notre monde, nous lui remettrons les
belles et bonnes vendanges de l’humanité pour le vin du Royaume éternel.
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