Carmel de Saint-Maur (Jura) Père Guillaume Dehorter
Quelle est-elle cette eau dont
la soif nous étreint au plus secret du cœur, cette eau dont la découverte a
bouleversé la Samaritaine ? Chacun de nous le sait ou cherche à le savoir,
à moins que blasés ou soucieux, nous en ayons perdu le goût. Que la fête de ce
jour nous en redonne le désir et la force : c'est ce que je souhaite à
chacun d’entre vous !
Cette pluralité des désirs qui
l’habitent va ainsi la conduire à découvrir une présence plus profonde encore,
celle de Dieu en nous. Thérèse exprima magistralement cette base de notre foi avec
l’image d’un château. Nous sommes un château aux nombreuses demeures, dans la
plus profonde desquelles réside un Roi. Le parcours menant à sa rencontre
constitue l’aventure de notre vie spirituelle. Ce Roi, c'est Jésus et cette
rencontre, c'est l’oraison, l’expérience de la prière silencieuse, chemin de
méditation et de connaissance de soi, chemin de foi pour regarder le Maître,
chemin de silence pour l’écouter et lui parler, chemin de dialogue avec l’ami
qui nous enseigne à dire « oui » au Père, avec liberté et
persévérance. L’oraison, c'est cela et bien plus encore : celle de
demander à Jésus l’eau apaisante du salut et celle d’entendre Jésus nous
demander à boire, l’hospitalité de notre amour, de notre foi.
L’eau est aussi celle qui lave
et purifie et l’eau sur laquelle nous méditons, celle de la conversion. La vie
de Thérèse d’Avila est une aventure de conversion, de découverte existentielle
de la miséricorde du Seigneur et d’un ajustement toujours plus profond à la volonté
de Dieu. Thérèse est pour cela marquée par un sens aigu du primat de l’action
de Dieu dans notre vie sans pour autant négliger la nôtre. La vie chrétienne se
joue dans une synergie subtile que Thérèse résume ainsi : « faire le
peu qui dépend de nous. »
Pour cela, elle n’aura de
cesse de chanter la miséricorde à l’œuvre dans sa vie dont les limites ne sont
que celles qu’y met notre manque de confiance. Pour cela, Thérèse insistera sur
les moyens nécessaires pour laisser agir la miséricorde. « Oraison et
mollesse ne vont pas bien ensemble ». Et de préciser une triade de
vertus : l’amour fraternel, l’humilité et le détachement. Libre pour
aimer, dire oui et rendre grâce, voilà la condition d’une vie donnée au
Seigneur : tel est aussi le message de Thérèse.
L’eau, enfin, est celle qui,
jaillissant de la source, devient fleuve et conduit à la mer. Célébrer les
cinq-cents ans de sainte Thérèse, c'est s’en reconnaître héritier, un peu comme
le fleuve vis-à-vis de la source. Cela nous remplit d’un double sentiment.
D’une part, nous rendons grâce pour celle qui nous a transmis un esprit et une
manière de vivre l’évangile : le sens de la présence de Dieu, la prière
comme rencontre avec l’ami, Jésus, une certaine pratique de l’ascèse, une vie
fraternelle empreinte de simplicité et de joie. D’autre part, nous sommes
conscients de la responsabilité de faire fructifier cet héritage pour toute
l’Eglise et de faire goûter à tous l’eau toujours fraîche de la source. La
Règle du Carmel et la manière que nous donne Thérèse d’en vivre ne consistent
pas tant en un chemin déjà tracé qu’en un horizon qui nous oriente, celui de la
sainteté et de la connaissance du Dieu vivant ! Pour cela, « Mère
Thérèse » nous lègue le sens d’une vie donnée à Dieu. Une vie pour dire
Dieu aussi, car Thérèse eut le don non seulement de prendre conscience des
grâces reçues mais aussi de savoir les dire et les écrire. Dire Dieu, ses
manières de faire dans nos vies, voilà une tâche des héritiers de sainte
Thérèse au service de la nouvelle évangélisation. Que l’Esprit Saint, autre
symbole de l’eau dans l’Ecriture et, au fond, le seul légataire autorisé de
l’héritage, nous soit donné pour cela en abondance. Amen
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