400 ans du Carmel en
Franche-Comté
13 septembre 2014 en
la Collégiale de DoleJn 3, 13-17
Au petit matin en effet, elle a
quitté la maison familiale alors que tout somnolait.
Elle n’a que
9 ans, et avec son petit frère elle a pris résolument le chemin du Sud. Elle a
entendu parler les adultes autour d’elle, elle a entendu que des pirates
sanguinaires mettent à mort ceux qui se perdent dans le sud de son pays,
l’Espagne. Elle a donc pris la route seule avec son frère pour mourir martyre.
Pourquoi voulait-elle mourir ? « Je veux voir Dieu », telle a été la réponse de
celle que l’Eglise connaît sous le nom de Thérèse d’Avila, sainte et docteur de
l’Eglise, mais surtout pour nous aujourd’hui
refondatrice du Carmel.
1-
Thérèse
d’Avila est née en 1515 en Espagne. Dans une famille profondément croyante.
Dans la famille, on échange des livres sur la vie de prière.
Thérèse est habitée par le désir
de Dieu et même une vie de mondanité à l’adolescence ne l’empêche pas, à 20
ans, d’entrer au couvent du Carmel de l’Incarnation dans la ville d’Avila.
2- Thérèse veut voir Dieu. Elle a 43 ans. Plus
de temps à perdre. C’est le début d’un chemin de renouveau.
3-Car si sainte Thérèse veut voir Dieu, la
conviction de notre Eglise, de l’Evangile, c’est que tout homme est fait pour
voir Dieu.
+ Vincent
Jordy
Elle pense
pouvoir y trouver le milieu porteur pour trouver Dieu. Car le Carmel ce n’est
pas n’importe quoi. Il est né quelques siècles plus tôt en Terre Sainte. Au
début du XIIIème siècle, des ermites chrétiens demandent à l’évêque de
Jérusalem une règle de vie pour chercher Dieu dans la solitude et la méditation
de la Parole de Dieu jour et nuit.
Ces ermites s’installent sur le
Mont Carmel, là où vécut des siècles plus tôt le prophète Elie. Ils se mettent
aussi sous la protection de la Vierge Marie, la femme forte et douce qui
conduit à Jésus. Ils sont chassés de Terre Sainte en raison de l’avancée de
Saladin. Ils s’embarquent pour l’Europe où ils vont essaimer. C’est au XIVème
siècle que des femmes vivant en Bretagne, en communauté priante, vont reprendre
la règle du Carmel : c’est la naissance du Carmel féminin que sainte Thérèse
rejoint à Avila.
Pourtant cela ne va pas répondre
à son désir profond de trouver Dieu, de voir Dieu.
En effet,
l’ordre du Carmel qu’elle rejoint s’est parfois éloigné de l’exigence de la
règle des origines : le silence, la solitude, le recueillement ne sont pas
toujours vécus avec suffisamment d’exigence. Thérèse va alors vivre près de
vingt ans dans une certaine tiédeur avant de vivre une vraie conversion à l’âge
de 43 ans, en contemplant une statue du Christ souffrant sa passion.
En effet, ayant vécu cette
conversion intérieure, elle comprend que Jésus la veut toute à lui, mais les
conditions de vie dans son couvent ne le permettent pas. Elle décide donc de
réformer son Carmel, de revenir aux intuitions d’origine, à une radicalité
amoureuse dans la solitude, la prière, mais avec un vrai souci d’une vie
fraternelle. Elle rencontre à ce moment-là un jeune Carme, saint Jean de la
Croix, qui partage ses intuitions et avec lequel elle va entreprendre cette
réforme spirituelle qui va se développer finalement dans toute l’Espagne et en
Europe et dont le but est de prier pour l’Eglise.
Thérèse
meurt en 1582, ses écrits sont publiés en 1586 et arrivent en France, où on les
lit jusqu’à la cour. L’expérience de Thérèse touche des hommes et des femmes
qui eux aussi veulent « voir Dieu », s’unir à lui dans la prière, le silence
intérieur. C’est ainsi que les Carmélites arrivent en France en particulier
grâce à Mme Acarie, à qui sainte Thérèse s’était manifestée au cœur d’un songe.
Les Carmélites réformées arrivent ainsi dans toute l’Europe, dont la
Franche-Comté en 1614.
Il y aura jusqu’à cinq couvents
dans notre région jusqu’à la Révolution et la fondation du Carmel de Lons-le-Saunier
en 1863, qui permet au diocèse de Saint-Claude de bénéficier de la présence du
Carmel. Aujourd’hui, nous le savons, dans un souci d’avoir les meilleures
conditions pour mener leur vie de silence et de solitude, nos sœurs sont à
Saint-Maur où elles prient et intercèdent.
Sainte Thérèse d’Avila voulait
voir Dieu, s’unir à lui dans l’amour. Elle a témoigné de son expérience, elle
nous partage aujourd’hui encore ce chemin par ses sœurs présentes au milieu de
nous.
N’est-ce pas le cœur de la
révélation biblique en effet ? Dieu nous a créés par amour, à son image et à sa
ressemblance, et il souhaite nous partager sa vie, jusque dans l’éternité.
C’est bien pourquoi Jésus dans
l’Evangile nous invite à être unis à lui comme il est uni avec son Père.
C’est bien pourquoi saint Paul
nous rappelle que notre but, « il est au ciel, non sur la terre ». Et si la foi
naît bien de l’écoute de la Parole, l’apôtre saint Jean nous invite à
contempler le Christ, à regarder Jésus pour vivre de lui et pouvoir le
contempler, goûter
sa présence
un jour dans la vie éternelle.
C’est pourquoi Thérèse d’Avila,
comme tous les saints et les amis de Dieu, a découvert ce qui est le cœur de la
vie chrétienne : oui, notre but est de voir Dieu et de nous y préparer ici et
maintenant. Cela ne nous éloigne pas de la réalité, du concret de l’existence ;
bien au contraire, cela permet au croyant de vivre sa vie avec la force que
donne l’espérance de voir au-delà des épreuves.
Reste à savoir comment voir
Dieu, ici et maintenant, pour nous préparer à le voir un jour dans la vie
éternelle. Sainte Thérèse d’Avila nous donne un chemin qui s’enracine dans la
prière, la vie d’oraison, la méditation de la Parole de Dieu, très
certainement. Saint Jean de la Croix l’éclaire aussi par le mystère de la Croix
que nous célébrons aujourd’hui. Jésus, pour aller vers le Père, s’est laissé
dépouiller ; pour aller vers Jésus et par lui vers le Père, notre chemin est
aussi celui du dépouillement. Non pas d’abord celui que nous choisissons, mais
celui que la vie mystérieusement opère en nous, pour nous rendre plus libres.
De ce mystère, mes sœurs, vous
êtes les témoins. Nous rendons grâce pour votre présence au cœur de notre
diocèse. Je sais combien, dans de nombreuses lettres de confirmands, le passage
par le Carmel, votre témoignage, donne une lumière essentielle.
Je sais
combien votre intercession, votre prière, est précieuse pour tous ceux et
toutes celles qui se confient à vous. Je sais combien votre monastère est un
havre de paix et de repos pour ceux qui cherchent Dieu parfois à tâtons,
parfois dans la lumière.
Au nom de
notre communauté diocésaine, je rends grâce pour votre présence et demande au
Seigneur que votre présence continue ainsi de produire du fruit pour la gloire
de Dieu et le salut du monde.
Amen.
Evêque de
Saint-Claude
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