Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson
Parler d’impôts est un sujet
à haut risque ! Surtout actuellement ! C’était déjà vrai au temps de
Jésus ! « Est-ce qu’il faut payer les impôts à César (l’empereur
occupant le pays) ? » Une question perverse, pour prendre Jésus au
piège tendu par les Pharisiens - les notables - qui s’étaient fait accompagner
pour le coup par quelques partisans d’Hérode représentant le pouvoir
d’occupation.
Un piège amorcé par le miel,
la flatterie, les compliments ; on connaît aussi ! « Toi qui es
toujours vrai, toujours le meilleur, qui ne t’occupes pas de l’opinion des uns
et des autres ! Qu’est-ce que tu en penses ? Est-il permis, oui ou non, de payer l’impôt à l’empereur ? (Matthieu
22,17) »
Si Jésus répond « non » :
les collaborateurs du pouvoir occupant - qui sont là - auront vite fait de le
dénoncer comme résistant et de l’arrêter ; s’il répond « oui, on
peut », Jésus perd toute crédibilité devant le peuple qui voyait en lui un
Messie libérateur des Romains. Un coup bien monté.
La réaction est rapide et
vive : « Hypocrites ! »
(Matthieu 22,18)
Etre chrétien ne veut pas
dire être naïf, faible, et se laisser avoir.
« Montrez-moi une pièce
de monnaie. De qui est l’image gravée dessus ? - De l’empereur. –
Alors, rendez-lui ce qui lui appartient ! Et rendez à Dieu ce qui est
à Dieu. »
De cette réponse, passée dans
le langage courant, sans qu’on sache bien ce qu’elle veut dire ni d’où elle
vient, on ne retient souvent que la première partie, sans citer la
deuxième : « Rendez à Dieu ce
qui est à Dieu » (Matthieu 22,21). Et on se sert de cette première
partie de phrase pour séparer ce qui relève du pouvoir politique et ce qui est
de l’expression de la vie de la foi, rejetée dans le domaine privé.
L’effigie de la pièce de
monnaie est celle de César, l’empereur ; elle peut être celle d’une
république, d’un pays ou de l’union de plusieurs pays. Rendons ce qui
appartient à tous, à tous.
Mais l’image de la pièce
qu’on doit rendre à Dieu, elle est où ? Elle est en chaque être humain -
fait à son image.
Toute personne humaine est à
l’image, à l’effigie de Dieu. Alors, rendons à Dieu ce qui est à Dieu : la
dignité absolue de chaque personne humaine et tout ce qui touche à cette
dignité dans les différents aspects et étapes de son existence. Chaque page
d’Evangile est une page d’actualité.
Ce qui revient à Dieu, ce que
nous lui devons, n’est pas enfermé dans ce qu’on appelle – à tort – le
spirituel. Le spirituel est lui-même charnel. La vie chrétienne n’est pas
cantonnée dans les sacristies, les églises ou les réunions : son lieu de
vie est la vie, lieu de la présence de Dieu et du salut, la vie personnelle,
collective, sociale, économique, familiale, etc.
Nous avons à rendre ce qui
appartient à Dieu, et à l’humanité, sans rien imposer à personne, mais en
contribuant et en participant à la recherche, au débat, aux solutions, de tout
ce qui touche à la personne humaine, image de Dieu, et à la vie ensemble,
avenir de l’humanité.
Ces lignes de force, qu’on a
peut-être tendance à oublier, sont celles du Concile Vatican II, exprimées et
mises en œuvre par le Pape Paul VI - déclaré aujourd’hui Bienheureux. Paul VI a
été un artisan du dialogue, de la « conversation » - disait-il – de
l’Eglise avec le monde. Il nous a invités à regarder et à aimer le monde
« comme il est » - dit le Pape François.
Aimer quelqu’un, même s’il
n’est pas comme on le souhaiterait, n’est pas le rejeter, ni s’en isoler –
c’est être « avec » - pas « comme » -, pour l’aider à
grandir en humanité.
En ce jour de béatification
de Paul VI, et de prière pour les missions, nous pouvons réentendre et nous
réapproprier les premières lignes de la déclaration de Vatican II sur
« L’Eglise dans le monde de ce temps » (Gaudium et Spes, 1965,
n°1) :
« Les joies et les espoirs, les tristesses et
les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui
souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses
des disciples du Christ, et il n'est rien de vraiment humain qui ne trouve écho
dans leur cœur. Leur communauté, en effet, s'édifie avec des hommes, rassemblés
dans le Christ, conduits par l'Esprit Saint dans leur marche vers le royaume du
Père, et porteurs d'un message de salut qu'il faut proposer à tous. La
communauté des chrétiens se reconnaît donc réellement et intimement solidaire
du genre humain et de son histoire. »
N'oublions pas les impôts… mais
n’oublions pas de rendre à Dieu ce qui est à Dieu.
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