Homélie du 1er Dimanche de Carême
Carmel de Saint-Maur — Père Maurice Boisson
C’est
pourtant vrai ! Jésus a bien été tenté, comme nous ! Il a aussi ressenti en lui
ces appels, ces pressions à faire le contraire des désirs de Dieu, de son Père.
Il a été tenté, au début de sa mission, de faire le contraire de ce pourquoi il
était envoyé. Il a tenu tête aux propositions sournoises et attirantes du
tentateur. « Il a vécu notre condition d’être humain en toutes choses,
excepté le péché » (Prière Eucharistique n°4). Il nous dit que les forces
du Mal ne seront jamais victorieuses. Nous le fêterons à Pâques.
C’était
dans le désert, juste après avoir entendu la déclaration d’Amour de son Père :
« Tu es mon Fils bien-aimé ». Elle résonne encore à ses oreilles. Il
sentait son coeur tout plein de cet Amour qui allait guider sa vie. C’est à ce
moment qu’il rencontre le « contre-Amour »,
« l’anti-Amour », le tentateur qui voulait diviser, dissocier le Fils
du Père. Il voulait couper le lien de l’Amour et de la confiance, c’est le
diviseur ! C’était déjà pareil à la première tentation de nos premiers ancêtres
: « Ne l’écoute pas (Dieu) et tu verras, tu seras comme lui ! »…
séparer l’homme de Dieu.
Nos
affrontements au mal se logent souvent au coeur-même de nos générosités, de nos
désirs de Dieu et d’aimer, qui ne plaisent pas du tout à celui qui est le
contre-Amour !
C’était
dans le désert. Ce n’est pas loin, le désert ! C’est souvent en nous-mêmes.
Notre espace intérieur peut être à la fois sable de Dieu et sable du tentateur.
Les deux nous y rendent visite. Ils sont sûrs de nous trouver dans nos
générosités comme dans nos fragilités. L’expérience du désert peut être ces
moments d’aridité, de sec, de soif intérieure, de solitude, de lutte
intérieure, de l’illusion des mirages… et aussi expérience des moments d’oasis,
de fraîcheur intérieure, de repos, de rencontre personnelle avec Dieu dans la
ferveur ou le doute, moments de retrouvailles avec nous-mêmes, espace décapant
de l’amour retrouvé, redonné, si bien exprimé par le prophète Osée : « Je vais l’entraîner jusqu’au désert,
et je lui parlerai cœur à cœur. […] Là, elle me répondra comme au temps de
sa jeunesse» (Os 2,16-17)
Le
désert peut être un lieu de tentation, c’est encore notre Évangile. Les Pères,
les premiers moines du désert, qui s’y
retiraient pour trouver Dieu, ont souvent rencontré la tentation (nous pensons
à Antoine ou à Jérôme). Le désert est un lieu de manque. Le tentateur fait
croire que ce manque peut être comblé par n’importe quoi, alors que Dieu seul,
et ce qu’Il propose, peut combler l’être humain, parce qu’il est fait pour Lui.
Jésus a
tenu tête au tentateur en gardant sa main dans la main et dans l’Amour de son
Père : « Tu es mon Fils Bien-aimé ». Et nous sommes, nous aussi, fils et filles de Dieu. C’est le sens du
Carême.
Plus
habile que le malin, Jésus répondra par les Paroles, par la pensée de Dieu :
- « Tu as vu ces pierres, tu peux en faire des pains ! »
- « On ne vit pas seulement de biens matériels » dit
Jésus.
- « Regarde tous ces territoires, ils sont à toi… sit tu te
couches à mes pieds »
- « Tu n’adoreras que Dieu seul, tu ne te mettras pas à plat
ventre devant les idoles. » Et il y en a !
- « J’ai un bon truc à te proposer : tu te jettes du dessus
du Temple quand il y a plein de monde. Les anges vont te servir de parachute,
tu vas atterrir en douceur. Quel succès ! Tout le monde va croire en toi
! »
- « Dieu n’est pas dans la frime, ni dans le paraître. Il est
au dedans de toi ! »
Nous
sommes tentés différemment, selon ce que nous sommes. Le tentateur connait les
failles de nos sécurités intérieures. Il nous arrive d’entrouvrir la porte.
« Rien n’est perdu » dit Saint Bernard. L’Amour sera toujours plus
fort que l’anti-Amour.
Dans
l’affrontement au mal, nous ne sommes jamais seul : Jésus est tenté par Satan,
mais « les anges le servaient. » Au jardin des oliviers, quand la
peur, le doute et la tentation faisaient dire à Jésus : « Que cette coupe
passe loin de moi ! » (Mt 26,39). Alors, « du ciel, lui apparut
un ange qui le réconfortait » (Lc 22,43). Les anges sont la présence
invisible de Dieu près de nous, qui nous garde sur tous nos chemins, même et
surtout dans nos déserts et qui nous relève.
Après
ce séjour au désert, Jésus partit proclamer la Bonne Nouvelle de Dieu.
Le bout
du désert, de nos déserts, c’est le tombeau vide du matin de Pâques. Alors
n’ayons pas peur de suivre ce chemin dans le désert qui mène au soleil de la
Résurrection !
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