Homélie du 2ème Dimanche de Carême
Carmel de Saint-Maur — Père Maurice Boisson
A certains
moments, on a besoin d’être encouragé, soutenu, éclairé. On sent la nécessité
de prendre un peu de hauteur, pour voir plus loin, d’entrer plus en profondeur
pour voir mieux. On se retire au calme pour être plus serein.
C’est pareil
pour notre foi, notre confiance à Dieu, au Christ. Elle peut subir des
turbulences qui la secouent. Elle a besoin d’être fortifiée, consolidée. De
même nos relations : elles peuvent se gripper, il faut les remettre en route…
Rien ne fonctionne sans énergie, donnée, reçue, redonnée, ressourcée.
C’était temps
pour les tout proches amis de Jésus de retrouver la confiance. Il y a quelques
jours, chemin faisant, Jésus leur avait soufflé à l’oreille qu’il allait être
rejeté et tué. Quel choc ! Ils ne s’attendaient pas à cette confidence. C’est
tout le contraire qui était dans leur tête et leur projet : Jésus prendrait le
pouvoir, libèrerait le pays et rétablirait la royauté. Ils en étaient certains,
comme les fils de Zébédé, qui s’étaient déjà proposés pour une bonne place !
C’est
l’incompréhension et une dispute musclée entre Jésus et Pierre. Ce dernier
n’accepte pas : « Non, pas ça, jamais ! » Jésus le traite alors de
Satan : « Si tu te mets en travers de mon chemin… » Nous connaissons
bien ces situations. Il faut les débloquer, retrouver le fil de la confiance,
du courage, retrouver les points d’appui pour repartir, que ce soit avec les
autres, avec Dieu ou avec nous-mêmes, en regardant plus loin que notre guidon.
Ils avaient
repris la route, les amis, dans cette ambiance d’incompréhension, lourde d’un
silence pesant. « On n’aurait pas dû aller, ça va mal finir, il va être
condamné et tué, qu’il a dit … »
Un sentier à
droite, fléché vers le Mont Thabor… « Suivez-moi » dit Jésus à
Pierre, Jacques et Jean, on y va ». « Une haute montagne » dit
l’évangile. En fait, c’est exactement à la même altitude qu’ici au Carmel : 565
mètres. Non pas un sommet élevé, ce Mont Thabor, mais un haut lieu d’expérience
spirituelle, humaine et divine, qui donne sens aux confidences de Jésus sur sa
Passion, en indiquant le terme : la Lumière, la Vie, la caution de Dieu, le
Père.
Nos trois amis,
dans la tristesse, se trouvent devant Jésus, traversé et transparent de
lumière, transfiguré par une expérience intérieure qu’il veut partager à ses
amis, pour qu’ils entrevoient l’aboutissement de ce qu’il leur avait dit.
Sur le coup,
ils ne comprennent pas tout, ils ont la parole coupée. Croire, c’est dans
l’obscurité, dans la nuit, faire confiance à la lumière. Une lumière
accompagnée d’ombre : « Une nuée les couvrit de son ombre. » Dieu
parle aussi dans nos nuages, même dans nos ténèbres. Sur ce mont, Il se porte
garant de ce qui va arriver à Jésus. Il le reconnaît pour son Fils, son Fils
Bien-aimé. Alors, comment pourrait-Il le laisser tomber ? Comment pourrait Il
nous laisser tomber, nous abandonner à la mort et au mal, nous, ses fils et
filles bien-aimés ?
Oui, Jésus, son
Fils, sera bientôt défiguré sur une autre colline par le mal, la méchanceté, la
violence. Nous le voyons aujourd’hui, transfiguré dans la lumière. C’est le
terme, après la défiguration : il sera ressuscité, relevé du mal et de la mort,
dans la lumière naissante de l’aube de Pâques. Transfiguré, défiguré,
ressuscité, glorifié. C’est le parcours de l’humanité, de nos existences. La
Transfiguration est la préfiguration de notre avenir et de celui de notre
monde.
Sur ce mont,
Dieu le Père, avec Jésus, veut redonner courage aux amis, les aider à
poursuivre le chemin, commencé un jour dans l’enthousiasme au bord du lac, en
quittant leurs barques. « Faites-lui confiance, écoutez-le. C’est mon Fils
bien-aimé. Je lui donnerai raison ! » Ainsi de nos vies: à travers nuées,
nuits, défigurations de toutes sortes, découragements et incompréhensions,
passions et épreuves, nous sommes appelés à être transfigurés dans la Lumière,
appelés à la Lumière. Il faut du temps pour que la Lumière arrive jusque dans
les recoins de nos vies, de nos coeurs, selon la belle expression du père
Monier (s.j) : « La vie est un étirement vers la lumière. » Dans les engourdissements de nos ombres, à
travers les courbatures de nos égoïsmes, un étirement vers l’Amour, un
étirement qui nous coûte mais qui nous déplie, qui nous déploie peu à peu vers
la Résurrection !
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