mercredi 14 février 2018

Homélie du Mercredi des Cendres



Homélie du Mercredi des Cendres 
Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson
           
            Hier à midi, alors que je dînais avec de vieux amis, la question n’a pas tardé : « C’est plus comme dans le temps, dis-moi, qu’est-ce qu’il faut faire pendant le Carême ? »
            Que faut-il faire ?
            Interrogeons tout simplement la Parole de Dieu, qui nous met en route de ce Carême. Elle nous adresse 4 appels forts, en direction de notre vie intérieure, de notre coeur, avant que nous ne fassions notre petite liste de « bonnes résolutions », comme on dit.

            - « Revenez à moi de tout votre coeur ! » nous dit la première lecture. À moi, dans le fond de votre être…

            Appel repris, comme en écho, par le psaume :
            - « Crée en moi un coeur pur, renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit », ce qui me fait vivre, ma centrale intérieure.

            - « Laissez-vous réconcilier avec Dieu » est l’appel de Saint Paul dans la deuxième lecture. Il s’agit de l’ajustement de notre relation à Dieu qui ajustera notre relation à nous-mêmes et aux autres.

            - « Ce que vous faites pour devenir « ajustés », saints, faites-le dans le secret », c’est-à-dire dans le fond de nous-mêmes, de notre conscience, de notre coeur.


            Ces 4 appels sont en fait une même direction donnée, une même porte pour entrer en Carême : celle qui conduit à Dieu le Père, au Christ, à l’Esprit en passant par le fond, l’intérieur, le dedans de nous-mêmes. Laissons d’abord la grâce nous travailler à l’intérieur, avec notre consentement et notre aide, et les modifications extérieures de nos manières de vivre, objets de nos résolutions, suivront.

            « C’est le moment favorable » dit Saint Paul, pour préparer et accueillir la Pâque permanente du Christ dans nos vies, comme nous y invite la Préface et la prière de l’imposition des Cendres. Le Carême séparé spirituellement de Pâques n’a pas de sens, sinon peut-être celui d’en profiter pour faire un régime ou une cure de gentillesse (ce qui n’est déjà pas si mal !). LA vie intérieure, le coeur, le secret, comme lieu du Carême est précisément aussi celui de l’action de la mort et de la Résurrection du Christ.

            C’est un beau temps que le Carême, le moment favorable. Dans nos pays, ce temps correspond à peu près au moment où l’on prépare la terre pour de nouvelles semailles et plantations. C’est une belle parabole !
            Le Carême est l’occasion d’un travail spirituel de fond, non pas d’un petit « pommadage » superficiel. Laissons la grâce, l’action du Christ bêcher notre terre intérieure. Cela l’aère, cela la retourne, le mot et l’action de la conversion, cela la nourrit. Si nous nous faisons quelques privations de nourritures terrestres, surtout ne nous privons pas de quelques lectures nourrissantes, ni de prières bien priées, ni de charité offerte. C’est en bêchant que l’on découvre les vieilles racines qui prennent de la sève et de la place ou les cailloux qui rendent difficile le terrain. Tout cela dans la patience, celle de Dieu pour nous, dans la persévérance et l’humilité, qui nous font continuer de bêcher même si un jour, notre orgueil nous décourage - parce que l’on n’a pas tenu l’objectif, dans la détermination, même quand le travail intérieur est moins voyant, valorisant extérieurement que certains exercices d’ascèse. « Ce que tu fais pour devenir ajusté à Dieu, fais-le dans le secret. »

            « Revenez à moi de tout votre coeur ! » Qu’est-ce qui, en moi, a besoin de retourner à Dieu? Comment puis-je collaborer à ce désir de Dieu de renouveler et raffermir ma vie intérieure ? Sur quoi ? Quels besoins de réconciliation, de guérison, d’ajustement dans ma relation à Dieu, à moi-même, aux autres se font sentir pour une paix intérieure durable ?

            C’est dans cette terre travaillée par la Parole et la Présence du Christ que peuvent prendre sens et efficacité nos belles résolutions, dont on dit que l’enfer en est pavé quand elles ne modifient pas grand chose de nos vies parce qu’elles ne sont pas enracinées dans des motivations profondes, évangéliques. C’est cette terre intérieure que nous avons à ajuster ou à réajuster.

            Dans cet esprit d’humilité, c’est-à-dire d’accueil de la grâce qui travaille dans notre être, non seulement personnel mais notre « être ensemble », en communauté, nous allons recevoir le signe des Cendres.

            « Convertis-toi. Laisse l’Évangile retourner ta terre intérieure et l’ensemencer de graines renouvelées de résurrection qui feront notre joie de célébrer la Pâque du Christ ! » Pour un joyeux parce que profond Carême.

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