Homélie 6° dimanche de Pâques
Carmel de Saint-Maur -
Père Maurice Boisson
Qui ne désire pas ce bien précieux qu’est la paix? Bien sûr,
les populations des pays en guerre la désirent; plus proches de nous : des
familles désunies, des groupes et associations, des villages, divisés par la
jalousie, la calomnie; nos propres relations mutuelles; jusqu’à l’intérieur de
nous-même, souvent écartelé, tiraillé par les nombreuses sollicitations de la
vie.
Oui, la Paix! Qui ne désire pas la paix? Et en même temps,
qui se prive, à l’occasion, de souffler sur quelques braises de discorde ?
Dans l’expérience des croyants, la paix est le grand
bienfait de Dieu: à la fois bien-être matériel et harmonie intérieure - avec la
nature, les autres, avec soi-même, avec Dieu. La Paix est d’abord un bien-être
intérieur : bien précieux dans une société de mal-être.
La Paix, c’est la salutations habituelle, comme notre
« Bonjour » : Shalom !
C’est ainsi que Jésus salue ses amis quand il vient à eux.
On a tellement besoin aujourd’hui, dans un monde énervé,
stressé, de cette pacification intérieure qui peut pacifier les autres. Ce
n’est pas renoncer à être soi-même, ce n’est pas gommer les différences,
sources de tension : c’est être plus fort que la violence intérieure, pour
ne pas nous laisser dominer par elle.
Ce n’est pas étonnant que Jésus, le Prince de la Paix, nous fasse
don de ce cadeau précieux : « C’est
la paix que je vous laisse, c’est ma paix que je vous donne ; ce n’est pas
à la manière du monde que je vous la donne. » (Jean 14,27)
La manière du monde: ma petite tranquillité, le repli sur soi
- «on ne se cause plus comme ça on a la paix ». Pas non plus : «que
personne ne bouge! ». La Paix, don du Christ, est une présence au plus
intime de nous même, une énergie, un ferment, une lumière permettant de voir la
vie, les gens, les choses, soi-même, d’une manière sereine et calme. Elle n’est
surtout pas faiblesse et démission, car la Paix du Christ demande qu’on soit
plus fort que la violence. On fait tous l’expérience qu’il faut être fort
intérieurement pour être pacifique et paisible plutôt que méchant et violent.
Un ami missionnaire dans un pays de dictature me racontait
qu’un officier faisait un interrogatoire auprès d’une femme, d’une manière
brutale et violente. Comme celle-ci ne répondait pas, il lui dit : «On
arrête pour aujourd’hui, je dois aller voir mon enfant malade. Vous reviendrez
demain.» Le lendemain, cette femme se présente comme prévu. L’officier arrive,
toujours aussi violent et brutal. A son arrivée, cette femme lui dit :
« Et votre enfant, comment va-t-il ? » Aussitôt, cet homme a complètement
changé d’attitude, étonné et surtout désarmé - dans sa violence intérieure -
par les paroles de douceur et d’attention qui l’ont touché en ce que vivait son
enfant.
La Paix, don du Christ, est une force essentielle pour
aujourd’hui dans une société de tiraillement, de conflits, de tensions,
d’énervement permanent, où la moindre parole peut faire l’effet d’un orage.
« Je vous donne
ma paix », dit Jésus. « Je vous donne ce que je suis, je vous
donne le cœur du Père pour qu’à votre tour vous soyez donnant de cette Paix.
C’est un signe de ma présence. » C’est le verset de l’Alléluia : « Le Seigneur ressuscité demeure au
milieu des siens : il leur donne sa paix. »
Signe de son amour - rappelons-nous l’Evangile de
dimanche dernier : « Ce qui
montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c’est l’amour que vous
aurez les uns pour les autres. » (Jean 13,35)
« Tout le monde veut la paix, toi-même, tu veux être un
artisan de Paix », disait aux jeunes Frère Roger de Taizé. « Commence
par te pacifier toi-même : c’est la condition première de toute recherche
de paix, et de la qualité de nos relations. Cherchez en tout la paix du
cœur - disait encore Frère Roger - et la vie devient plus belle. »
C’est en accueillant en nous-même ce don du Christ, en le
mettant en œuvre, en l’activant, que nous serons pacifiés de l’intérieur, au
cœur même des morsures de la vie, des événements, des autres, au cœur même des
tensions et des conflits - qui ne sont pas gommés ni volatilisés, mais dont les
germes de violence sont désarmés par la force même de la Paix et de la douceur.
« Et votre enfant, comment va-t-il ? »
« Je vous donne
ma paix. »
Alors : Shalom ! Que
la Paix du Dieu de Paix soit dans vos cœurs. La vie ne deviendra pas forcément
plus facile mais elle sera plus belle
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