Homélie , Fête de l'Ascension
Carmel de Saint-Maur
P. Maurice Boisson
Avant-hier, je causais avec l’un des deux fils à qui le père
avait remis son entreprise. Ce père est décédé. L’entreprise, comme d’autres
actuellement, connait des difficultés. Ce fils m’a confié : « Tu
sais, Papa va nous aider de là-haut. On garde courage. »
Deux jours avant, un jeune militaire que j’avais marié
revient me voir avec son épouse, de retour d’un séjour en opération en
Afghanistan. On cause : « Ca a dû être dur, la séparation,
l’éloignement. » Lui me dit : « C’est vrai, ça a été très dur,
mais je crois que je n’ai jamais été aussi près d’elle. » Et elle
ajoute : « Moi aussi, malgré l’absence, quelque chose en moi me
disait que tu étais là. » Je me suis dit : L'Ascension, c’est
ça, la présence dans l’absence.
Les amis de Jésus le voient disparaître à leurs yeux d’une
façon visible : dans une nuée qui peut obscurcir la vue, mais pas le cœur.
Jésus reste avec eux, avec nous, d’une autre manière. On peut s’ignorer et
vivre côte à côte, et on peut être tout proche en n’étant pas présent
physiquement. La présence - ou l’absence - ne sont pas d’abord une question de
kilomètres, ou de proximité physique. Des absences sont parfois plus intenses
que des présences. C’est l’Ascension : la Présence de Jésus ressuscité,
infiniment plus intense que sa présence visible.
Quand Jésus était présent physiquement avec ses amis, il
était avec eux et pas avec d’autres, dans un endroit précis - au bord du lac ou
à Capharnaüm - et pas ailleurs, dans un moment précis - il y a deux mille ans -
et pas aujourd’hui. Jésus ressuscité rejoint tout le monde, partout, tout le
temps. « C’est votre intérêt que je
m’en aille », avait-il dit (Jean 16,17).
« Galiléens
(que nous sommes), pourquoi restez-vous là à regarder le
ciel ? » (Actes 1,11)
« Ce n’est pas dans les nuages, dans la nuée, dans la
tristesse ou la nostalgie que vous le trouverez : il est avec vous, en
vous, maintenant, dans vos Galilées, c’est-à-dire dans votre cœur, dans la
Galilée de vos activités, de votre quotidien. » « C’est là que vous
me verrez », nous dit Jésus (cf. Matthieu 28,10).
Hommes et femmes de Galilée - que nous sommes, « si
nous cherchons Jésus dans les nuages », chantait le Père Duval, nous
manquerons encore son dernier passage. Nous passerons à côté de sa Présence, le
croyant absent sans voir alors qu’il est plus présent à nous-mêmes que
nous-mêmes. A l’Ascension, Jésus n’a pas décollé, comme la fusée Ariane, pour
se perdre dans l’univers des satellites. Le ciel qu’il rejoint n’est pas
celui-là : c’est le ciel de nos cœurs, de nos yeux, de nos paroles, pour
les remplir de l’Amour du Père des cieux. Nous serons alors donnants de sa Présence,
parce que reliés à la Source.
Hier, en causant (encore) avec un jeune, on parlait du jour
de l’Ascension. Je lui dis : « En fait, c’est quoi l’Ascension ? »
« Ben, c’est un pont, le pont de l’Ascension. » Aussitôt je
réponds : « Ben alors, tu ne crois pas si bien dire : c’est
tout-à-fait ça ! La fête de l’Ascension, c’est un pont. » J’ai essayé
d’expliquer (je ne sais pas ce que ça a donné) : « Ce pont nous relie
à une Source, il nous permet d’accéder à cette Source, où on peut puiser de quoi
faire pour que la vie du monde soit plus agréable à vivre. On peut aussi se
rafraîchir et se ressourcer quand ça ne va pas. Pour les chrétiens, cette Source,
c’est l’Amour, et le Pont c’est Jésus. Tu as peut-être quelques bons souvenirs
de ton caté ? »
Je lui ai souhaité un bon pont. Rentrant chez moi pour
essayer d’écrire tout cela, je me disais, et je vous le partage, que c’est à
nous aujourd’hui de donner des signes visibles, crédibles, intéressants, de la
Présence de Jésus ressuscité – absent à nos yeux de chair et à ceux des autres.
Dire une Présence dans l’absence. Me sont revenus à la mémoire les magnifiques
paroles d’un chant du Père Claude Duchesneau - à bien méditer (tout un
programme !) : « L’homme
qui prit le pain, qui prit le vin, n’est plus devant nos yeux pour donner en
festin l’amour de Dieu. C’est à nous de suivre sa trace aujourd’hui, pour que
rien de Lui ne s’efface. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire