Thérèse d'Avila, 3° Demeures, 2 (traduction Marcelle Auclair), extraits
Avec l'Ordre du Carmel qui se prépare au V° centenaire de la naissance de Sainte Thérèse de Jésus (d'Avila) nous vous proposons une découverte du Livre des Demeures ou Château intérieur.
1 J’ai connu quelques âmes, je crois même pouvoir dire que
j’en ai connu beaucoup, qui, parvenues à cet état, ont vécu de longues années
dans cette droiture et cette harmonie, corps et âme, pour autant que l’on
puisse en juger ; elles semblaient avoir déjà maîtrisé le monde, ou du
moins être bien déçues par lui, mais lorsque Notre-Seigneur les soumit à des
épreuves peu importantes, leur inquiétude fut telle, leur cœur fut si serré,
que j’en fus éberluée ...
2 Enfin, pour consoler ces personnes, je n’ai trouvé d’autre
remède que de beaucoup compatir à leur peine, sans contester leurs
raisons ; elles imaginent toutes qu’elles souffrent pour Dieu, et
n’arrivent donc pas à comprendre que c’est une imperfection. C’est une idée
fausse de plus de la part de gens si avancés ; nous ne pouvons nous
étonner qu’ils s’en affligent, bien qu’à mon avis, semblable affliction devrait
être passagère. Dieu veut souvent que ses élus ressentent leur misère, Il
détourne un peu sa faveur, et il n’en faut pas plus, on peut le dire hardiment,
pour que nous ayons tôt fait de nous connaître. On comprend immédiatement que
c’est une épreuve, car ils comprennent, eux, très clairement, leur faute ;
il leur arrive d’être peinés de leur impuissance à maîtriser l’affliction que
leur causent des choses terrestres de bien peu de poids plus que de l’épreuve
elle- même. J’y vois une : grande miséricorde de Dieu, car bien que ce
soit une faute, elle fait beaucoup gagner en humilité.
3 Mais il n’en est pas ainsi des personnes dont je parlais,
car, comme je l’ai dit, elles canonisent ces choses dans leur pensée, et elles
voudraient que les autres les canonisent également...
5 ... Ils voudraient que chacun organise sa vie aussi bien
qu’ils le font, et encore plaise a Dieu qu ils ne s’imaginent pas qu’ils
souffrent par la faute des autres et ne s’en octroient point, en pensée, le
mérite.
6 ... Et croyez-moi, l’affaire n’est pas de porter ou non un
habit religieux, mais de chercher à nous exercer dans la vertu, de soumettre en
toutes choses notre volonté à celle de Dieu, et de conformer notre vie à ce que
Sa Majesté dispose ; ne désirons point que notre volonté se fasse, mais la
siennes (Lc 22,42). Tant que nous n’en serons pas là, comme je l’ai dit, de
l’humilité ! C’est l’onguent de nos plaies ; car si nous sommes
vraiment humbles, même s’il tarde un peu, le chirurgien, qui est Dieu, viendra
nous guérir.
7 Les pénitences de ces âmes sont aussi bien organisées que
leur existence. Elles aimaient beaucoup leur vie mise au service de
Notre-Seigneur, et tout cela n’est point mauvais, mais elles ne se mortifient
que très prudemment, pour que leur santé n’en pâtisse point. Ne craignez pas
qu’elles se tuent, elles sont en possession de leur raison, l’amour ne les fait
pas encore déraisonner. Mais je voudrais qu’elle nous incite, notre raison, à
ne pas nous contenter toujours de cette manière de servir Dieu, à pas traînant,
car nous n’arriverions jamais au bout du chemin...
8 Nous sommes de si grands cerveaux que tout nous offense,
car nous avons peur de tout ; ainsi, nous n’osons pas aller de l’avant,
tout comme si nous nous savions capables d’atteindre ces Demeures, et que
d’autres fassent le chemin. Puisque c’est impossible, prenons courage, mes
soeurs, pour l’amour du Seigneur ; remettons notre raison et nos craintes
entre ses mains oublions cette faiblesse naturelle, dont il nous arrive de
beaucoup tenir compte. Le soin de nos corps regarde nos supérieurs à eux d’y
pourvoir ; le nôtre est de marcher à vive allure pour voir ce Seigneur ;
car les aises dont vous jouissez ont beau être nulles, à peu de choses près, le
souci que nous avons de notre santé pourrait nous induire en erreur. Nous ne
nous en porterons d’ailleurs pas mieux, je le sais ...
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