Homélie de la Pentecôte
Carmel de Saint-Maur - P. Maurice Boisson
Quand on pense « Pentecôte » dans le langage habituel, on pense fêtes, pont, festival, concours sportifs, rallye, cousinades, etc. Autant de manifestations et de rencontres festives et conviviales.
Ce n’est pas nouveau: à l’origine, Pentecôte est une fête. Ce mot veut dire « cinquante ». Cinquante jours après la Pâque, on offrait les premiers fruits de la terre. C’était la fête des Moissons, qui rappelait aussi l’Alliance de Dieu avec son Peuple. Cette fête était l’occasion de grands rassemblements, décrits dans la première lecture.
Des gens venaient de toutes les nations qui sont sous le ciel… C’est exagéré : c’est-à-dire des pays connus alors autour de la Méditerranée - Egypte, Syrie, Grèce, Turquie - parlant des langues différentes.
Dans cet événement annuel, pas dans un temple ni dans une église, les amis de Jésus sentent très fort sa Présence vivante. Ils se rappellent d’une promesse : « Je vous enverrai la force d’en haut et vous serez mes témoins », et ils osent sortir de leur peur et de leur enfermement. Ils osent attester de cette Présence, comme une énergie intérieure, et ils le disent avec des mots que tout le monde comprend dans sa propre langue.
Comment se fait-il que ces Galiléens, chacun de nous les entende dans sa langue maternelle ? Il y a un langage que tout le monde comprend: celui qui vient du cœur, celui de la présence, de la vie, de l’amour, de ce qui est vital. Nous les entendons proclamer les merveilles de Dieu. C’est sûrement une grande question pour nous aujourd’hui: comment parler pour être entendu - sinon compris - par les gens, dans leur langage, leur culture, leur forme de pensée. Là, pour le coup, on a sûrement besoin de l’aide de l’Esprit Saint. C’est sa spécialité: permettre de se comprendre. Parce qu’on ne se rejoint qu’en profondeur.
On lui met tellement de choses sur le dos – comme on dit – à ce pauvre Esprit Saint; dans tous les plats, dans nos désirs, nos imaginations, dans ce qui est arrivé, ce qui arrive et arrivera. Il devient quelquefois un « S.O.S. réponse à tout », même de nos erreurs.
Avant d’être un prétexte, c’est d’abord un don qui nous est fait – le don de l’être même de Dieu qui aime tellement son Fils au point de se dire : « si seulement ils (nous) pouvaient vivre un peu de cet Amour, ils seraient plus heureux, le monde serait un peu plus viable et beau. Alors, avec mon Fils, on va leur faire cadeau de cet Amour, de ce qui nous unit, de cette force qui en jaillit... Ils vont s’en servir comme d’une chose pour se justifier, alors qu’on leur donne un souffle, une respiration, pour qu’ils vivent. »
La Pentecôte nous apprend à être humbles, prudents, mais courageux et de bon sens (autant de fruits de l’Esprit) pour discerner les effets de ce don de Dieu. Justement, c’est comme un violent coup de vent - dit le récit de Pentecôte - qui dérange, qui fait des courants d’air, qui décoiffe nos certitudes et nos habitudes.
L’Esprit Saint, c’est la respiration de Dieu et de Jésus, leur souffle, le tonus de Dieu. Dieu ne manque pas d’air: il nous l’a donné dès l’origine, ce souffle, au premier matin du monde, pour que nous ne manquions pas de souffle, pour que nous ne soyons pas à bout de souffle intérieur.
Deux mois après la mort de son enfant, une maman m’a dit: « Je n’aurais jamais pensé être capable de surmonter ça. J’étais à bout de souffle. Je crois à une force intérieure.» J’ai pu essayer de dire : « C’est peut-être un peu du souffle de Dieu et de la présence du Christ ressuscité en nous. »
Il nous arrive parfois, pas toujours, de faire l’expérience en nous comme d’un appel d’air qui nous aspire vers un mieux, un meilleur.
L’Esprit Saint: respiration de Dieu au plus intime de nous-mêmes - avant d’être localisé là où on voudrait qu’il soit.
Quand je faisais des Confirmations, comme délégué de l’Evêque - un bon moment du ministère – on préparait avec les jeunes, les parents ; et il y avait toujours la question rituelle : « Pour vous, pour toi, l’Esprit Saint, c’est quoi, c’est qui ? » Un soir dans une réunion, un grand garçon de dix-sept ans tente de dire, à son tour : « Ben moi, j’ai pas mal de problèmes, j’y vois pas bien clair, j’sais pas trop, quoi. Mais je vais faire ma Confirmation, parce que pour moi l’Esprit Saint ça doit être comme un aspirateur à brouillard – un aspirateur du brouillard intérieur et extérieur. » Après quelques instants de silence, j’ai pu essayer de dire : « C’est bien, Yann, mais un aspirateur, pour qu’il aspire, il faut le brancher. C’est ce qu’on va faire à cette Confirmation - mettre le courant, l’énergie, en se branchant à la source : le souffle de Dieu.
C’est la Pentecôte.
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