dimanche 15 décembre 2013

Homélie 3e dimanche de l'Avent  2013
Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson

Un beau samedi d’été, j’avais célébré le mariage de Nicole er Bernard. Ils s’étaient bien préparés, ça s’était bien passé.

Un an après, coup de fil : « On aimerait bien te voir. - D’accord ! »
On se retrouve un soir chez eux.

« Voilà – me disent-ils – ça ne va pas très bien pour nous : c’est pas ce qu’on croyait ! Ca ne correspond pas à l’idée qu’on se faisait de notre vie à deux, quand on s’est marié. On pensait que ça serait autrement. »
On a parlé ; ils se sont parlé. Une question est arrivée : « Est-ce que c’est bien toi le même que l’ai aimé ? - Et toi ? »

Ca a été le point de départ d’une relation nouvelle, une nouvelle découverte de chacun : « On s’est pas trompé, on est bien. » Les enfants sont là.
Ils comprenaient que la réalité peut être différente de ce qu’ils avaient prévu, peut-être rêvé. Une vérité plus intérieure, plus profonde, plus décapée, plus belle aussi sans doute.

« Est-ce bien toi ? »

C’est peut-être aussi notre expérience : ce décalage entre ce que nous avons cru, peut-être rêvé, et la réalité qui se révèle autrement. C’est aussi notre expérience de croyants, quand nous nous faisons de fausses représentations de Dieu.

C’est l’expérience de Jean Baptiste dans l’Evangile de ce dimanche. Au fond de sa prison, coupé de tout, ressassant les événements, Jean Baptiste pense qu’il s’est peut-être trompé sur la personne de ce Galiléen - en plus son cousin. Il s’est donné à fond pour le présenter comme le vrai envoyé de Dieu, pour lui ouvrir la route, et les échos qui lui parviennent dans son cachot le laissent désemparé ; ça ne correspond pas au profil annoncé, ni à son attente. Au lieu d’avoir à la main la pelle à vanner pour faire un peu de ménage dans le pays, et la hache pour faire le tri, le voilà attablé chez les pécheurs, parlant avec une prostituée et une étrangère au bord d’un puits. On dit de lui que c’est un goinfre et un ivrogne. Il guérit des souffrants, il touche des lépreux. « C’est pas possible, c’est pas lui. C’est pas toi - Es-tu celui qui doit venir ? (Matthieu 11,3) »

« Es-tu celui – celle -, que j’ai aimé(e) il y a un an  - diraient Bernard et Nicole - est-ce bien ce que je croyais que c’était ? »

« Es-tu celui qui doit venir ? »

Jean, dans sa prison, n’est pas seulement prisonnier physiquement : il est prisonnier de l’idée qu’il se faisait du Messie - nous aussi : dans nos prisons des pensées uniques, des idées toutes faites, des étiquettes, des rumeurs, des soi-disant incontournables, même dans l’Eglise, dans ces prisons qui nous enfer-ment – c’est-à-dire qui nous mettent en enfer-mement.

Jésus, à Jean Baptiste et à nous-mêmes, ouvre une sortie, une issue – comme une source qui jaillit là où on ne l’attend pas parce qu’elle s’est frayé un passage à travers la roche et la terre.

« Allez dire à Jean, mon cousin, qui s’inquiète et qui doute, dites lui ce qui vous voyez et entendez (Matthieu 11,4) : pas des démonstrations, pas des théories et des explications - des gestes, des actes, des signes qui attestent que c’est bien moi - son cousin Jésus -, qui réalise et inaugure la promesse de Dieu. Vous voyez quoi ? – Des gens qui sont guéris dans le plus profond de leur corps et de leur cœur, des yeux fermés qui s’ouvrent à une lumière, des exclus qui retrouvent des relations, des oreilles bouchées qui entendent une parole d’espérance, d’encouragement, des gens qui respirent des parfums de la vie dans les senteurs de mort, des blessés et des cabossés de la vie qui repartent, des cœurs qui se remettent à aimer vraiment. Dites-lui tout ça au cousin, qu’il se rappelle. Si c’est pas ça le Royaume de Dieu annoncé, et si c’est pas moi qui suis là pour le réaliser ! Ce Jean Baptiste, il a bien annoncé et préparé le chemin. » - « C’est bien moi – Jésus -, c’est bien toi - Jean Baptiste. Tu ne t’es pas trompé, mais seulement tu me croyais autre que l’envoyé du Père. »

Mais c’est vrai que - comme la vue s’accommode -, s’accommoder à la vérité, aux signes, à la profondeur, ça demande de la patience – dit Saint Jacques dans la deuxième lecture (cf. Jacques 5,7-10).

Comme le paysan qui attend avec patience que ça « trésisse », on ne voit rien ou on voit autre chose - c’est pas ce qu’on croyait - et, un beau midi, on aperçoit un bout de tige entre deux mottes.

« C’est bien ça. On s’est pas trompé » - disaient mes amis Bernard et Nicole - et Jean Baptiste -, et nous aujourd’hui. « Tu es bien celui qui doit venir. C’est à nous de faire voir et entendre aujourd’hui, dans notre quotidien, des signes de ta venue. C’est bien toi. »

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