Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson
« Un
chrétien est quelqu’un qui a un secret dans le cœur. » (Mounier)
Saint
Jean de la Croix, que nous fêtons aujourd’hui, avait un secret dans le cœur,
mais qu’il n’a pas gardé pour lui !
Ce
secret est exprimé par la Parole de Dieu de ce matin. Elle nous conduit
« à la source, à la lumière qui brûle dans mon cœur » - dit Saint
Jean de la Croix.
Ce
secret, comme souvent tout secret intérieur, est une histoire d’amour, de
présence, de rencontre, de désir.« Tu m’appartiens » - dit le Seigneur par Isaïe (43,1) dans la première lecture. « C’est moi qui t’ai créé, Jacob ; qui t’ai formé, Israël (…) Je t’ai appelé par ton nom. »
Se
connaître soi-même, c’est trouver, ou retrouver la « présence de Dieu en
soi-même ». Pas n’importe quelle présence, pas celle qui ferait peur, qui
espionnerait, qui dominerait. Une présence qui aime, dit encore la première
lecture : « Je t’aime
- dit Dieu - Tu as du prix à mes
yeux » (Isaïe 43,4). « Tu vaux cher pour moi, tu as du poids, tu
comptes pour moi. Aussi – « Ne
crains pas, car je suis avec toi » (Isaïe 43,5).
Cette
déclaration d’Amour de Dieu à notre égard et à l’égard de l’humanité :
c’est ça notre secret. Ca a été le secret de Saint Jean de la Croix, de sa vie,
de sa recherche, de son activité, surtout de son accessibilité progressive à
l’union à Dieu, dans une démarche d’accueil et de réponse à cet Amour.
Ce
n’est pas réservé aux grands mystiques, c’est le bien du peuple, comme on dit,
à nous aussi, pauvres pèlerins qui vivons de ce secret… Enfin, qui n’est plus
un secret, quoique… Il reste ce qu’il y
a de plus profond et de plus invisible en nous, le mystère de chaque
personne dans sa relation avec un Autre.
Pas
plus pour Saint Jean de la Croix et d’autres – que pour nous, cette marche « à
la source » n’est acquise : le « Bien-Aimé » se fait
parfois discret, silencieux, lointain. Les obstacles et les oppositions
rencontrées à l’intérieur de sa propre famille spirituelle (Jean de la Croix a
été mis en prison par ses frères) – ces passages peuvent faire vaciller les
convictions les plus enracinées. C’est le passage par les tunnels et les
déserts intérieurs : tunnels où – dit Jean de la croix, « Je
n’apercevais rien pour me guider que la lumière qui brûlait dans mon
cœur. » Les déserts où on cherche « une source, la nuit, et où seule
nous éclaire la soif. » C’est aussi l’expérience de tout croyant, et de
chacun, quelle que soit sa croyance, avec ses questions, ses recherches, ses
refus, ses intuitions, ses brouillards, ses soleils. Expériences souvent vécues
dans le secret, là où seules nous rejoignent les veilleuses de notre conscience
et de notre cœur, et de la confiance « en la présence de Dieu en
nous » - dit encore Saint Jean de la Croix. Quelques lueurs : d’avoir
du prix aux yeux de quelqu’un - de Dieu - d’être aimé de lui. C’est une source
de paix intérieure et une force pour marcher.
C’est
la même douce mélodie de cet Evangile et de Paul, qui chante à notre
cœur : « Tu les as aimés comme
tu m’as aimé » (Jean 17,23) – « Pour
qu’ils aient en eux l’amour dont tu m’as aimé » (Jean 17,26) – c’est
la prière de Jésus pour nous.
C’est
l’affirmation de Paul : nous sommes tous des fils et filles bien-aimés du
Père (cf. Romains 8,14-18.28-30), habités par un esprit de liberté et non de
peur.
L’expérience
spirituelle de Saint jean de la Croix, complétée par celle - peut-être plus
expérimentée - de Thérèse d’Avila, à vingt-sept ans de différence – ce
témoignage de Jean de la croix n’a pas consisté d’abord en une question d’être
chaussé ou dé-chaussé, mais en un appel étonnement actuel, de creuser, de
laisser creuser en nous le désir de Dieu – d’un Dieu pour qui on a du prix,
pour qui on compte.
C’est
notre secret… mais on peut le dire, et, surtout, en vivre !
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