Carmel de Saint-Maur - Père
Maurice Boisson
Il n’est pas rare qu’au cours
d’un repas quelqu’un dise : « Peux-tu me passer le sel, s’il te
plaît ? »
Il est courant, en entrant
dans une pièce sombre, d’allumer la lumière, comme on dit -, « pour voir
clair ».
Un grand savant, à peu près
au temps de Jésus, disait : « Rien n’est plus utile que le sel et le
soleil. »
Toute la Bible témoigne du
rôle important du sel et de la lumière pour la vie. Pour donner du goût,
conserver les aliments – avant le congélateur -, il y avait le saloir ! On
a connu ça !
Le sel exprimait aussi
l’accueil, l’hospitalité, l’amitié. Ne dit-on pas des Jurassiens, considérés
comme d’un abord un peu froid, qu’il faut manger un demi sac de sel avec eux
pour que les relations soient chaleureuses, confiantes et solides ?
Il en est de même pour la
lumière : rappelez-vous, si les pommes de terre sont attirées par la
lumière, à plus forte raison nous autres, les humains. Dans la Bible :
lumière, feu, ce qui est lumineux -, sont des signes forts (cf. 1° Lecture).
Ce n’est pas étonnant que
Jésus, dans l’Evangile de ce matin, ait repris ces deux éléments
importants : le sel et la lumière, pour nous dire : « Vous êtes le sel de la terre, vous
êtes la lumière du monde (Matthieu 5,13-14), vous qui êtes mes amis,
baptisés, qui essayez de vivre « à la chrétienne ». C’est votre signe
distinctif, de donner du goût et de la clarté. »
Jésus ne dit pas :
« Soyez le sel, la lumière » -, mais : « Vous êtes sel et
lumière. Vous êtes ça ; soyez ce que vous êtes, ce que font de vous le
baptême et votre amitié avec moi. »
Jésus ne dit
pas : « Vous êtes des lumières ! – Vous êtes les
meilleurs. » - Non, il connaît bien nos fragilités et nos obscurités.
« Vous êtes lumière
parce que vous êtes branchés à une source. »
« Je suis la lumière du monde. » (Jean 8,12 ; 9,5)
Au temps de Jésus, il
s’agissait de lampes à huile, qui ne donnaient pas une super puissance comme
nos projecteurs, nos spots ou autres leds qu’on cache dans les coins - ça fait
trop de lumière.
« Vous êtes la lumière
douce, qui aide à se diriger dans l’obscurité, quand on n’y voit rien, pour ne
pas tomber ou se prendre une porte ou un coin de table ; qui aide à
trouver la sortie, qui redonne espoir lorsque, dans une nuit d’insomnie à
l’hôpital, la petite veilleuse combat l’angoisse de la nuit et qu’au petit
matin un faible rayon pénètre à travers le rideau pour annoncer le jour et
libérer de la nuit. » C’est l’expérience intérieure de nos vies.
« Vous êtes le sel. »
Quand on n’a plus de goût à
rien, ou que plus rien n’a de goût, c’est important de donner du goût, de
l’intérêt, du sens.
Autrefois, quand le feu
commençait à baisser, les parents disaient : « Mets une poignée de
sel ! » - pour raviver la flamme. Et ça repartait !
Que de flammes, de braises -
en commençant par les nôtres -, n’avons-nous pas à raviver ? Pas avec le
prestige des grands discours -, dit Paul dans la deuxième lecture (1
Corinthiens 2,1-5), mais avec la faiblesse de la petite flamme alimentée à la
puissance d’amour du Christ.
La lumière n’attire jamais le
regard sur elle-même – sauf pour les décorations, les fêtes -, mais vers ce
qu’elle met en valeur, ce qu’elle permet de voir. Elle est au service de ce
qu’il est important d’éclairer. De même qu’on ne mange pas du sel pour lui-même,
tout seul, mais avec des aliments qu’il « relève », comme on dit. Le
sel est dans la soupe, dans la terre, dans la vie – dit Jésus. La lumière est
là où elle peut éclairer, pas à côté, pour faire bien !
Etre sel et lumière, c’est
« vivre à la chrétienne », humblement, au quotidien de nos
vies : un style de vie, de penser, d’agir, de réagir, d’être en relation
-, qui donne un peu de clarté et de goût de l’Evangile, d’une lumière douce,
d’un goût agréable, qui donne envie.
« Les âmes trop sûres
d’elles-mêmes font trembler » - disait le fondateur des Rédemptoristes,
Saint Alphonse de Ligori. Alors qu’il s’agit de faire aimer la belle clarté et
le bon goût de la vie selon le cœur de Dieu, cette vie marquée aussi par les
pannes de courant et le goût à rien.
« Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la
lumière du monde. »
« C’est notre tour –
écrit François Mauriac – d’entretenir, autant que nous le pouvons, ce feu,
cette lumière qui éloigne les bêtes, mais qui attire tant les âmes qui ont
froid. »
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