Carmel de Saint-Maur P. Maurice Boisson
Textes: 2 S 12, 7-10.13;
Ps 31; Ga 2, 16.19-21; Lc 7, 36 – 50
Cette rencontre dont on
vient d’entendre le récit ferait, aujourd’hui, le régal des médias, des tweets
et autres réseaux. Elle enrichirait la galerie des collectionneurs de ragots et
alimenterait la conversation d’amateurs de cancans ! Intéressant !Jésus a répondu à l’invitation d’un Pharisien, Simon. Il mange chez lui. Ce qui n’est déjà pas si courant, vu leurs relations ! Et voilà qu’une prostituée de la ville entre dans la salle à manger, sans crier gare, ni prévenir. La voilà aussitôt aux pieds de Jésus, elle répand du parfum de grande marque, pleure à grosses larmes sur les pieds qu’elle essuie de ses cheveux dénoués et qu’elle couvre de baisers. Un peu choquant ! En effet, Jésus la laisse faire. Ce comportement étonne… si on en reste là, bien sûr, comme Simon. « Voyant cela », il pense : si cet homme était prophète, comme on le dit, il saurait qui est cette femme et ce qu’elle est, « une pécheresse ». Ce qu’elle est ! Il ne la laisserait pas faire ça ! Ce Pharisien Simon, enfermé dans la loi, sûr de lui, ne se pose pas de questions : cette femme, on la connaît, elle vit dans le péché ! Tout est dit, aussitôt condamnée, fermez la page, de ce qu’elle est, on sait… Mais, qui, elle est ? Que porte-t-elle au fond d’elle-même ? Quel est son désir profond ? Pour le savoir, et c’est là l’essentiel, il faut un autre regard que celui de Simon, un autre regard que celui de la rue, un autre regard que le nôtre, peut-être. Il faut le regard de Jésus, qui nous invite à accommoder notre propre regard au sien.
Jésus la voit el ta
regarde autrement, au-delà des apparences, de l’étiquette, que d’ailleurs elle
contribue sûrement à mériter. Jésus ne le nie pas. « Ses nombreux
péchés », dit-il. Alors qu’on la regarde, soit pour la désirer comme un
objet, soit pour la mépriser et la condamner… « Jésus vie au cœur »,
expression du Pape François, non pour l’achever, mais pour le réveiller pour
rejoindre son désir intérieur d’être libérée : de ce qui la ligote, d’être
pardonner et d’aimer vraiment, de changer de vie. Jésus ne repousse pas ces
gestes d’affection susceptibles d’être mal interprétés par des yeux malsains,
ou pervers, il s’agit de rejoindre ce qui habite profondément cette
femme : la confiance en la capacité de Dieu, de Jésus, à lui redonner la
paix intérieure par l’accueil, le pardon, et, ce qui se passe toujours, le changement
de cap de sa vie. « Tes péchés te sont pardonnés », « ta foi, ta
confiance t’a sauvée, va en paix ! » que de bouffée d’air pur,
d’appels de lumière, de liberté, dans ses rencontres de Jésus, comme celle de
dimanche dernier avec la maman qui allait enterrer son fils… Quelle révélation
du cœur et de l’être de Dieu ! Sur le modèle de qui nous sommes faits, et à
qui nous sommes appelés à ressembler toujours davantage, quel coup de
projecteur aussi sur notre propre cœur, qui ressemble si souvent à celui de
Simon…
Justement, Jésus ne
laisse pas non plus Simon dans son enfermement, ses jugements bien-pensants. Il
lui ouvre le secret de cette rencontre, qui peut être celui de toute rencontre.
« Simon, j’ai quelque chose à te dire », dit Jésus qui devinait sa
pensée. « Simon, tu prêtes 2000 euros à ton voisin, et 50 à un autre. Ils
ont un peu de mal à te rembourser. Comme tes affaires ont bien marché cette
année, et que tu as bon cœur, tu leur remets leur dette a tous les deux, tu
effaces tout. Lequel des deux te sera plus reconnaissant ? Je suppose, dit
Simon, que c’est celui qui me doit 2000 euros ! Tu as raison, dit Jésus.
Ecoute bien. Ses péchés à cette femme, et ils sont nombreux, ils lui sont
pardonnés parce qu’elle a montré beaucoup d’amour, ce que tu n’as pas fait
quand je suis entré chez toi. Celui à qui on pardonne peu montre peu d’amour.
Simon était peut-être de ceux qui pensaient qu’il n’avait pas grand-chose à se
faire pardonner. Il était en règle. Pas de défaut à l’armure !
« L’amour même de Dieu ne soigne pas celui qui n’a pas de plaie »,
dit Péguy, ou surtout, qui croit ne pas en avoir.
Quelle belle rencontre
encore aujourd’hui, de ce qui peut se passer quand on accueille la
miséricorde de Dieu qui nous fait être
miséricordieux à notre tour. La miséricorde n’est pas un bandeau à se mettre
sur les yeux, mais des lunettes pour mieux voir ; c’est plutôt comme une
transfusion intérieure, qui change notre regard, notre pensée, notre façon d’être
et de vivre, en un sang renouvelé, neuf, sain, énergie pour un toujours
meilleur et plus… comme cette femme pardonnée et regardée en vérité qui sans
doute en sortant n’a pas pris le même trottoir. Sa vie a changé par la
Miséricorde de Dieu. Cette rencontre se fait prière par la prière du
début :
L’être humain est fragile. Sans toi il ne peut rien. Donne-nous toujours le
secours de ta grâce. Alors nous pourrons agir de manière à répondre à ton
Amour.
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