mercredi 18 octobre 2017

Homélie de la fête de Sainte Thérèse d’Avila



 Homélie de la fête de Sainte Thérèse d’Avila
Carmel de Saint-Maur -- Père Maurice Boisson

Le Petit Prince rencontre un marchand de pilules qui apaisent la soif. On en prend une par semaine et on en éprouve plus le besoin de boire. « C'est une grosse économie de temps ! » dit le marchand. On gagne 53 minutes par semaine. Et que fait-on de ces 53 minutes ? On fait ce qu'on veut.  « Moi, répond le Petit Prince, si j'avais 53 minutes à dépenser, je marcherais tout doucement vers une fontaine. »

« J'irais à une source, puiser au puits de Jacob et remplir ma cruche » dit cette femme de Samarie. Là, elle rencontre, en plein midi, un homme seul, fatigué, assis. Il lui demande à boire. Cet homme, Jésus, lui donnera l'eau vive qui apaisera sa soif intérieure de vérité et d'amour vrai. « Celui qui boira de l'eau que je lui donnerai, n'aura plus jamais soif. »


« J’irais à une source, même de nuit. »
 C'est le chemin pris par Sainte Thérèse d’Avila, passionnée de la recherche de Dieu dès sa jeunesse et en même temps tourmentée dans un environnement peu propice à cette recherche - mais environnement qu'elle ne refusait pas, d'ailleurs, « je désirais vivre et je ne vivais pas » écrit-elle (Vie 8). Au bord d'un puits, en l’occurrence un oratoire, une image du Christ souffrant fait jaillir en elle comme une source d'eau vive qui lui redonne vie. Elle va re-vivre.

J'irais à une source d'eau vive…
Dans un aujourd'hui stressé, agité, débordé, sans visibilité, qui n'a pas ressenti le besoin de se réhydrater et de se rafraîchir dans son intériorité et nourrir son esprit, son cœur, son moral, menacés de sécheresse ? En chacune et chacun, comme dans l'humanité, est semé un désir de plus, non pas d'avoir, mais d'être. C'est la signature du Créateur, gravé en notre cœur et en notre chair. « Je désirais vivre » dit Thérèse alors qu'elle ne manquait de rien, ni de biens matériels, ni de relations, sinon de l'essentiel.

« Donne-moi de cette eau vive ! »
            Demandons avec cette femme de Samarie et avec Thérèse, avec les  autres, avec notre monde d'aujourd'hui… « Donne-nous de l'eau vive ! » Et pas de l'eau qui croupit ! Pas des comprimés pour gagner du temps, -on en garde un goût amer -, mais de l'eau vive qui devient en nous source jaillissante pour « vivre pleinement » dit Jésus à la Samaritaine. De l'eau limpide, fraîche, tonifiante, du meilleur, du bon, du beau, du vrai, du juste, du paisible.
Cette source a un visage : « Celui qui boira de cette eau que je lui donnerai n'aura plus jamais soif : si tu savais le don de Dieu ! ». Ce puits, où est venu puiser la Samaritaine, était fermé d'une énorme pierre au temps de Jacob. Pour faire boire ses troupeaux, Jacob devait soulever cette grosse pierre. Pour accueillir l'eau vive qui l’a fait revivre, la Samaritaine a soulevé les pierres qui pesaient en elle et qui bouchaient la source : un passé trop pesant, les échecs de ses amours successifs, les regards et les jugements posés sur elle, sa culpabilité, le sentiment d'être indigne d'accéder à cette eau vive... La rencontre et la parole de celui qui lui a dit : « Si tu savais le don de Dieu ! » ont soulevé les lourdes pierres de son cœur.

            « Donne-moi de cette eau ! »
Saint Thérèse, pour accueillir l'eau vive qui l’a fait vivre, a dû, elle-aussi, soulever les pierres qui étouffaient son désir profond : « Les joies mondaines, faciles à satisfaire, les agréables compagnies », écrit-elle,  le refus de son père à son désir d'entrer au couvent, les incompréhensions de certains frères et sœurs religieux et autorités religieuses devant sa volonté de retrouver la fraîcheur des sources vives et créatrices à l'origine du Carmel.

Nous-mêmes, ainsi que nos institutions, avons sans cesse à trouver et à retrouver l'eau vive, les sources cachées au plus profond de nous-mêmes, parfois taries, oubliées ou polluées. Il nous faut ôter les pierres parfois lourdes qui obstruent les sources. L'eau vive est toujours là, souvent en souterrain, cherchant à se faufiler à travers les fissures et les pierres de nos vies. Celui qui nous offre cette eau vive est toujours là, sur la margelle du puits. Il peut faire jaillir ou faire passer seulement un petit filet de cette grâce, dans des cœurs nouveaux, désensablés, dépierrés. C'est la grande œuvre de Sainte Thérèse d’Avila avec Saint-Jean de la Croix, dans la réforme et la refondation du Carmel, une œuvre jamais terminée ni acquise comme notre marche vers une fontaine d'eau vive, vitale et créatrice. Ne perdons pas le goût de Dieu, ne perdons pas le goût de l'eau vive, au risque de perdre le goût des autres, et de perdre le goût de la vie et de dire comme Thérèse : « Je désirais vivre mais je ne vivais pas. »

Laissons quelques paroles de Saint Thérèse accompagner notre marche vers une fontaine d'eau vive. Ses paroles sont un clin d'œil à l'essentiel, à la vie : « Nada te turbe »

« Que rien ne te trouble, que rien de t’effraie 
 Qui a Dieu ne manque de rien.
 Dieu seul suffit. »

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