Homélie du 27e dimanche À
Carmel
de Saint-Maur—Père Maurice Boisson
Les
vendanges sont habituellement un temps joyeux, festif, convivial, bien que ce
ne soit pas de tout repos ! Ce n'est pas le cas dans cette scène racontée par
Jésus dans cet Évangile.
Ce sont
des vendanges plutôt violentes et même sanglantes… Les ouvriers à qui le
propriétaire a confié sa vigne, se sont accaparés la vigne. Non seulement , ils
ont refusé de lui donner la production de la vigne, mais ils ont tué les
envoyés du propriétaire, venus chercher la vendange. Ils ont tué son propre
fils, l'héritier, pour avoir l'héritage. L'accaparement engendre la violence
sous toutes ses formes - en nous-mêmes, dans la vie sociale, et bien sûr dans
les relations internationales. C'est l'expérience de chaque jour. Vouloir
s'accaparer. Non seulement des biens matériels, mais le pouvoir, les premières
places, les honneurs, la vérité, l'autre… etc. Accaparer ne peut qu'engendrer
la violence et la violence est source de beaucoup de maux.
Nous,
l'Humanité, nous sommes la vigne que Dieu a planté avec beaucoup de soin, c'est
la première lecture. Il la soigne, en prend soin. La vigne est la plantation
qui sans doute, demande le plus d'attention, de travail et de soins, même si
aujourd'hui, il y a des machines. Les machines ne remplace pas l’œil et la main
avisés du vigneron et son amour de la vigne.
Cette
vigne c'est le monde, la vie. Elle nous est confiée pour que nous lui fassions
porter de beaux raisins qui en feront un bon cru… De bonté, de fraternité, de
justice, de paix… Un bon bouquet, ce parfum d'Évangile qui rend la vie plus
agréable.
Cette
vigne, Dieu nous la confie en gérance. À son retour, il voudrait récupérer la
production de sa vigne, en rémunérant ses ouvriers bien sûr, mais ceux-ci se sont
accaparés la vigne. Ils en ont fait leur propriété, jusqu'à tuer l'héritier
pour avoir l'héritage. L'héritier, c'est Jésus bien sûr.
L'accaparement
fait son œuvre. Une œuvre de violence, de mort. Nous ne sommes pas
propriétaires de ce que Dieu nous confie. Nous avons des comptes à lui rendre
sur la façon dont nous soignons et faisons fructifier ce qui nous est confié :
nous-mêmes, nos proches, notre prochain, notre monde… S’accaparer, c'est
prendre pour soi ce qui est à tous. C'est devenir propriétaire de ce qui ne
nous appartient pas, mais dont nous avons à prendre soin pour que cela serve à
tous : la Création, « la maison commune » (selon l’expression du Pape
François dans Laudato Si), la vie, la dignité humaine, l'être humain le plus
fragile.
Accaparer
la religion peut être aussi source de violence. Personne, hormis Dieu, n'est
propriétaire de la vigne de Dieu et ne peut se l'accaparer pour la traiter à sa
guise ou selon ses intérêts. Ni les pouvoirs politiques, économiques, sociaux,
religieux, culturels, ne peuvent s'accaparer les biens de l'humanité, de la
Création, de la vigne de Dieu. Ils sont au service de cette vigne pour qu'elle
produise de bons fruits qui servent à tous. Dans notre société, des idées
circulent faisant croire qu'en se débarrassant de Dieu - le propriétaire de la
vigne - qui serait gênant, la vigne nous appartiendrait pour en faire ce que
l’on voudrait et ce que dicteraient certains intérêts ou pressions.
Cette
tentation de l'accaparement qui est au cœur de l'Évangile de ce dimanche, nous
guette aussi dans notre vie quotidienne. Elle est une source de violence, «
Venez, tuons-le ! », pas forcément physiquement mais…
Une
parole d'un grand spirituel, le père de Lubac résume bien ce message : « On
peut construire un monde sans Dieu, mais ce sera toujours contre l'homme ».
Cela se vérifie, hélas !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire